Peut-on réparer un cerveau lésé ? C’est la question à laquelle s’est consacré un colloque organisé par l’Académie des Sciences, l’Académie de médecine et l’Académie des Technologies à l’occasion de la semaine du cerveau du 14 au 20 mars à travers le prisme de la médecine régénérative.
Les neurosciences ont fait des progrès fulgurants « de façon exponentielle » depuis 10 ans, estime le Pr Yves Agid, neurologue et membre fondateur de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). La révolution de la plasticité cérébrale a mis en évidence le phénomène de compensation par les neurones collatéraux mais aussi tout récemment celui de neurogenèse potentielle à l’âge adulte. L’existence connue depuis peu de temps de cellules souches dans l’hippocampe fait espérer qu’il serait possible en les stimulant et en les différenciant de remplacer des neurones déficients.
La récupération post AVC
Comme l’explique le Pr François Chollet, neurologue à Toulouse, la récupération fonctionnelle spontanée après un accident vasculaire cérébral (AVC), décrite depuis le début du XXe siècle, est « une constante, même si elle est souvent partielle et exceptionnellement totale ». L’AVC reste ainsi la 1re cause de handicap chez l’adulte. Seuls 20 % des patients y sont candidats aux techniques modernes de l’urgence (unités neuro-vasculaires, la thrombolyse et la thrombectomie mécanique). Et 40 % qui ont pu en bénéficier restent dépendants.
Difficile à anticiper, la récupération fonctionnelle met en jeu des phénomènes moléculaires complexes et la réparation se déroule sur des semaines voire des mois. « Les cartographies corticales ne sont pas immuables », insiste le neurologue toulousain. Des circuits alternatifs se mettent en place avec une suractivation des cortex restants et ce de façon ubiquitaire, dans le cortex moteur, visuel ou du langage.
Rééducation et antidépresseurs
Cette réorganisation cérébrale est modulable par différentes interventions. La rééducation fonctionnelle a fait ses preuves. S’il reste encore beaucoup à préciser sur les protocoles et le moment, la rééducation fonctionne « même à distance de l’AVC. Les performances cliniques sont corrélées à un substratum neurobiologique observable à l’imagerie fonctionnelle », poursuit-il.
Les antidépresseurs sérotoninergiques, qui ont des effets positifs excitateurs, ont donné des résultats prometteurs dans l’activité motrice, notamment avec la fluoxétine et la paroxétine (étude FLAME, 2011). « D’autres petites molécules sont à l’essai, comme la cérébrolysine, les facteurs de croissance ou encore les biothérapies », détaille-t-il. La neuromodulation avec les courants rTMS et tDCS est une autre voie de recherche, qui permettrait de rééquilibrer tôt le réseau fonctionnel dans la balance interhémisphérique.
Parkinson et greffe cellulaire
Pour remplacer la perte des neurones, la transplantation cellulaire est une piste thérapeutique explorée depuis une dizaine d’années. Elle a des applications potentielles à la fois pour des lésions post-AVC ou traumatiques mais aussi dans les maladies neuro-dégénératives. Le Pr Mohamed Jaber, qui dirige des recherches sur la transplatation cellulaire dans la maladie de Parkinson au sein de son laboratoire de neurosciences expérimentales et cliniques (Université de Poitiers-INSERM), explique que ce type d’approche est en butte à des obstacles d’ordre scientifique, éthique, mais aussi dogmatique.
« La thérapie cellulaire est une procédure longue, qui nécessite de prélever des embryons, de disséquer l’encéphale et de transplanter les cellules par stéréotaxie, explique-t-il. Le dogme qu’une repousse axonale n’était pas possible dans le cerveau adulte vient de tomber. Nous avons montré chez la souris que les axones d’un transplant intranigral vont chercher leur cible dans le striatum. Il semble en revanche que la source des neurones transplantés est essentielle, avec une spécificité pour des cellules issues du sous-type précis de la région lésée ».
Pour passer de l’animal à l’homme, la recherche clinique est freinée par la taille du cerveau et le fait que « la maladie de Parkinson ne se résume pas à la dégénérescence nigrale ». La possibilité que la maladie puisse se propager dans le transplant ne freine pas l’enthousiasme du Pr Jaber, car « cela concernerait une petite proportion des neurones, et il faudrait une dizaine d’années pour perdre l’effet thérapeutique obtenu ».
Le potentiel des cellules souches
Autre piste de recherche, les cellules souches pluripotentes « permettent d’accéder théoriquement à n’importe lequel des phénotypes cellulaires dans la quantité désirée », explique le Pr Marc Peschanski, directeur de l’institut des cellules souches pour le traitement et l’exploration des cellules souches monogéniques I-STEM. Les cellules souches pluripotentes ouvrent deux approches de recherche : la voie de la thérapie cellulaire à l’aide de cellules saines et le criblage pharmacologique sur des cellules porteuses de pathologies génétiques.
L’équipe dirigée par Anselme Perrier exploite ces deux approches dans la maladie de Huntington. Pour ce type de recherches, les cellules souches pluripotentes proviennent d’embryons sains (surnuméraires de FIV) ou malades (diagnostic préimplantatoire) ou sont obtenues par reprogrammation génétiques des cellules adultes iPS de sujets sains ou malades.
Maladie de Huntington
La thérapie cellulaire pose différents défis. « La première des choses est définir le protocole de production cellulaire in vitro avec des produits autorisés chez l’homme, ce que l’équipe d’Anselme Perrier a fait en 2013, explique le Pr Peschanski. Il faut ensuite s’assurer du maintien de cette différenciation in vivo chez l’animal et leur fonction. L’utilisation de précurseurs pose aussi des problèmes de sécurité car il faut pouvoir limiter une prolifération massive, le recours au ganciclovir s’est révélé concluant chez l’animal. »
Avec environ 6 000 patients atteints de la maladie de Huntington en France et la nécessité d’une dizaine de millions de cellules pour greffer un patient, l’utilisation clinique demande d’avoir recours à un autre mode de production, « quasi-industriel » avec des robots anthropomorphes reproduisant les gestes faits à la main en laboratoire. « Cela implique de se conformer à des règles pharmaceutiques », souligne le Pr Peschanski.
L’approche du criblage consiste à tester médicament par médicament à la recherche de celui qui sera capable de réverser les phénomènes observés. Dans la maladie de Huntington, les chercheurs ont identifié une cible potentielle via la modulation de l’activité de REST. « Sur plus de 12 000 composés testés, seuls trois ont été retenus », indique-t-il. Ces molécules sont d’ores et déjà en cours de développement.
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