Comment retourner un désavantage en atout, c'est le tour de passe-passe que proposent des chercheurs new-yorkais avec la P-sélectine dans le cancer métastasé.
Les sélectines, qui sont impliquées dans la circulation des globules blancs et des cellules tumorales, peuvent être habilement utilisées comme cible de médicaments et de nanoparticules contre le cancer.
L'équipe du Memorial Sloan Kettering Cancer Center montre chez l'animal dans « Science Translational Medicine » qu'en ciblant cette protéine surexprimée dans le micro-environnement tumoral de nombreux cancers, il est possible d'améliorer l'administration de chimiothérapie et de thérapie ciblée (inhibiteur de MEK) à la fois au primitif et aux métastases. Cette cible permet de passer la barrière vasculaire et d'atteindre la tumeur.
Une nanoparticule issue d'une algue marine
Un dérivé d'algue marine, qui se lie naturellement à la P-sélectine, a été utilisé avec succès comme nanoparticule porteuse de l'agent thérapeutique. Qui plus est, l'équipe sous la direction de Daniel Heller montre que cette nouvelle piste prometteuse peut être élargie à des tumeurs n'exprimant pas la P-sélectine. Une irradiation tumorale localisée est capable d'induire son expression par le cancer, y compris à distance via un effet dit « abscopal ».
La P-sélectine est une molécule d'adhésion cellulaire exprimée par les cellules endothéliales. Stockée à l'intérieur de granules dans le compartiment intra-cellulaire, elle est exprimée à la surface membranaire suite à l'activation de cytokines ou de stimuli extérieurs comme les radiations ionisantes.
Surexpression dans de nombreux cancers
De nombreux cancers - comme c'est le cas pour le poumon, les ovaires, le sein ou le foie -, exploitent pour leur propre compte les sélectines, dont la P-sélectine. Cette protéine, en se liant aux plaquettes, leur permet de se cacher des macrophages derrière des complexes immunitaires. L'expression de ligands à la P-sélectine, de façon identique aux leucocytes, permet aux cellules cancéreuses de se propager à distance à d'autres organes.
Ce n'est pas la première fois que les chercheurs tentent d'utiliser les sélectines dans le cancer. Une stratégie en particulier consiste à développer des particules porteuses qui rendraient possibles l'accumulation passive de médicaments sur les sites tumoraux. Ce serait le résultat d'une paroi vasculaire affaiblie, un phénomène qui est décrit sous le terme « effet de perméabilité et de rétention accrue » (EPR).
Meilleure efficacité, moindre toxicité
Dans toute une série d'expériences, les chercheurs new-yorkais ont exploité les propriétés d'un polysaccharide dérive d'une algue marine, le fucoidan. Ce sucre complexe, qui se lie naturellement à la P-sélectine, a été utilisé pour la synthèse d'une nanoparticule capable de porter une molécule de chimiothérapie.
Les scientifiques ont ainsi testé in vitro puis in vivo dans des modèles animaux la capacité de la nanoparticule à délivrer de la doxorubicine ou encore du paclitaxel au sein de la tumeur primitive puis de façon étendue aux métastases. De même, la P-sélectine a conféré un avantage à l'administration d'inhibiteur de MEK encapsulé, à la fois sur une toxicité moindre et sur un meilleur index thérapeutique.
Une arme à double tranchant
Au vu de ses bons résultats, les chercheurs sont allés jusqu'au bout de leur hypothèse de départ, qui émet l'idée d'une utilisation de la P-sélectine y compris chez les tumeurs ne l'exprimant pas initialement, via l'exposition à des radiations ionisantes. Et en effet, dans leurs expérimentations, la tumeur irradiée s'est mise à exprimer localement la P-sélectine. Mais, comme l'équipe l'a montré avec un modèle murin de tumeur bilatérale, l'impact de l'irradiation était présent sur la tumeur controlatérale non irradiée via un effet à distance dit « abscopal ». La tumeur éloignée ainsi contrainte réagissait aussi avec les nanoparticules.
Pour les auteurs, tout n'est pas encore joué. L'efficacité de l'administration dépend aussi « de l'accessibilité de la cible (...), la perméabilité de l'endothélium et la morphologie du microenvironnement tumoral », soulignent-ils. Si ces derniers mettent en avant les bénéfices attendus en termes d'efficacité et de moindre toxicité, Ranit Kedmi et Dan Peter s'inquiètent dans un éditorial « d'une épée potentiellement à double tranchant ». Selon eux, l'expression de la P-sélectine induite par l'irradiation pourrait à la fois faciliter l'éradication du cancer… mais aussi sa dissémination. Pour ces chercheurs de Tel-Aviv, une solution pourrait être de personnaliser l'approche en réservant ce type de traitement aux patients ayant un score d'immunité (Immunoscore) faible.
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