C’EST PEU DIRE que cette session orale était très attendue ! Lors de la 22e conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) de Seattle, le Pr Jean Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis, a présenté les résultats de l’étude Ipergay, évaluant l’intérêt de la prophylaxie pré-exposition (PrEp) à la demande chez des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, non satisfaits des moyens de prévention traditionnels comme le préservatif.
La fin de la méfiance.
Les 414 volontaires inclus dans l’étude ont été répartis entre un groupe placebo et un groupe bénéficiant des comprimés de Truvada (emtricitabine et ténofovir disoproxil, Gilead) à ingérer dans les heures précédant ou suivant un rapport sexuel à risque.
En octobre dernier, suite aux très bons résultats observés dans le bras intervention, le comité indépendant de l’essai avait ouvert l’accès de la PrEp à la demande à l’intégralité des volontaires. Lors de sa présentation, le Pr Molina a expliqué que cette stratégie avait permis de diminuer de 86 % le risque d’infection. « Ces résultats vont faire bouger les lignes sur la PrEp qui était regardée avec un peu de méfiance, y compris par une partie des associations », a souligné le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS (France Recherche Nord&Sud Sida-HIV Hépatites).
Un comportement inchangé.
Les patients dans l’étude avaient en moyenne 10 rapports sexuels par mois, avec un nombre moyen de huit partenaires différents tous les deux mois. Ces habitudes n’ont pas été modifiées par le recours à la PrEp. Au cours des treize mois de l’étude, seize infections par le VIH ont été observées : quatorze dans le groupe placebo et deux dans le groupe PrEp « mais seulement chez des volontaire qui ont décidé d’arrêter la PrEp », précise le Pr Molina. Il y avait 6,6 infections pour 100 patients-années dans le groupe placebo contre moins de 1/100 dans le groupe PrEp.
L’observance et la tolérance étaient bonnes : un seul volontaire est sorti de l’essai suite à une thrombose récidivante. Des augmentations importantes de la créatinine urinaire n’ont été observées que de façon très transitoire, chez deux patients seulement. L’essai Ipergay va maintenant se poursuivre jusqu’en mars 2016.
Une ATU pour l’été prochain ?
Une délégation de l’ANRS, comprenant les Pr Jean-François Delfraissy et Jean-Michel Molina, doit se rendre à une série de réunions auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et au CDC américains. « Nos résultats vont vraisemblablement changer les recommandations », prédit le Pr Delfraissy. Pour le Pr Molina, il est important de préciser que la PrEp « ne remplacera jamais les moyens de prévention classiques et doit s’accompagner d’un dépistage régulier ». En France, une commission existe au sein de l’Agence française du médicament et des produits de santé (ANSM) pour réfléchir à une éventuelle ATU du Truvada dans cette nouvelle indication. Le Pr Delfraissy estime que le dossier devrait progresser pour aboutir « dans le courant de l’été ».
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