Le Quotidien du pharmacien. Le paracétamol n’est pas inscrit au répertoire des génériques. Comment analysez-vous cette exception française ?
Jérôme Peigné. Lors de la mise en place du répertoire des génériques (1997) et du pouvoir de substitution accordé aux pharmaciens (1999), il n’avait pas été prévu de créer des groupes génériques pour lesquels il n’y avait pas de spécialités de référence. C’était le cas du paracétamol. Cette lacune a été comblée par la loi de financement de la sécurité sociale de décembre 2002.
Il n’existe donc plus d’obstacle juridique à l’inscription du paracétamol au répertoire, mais la question présente une évidente dimension économique, et plus exactement industrielle, puisque les spécialités que sont le Doliprane et l’Efferalgan/Dafalgan sont produites par deux usines, l’une dans le Calvados (Sanofi), l’autre dans le Lot-et-Garonne (BMS-UPSA).
Le lobbying mené par les deux grands laboratoires – largement fondé sur une menace pour l’emploi local – a été en partie fructueux. Le paracétamol ne figure toujours pas dans le répertoire, mais les industriels ont consenti une baisse de prix de leur spécialité, négociée avec le CEPS et actée en décembre 2014. Le prix du paracétamol des médicaments de marque (juridiquement il ne s’agit pas de princeps) et des médicaments génériques a en effet été aligné. C’est un accord donnant-donnant où chaque partie a essayé de sauver l’essentiel.
Face à la menace d’une inscription au répertoire des génériques, Sanofi a envisagé de demander le déremboursement du Doliprane. Cette stratégie est-elle viable pour le laboratoire ?
Le marché des antidouleurs à base de paracétamol a pratiquement doublé entre 2002 et 2012 et représente plus d’un milliard d’euros. Le Doliprane est le médicament le plus vendu en volume et le troisième en terme de remboursement de l’assurance-maladie.
La stratégie visant à basculer complètement la marque dans le monde de l’OTC est un pari qui semble risqué. La baisse des prix appliquée depuis 2015 a eu des répercussions économiques pour Sanofi, mais le deal de 2014 a permis de limiter la concurrence générique.
En 2016, le Doliprane reste l’un des médicaments les plus prescrits, les plus vendus et les plus remboursés en France. On ne tire pas un trait sur de tels revenus du jour au lendemain, même pour une big pharma.
L’éventualité de créer de grands conditionnements de paracétamol a-t-elle selon vous une chance d’aboutir en France ?
La limitation de la dose maximale par conditionnement à 8 g de paracétamol remonte au début des années 1980 et repose sur des critères de sécurité sanitaire liés au caractère hépatotoxique du paracétamol. Les surdosages et les mésusages constituent un problème d’autant plus grave que la molécule en cause est l’une des plus connues et vendues au monde : plus de 24 milliards de comprimés vendus annuellement. Malgré un profil de risque favorable, le paracétamol reste l’une des principales causes d’intoxication médicamenteuse.
Aux États-Unis des procès incluant des actions de groupe ont été intentés contre certains fabricants de paracétamol (notamment le célèbre Tylénol), ce qui a conduit la FDA à limiter la dose maximale de paracétamol par prise. La Suède a décidé de faire revenir le paracétamol dans le giron des pharmacies après l’avoir sorti du monopole.
On peut donc penser que les grands conditionnements de paracétamol ne sont pas à l’ordre du jour, pas plus que sa sortie du monopole. Aux pharmaciens d’accompagner et d’assurer son bon usage. Aux autorités publiques de faire prévaloir l’intérêt de la santé publique.
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