VIAGRA. L’histoire du petit comprimé bleu commence en 1982, lorsqu’un jeune urologue, Tom F. Lue, s’engagea, sous la houlette d’Emil A. Tanagho, chef du département d’Urologie de l’université de Californie, dans un travail sur le mécanisme de l’érection. Un an plus tard, il présentait ses résultats à Las Vegas, au congrès de l’American Urology Association.
Hasard amusant : ce fut à ce même congrès que Sir Giles S. Brindley, physiologiste et musicologue anglais de renom, s’étant injecté de la phénoxybenzamine dans le pénis peu avant sa communication sur l’érection, la conclut le pantalon sur les genoux, montrant à ses collègues une verge généreusement tendue que d’aucuns ne parvenaient pas, malgré la preuve visuelle, à croire réelle chez cet homme déjà âgé. Pour impudente (mais originale !) qu’elle fut, l’exhibition suffit à convaincre le parterre de l’action érectogène du produit…
Lue, d’un naturel réservé, se contenta de faire un point sur l’érection du singe : ses travaux sur les cellules musculaires lisses de la vascularisation pénienne suscitèrent l’intérêt de l’équipe de Jacob Rajfer et de Suresh C. Sikka, de l’université de Los Angeles, qui étudièrent ces cellules selon deux approches. Un homme de 22 ans, auto-amputé du pénis, subit une greffe, occasion pour J. Frederick Krall de cultiver des cellules lisses de corps caverneux. Par ailleurs, 44 hommes souffrant de dysérection se prêtèrent à une étude clinique approfondie. Ceci permit, en 1987, d’affirmer que le trouble érectile pouvait être corrigé en agissant sur les fibres musculaires vasculaires. Les cellules lisses péniennes fonctionnant comme les cellules lisses de toute média artérielle, Krall postula que leur relaxation était induite par une substance libérée par l’endothélium et objet de nombreux travaux : l’EDRF (Endothelium derived relaxing factor), dont la structure demeurait inconnue.
La voie du monoxyde d’azote.
La dernière pièce du puzzle fut positionnée en 1988 : elle dut tout au hasard. Jacob Rafjer, sorti d’un ascenseur en se trompant d’étage, découvrit l’existence d’un laboratoire de physiologie et apprit qu’il s’agissait de celui du pharmacologue Louis J. Ignarro, lequel venait de découvrir que l’EDRF n’était autre que le monoxyde d’azote (NO) ! Ignarro et Rafjer montrèrent en 1989 que le NO était érectogène chez le lapin : libéré après stimulation, il induit dans les corps caverneux la formation de GMPc actif, vasodilatateur et érectogène, lequel est inactivé par des phosphodiestérases. Ce résultat fut retrouvé chez l’homme en 1991 et, dès 1992, on constata que l’inhibition des phosphodiestérases augmentait la réponse érectile en contribuant à maintenir l’action du GMPc.
La suite de l’histoire se focalise sur le sildénafil, produit oublié sur une étagère d’un centre de recherche Pfizer à Sandwich, dans le Kent. Les chercheurs, prenant connaissance des travaux d’Ignarro, furent intrigués par un travail local resté confidentiel : le sildénafil, testé auparavant comme vasodilatateur dans l’angor, manifestait de mystérieuses propriétés érectogènes, a priori indésirables, et ils imaginèrent qu’il pouvait s’agir d’un inhibiteur des phosphodiestérases. La suite, vous la connaissez : six ans seulement s’écoulèrent entre le premier essai clinique et la commercialisation de Viagra, qui dut beaucoup, dit-on, à l’association de « vigor », énergie, à « Niagara »…
En 1998, l’année même de la mise sur le marché du médicament, Ignarro obtint le Prix Nobel de médecine pour la découverte du rôle vasodilatateur du NO.
Viagra fut le premier des médicaments érectogènes efficaces utilisables par voie orale. Le savez-vous : une décennie après sa commercialisation, il était devenu, juste derrière Coca-Cola, la marque déposée la plus connue de la planète !
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