Le Quotidien du pharmacien.- Qu’est-ce qui vous a décidé à lancer cette pétition en ligne ?
Pr Francis Berenbaum.- Le point critique a été atteint début mai. À cette époque, des patients ont commencé à devoir aller dans dix pharmacies avant de trouver des corticoïdes, sans toujours obtenir le bon dosage. Je n'ai pas encore été contraint de substituer par manque de corticoïdes mais la pénurie a atteint un seuil qui laisse largement penser que certains patients ne prennent plus leur traitement correctement. La pétition a fait bouger les lignes. Elle a permis la mise en place d'un numéro vert et a incité l'ANSM à réunir l'ensemble des parties impliquées le 7 juin.
Existe-t-il un problème plus général sur le recours aux corticoïdes en France ?
Nous pratiquons plus d'infiltrations que les autres pays. Nous consommons plus de corticoïdes que nos voisins. Mais cela veut-il dire que nous les utilisons mal ou que les autres n'y ont pas assez recours ? En tant que rhumatologue, je n'ai pas le sentiment que l'on est dans l'excès. Sans compter qu'il n'existe pas d'alternative pour certaines pathologies. Si je reçois un patient atteint de la maladie de Horton, je ne vois pas ce que je peux lui prescrire d'autre. Nous avons obtenu un délai pour le retrait du Kenacort retard et espérons l'annulation de cette décision (le Kenacort retard devait être retiré dès le mois de juillet, la décision a été reportée à la fin de l'année N.D.L.R.). Il ne représente que quelques pourcents du marché, mais s'il disparaît il ne restera que 2 ou 3 molécules pour traiter certains patients, avec de forts risques de pénurie à venir par effet domino. Souvenons-nous de ce qui s'est passé avec Altim (cortivazol). Il a été retiré en 2017 alors qu'il était le plus prescrit de tous. Cela a entraîné des pressions sur les autres médicaments encore sur le marché, et donc des difficultés d'approvisionnement. Nous sommes sûrs d'observer un phénomène similaire si le Kenacort retard suit le même chemin.
Pensez-vous que les autorités soient en mesure de lutter contre ce problème ?
Des laboratoires français proposent au Comité économique des produits de santé (CEPS) de produire eux-mêmes des corticoïdes injectables. Alors qu'on devrait leur dérouler le tapis rouge, le CEPS leur propose, à la place, une décote de 30 %. La Sécurité sociale doit faire des économies, nous le savons. On nous a déjà fait comprendre qu'il serait bon que l'on « restreigne nos prescriptions ». S'il y a un problème au niveau de la production, il faut améliorer au minimum la communication entre les différents acteurs. Sur cet aspect, je pense que l'ANSM ne fait pas preuve de mauvaise volonté, mais il y a des points sur lesquels elle ne peut rien, comme sanctionner les grossistes répartiteurs qui vendent à l'étranger des MITM en période de tension. Les autorités nous ont annoncé un retour à la normale pour la fin du mois de juin. Je me rendrai donc dans quelques officines à cette période pour vérifier par moi-même.
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