AU COMMENCEMENT de la « pilule », il y avait la liberté. Celle que les femmes, motivées à l’extrême, avaient gagnée. La sexualité des femmes sortait enfin de l’ombre dans laquelle la cachaient jusque-là les mères. Mais ces mêmes femmes comprirent aussi très vite que la liberté et l’indépendance avaient un prix, celui de l’observance absolue. À présent, le progrès sociétal est définitivement passé au second plan. Ne reste plus que la contrainte. La prise quotidienne de la contraception orale est en effet mal vécue par certaines jeunes femmes, la fréquence des oublis étant même jugée alarmante chez les très jeunes filles (21 %). La preuve ? Ce sont les chiffres qui l’apportent : le nombre d’IVG en France ne diminue pas (environ 200 000 par an) ; au contraire, même, le nombre de jeunes mineures qui y ont recours augmente de façon inquiétante.
Le contexte de la première prescription de pilule chez la jeune fille expliquerait en partie le phénomène. « Lors de la première contraception, le gynécologue est souvent confronté à des situations complexes car il est rare que la mère et la fille abordent le sujet dans le même état d’esprit, rapporte ainsi le Dr Joëlle Benshimon, gynécologue à Paris. La mère est dans un processus de protection conforté par son propre vécu, et la fille dans une phase de découverte de son corps, de sa sexualité et de sa fertilité. Quel que soit le cas de figure, on privilégie les besoins et les attentes de la fille et on aide la mère à accepter la prescription faite à sa fille. Certes, depuis quarante ans, la pilule a fait la preuve de son efficacité, ce qui lui donne un fort capital de confiance, ajouté à son aura de libération de la femme. Mais les femmes d’aujourd’hui souhaitent se libérer d’un maximum de contraintes, alors pourquoi conserver la contraignante prise quotidienne ? » Autrement dit, les méthodes modernes - le patch ou l’anneau, par exemple - seraient mieux adaptées au mode de vie actuelle, tout en conservant la même efficacité que la pilule, et mériteraient à ce titre d’être mieux connues.
Un sujet qui n’est plus tabou.
Conflit de génération ? Sujet tabou ? Poids de l’expérience maternelle ? Informations et connaissances sur le sujet ? Pour en savoir plus sur l’« héritage contraceptif » que les mères laissent à leurs filles, le laboratoire Codépharma a réalisé une enquête nationale en ligne auprès de 229 femmes, dont deux tiers de jeunes filles (24 ans en moyenne) et un tiers de mères (56 ans en moyenne). Attitude comparable et transgénérationnelle, le trio de tête de la contraception en France - préservatif masculin, pilule, stérilet - semble immuable d’une génération à l’autre. De même, pilule et première contraception sont pratiquement synonymes pour les deux générations (87 % des mères à 19,5 ans et 94 % des filles à 17,4 ans). Consensus encore sur le changement de moyen contraceptif : plus d’un tiers des mères et des filles ont lâché la pilule, lassées de la contrainte de la prise quotidienne.
Pour autant, elles citent peu les méthodes modernes, patch ou anneau vaginal, même si les jeunes générations les connaissent un peu mieux que leurs aînées. Pour les mères, les alternatives évoquées sont la méthode Ogino ou le coït interrompu, autant de moyens qu’elles ont connus au début de leur vie sexuelle. Quoi qu’il en soit, les deux générations s’accordent à reconnaître que le mésusage des moyens de contraception et la méconnaissance des risques liés à l’oubli sont à l’origine du nombre élevé d’IVG. Le sujet n’est pas tabou entre mère et fille, mais la référence en terme d’information reste, pour les unes et les autres, en priorité le médecin.
Pour une contraception qui « pardonne » l’oubli.
Paradoxalement, si 88 % des filles sont satisfaites de leur pilule, quatre sur dix estiment qu’elle n’est pas adaptée à leur mode de vie (sorties, horaires irréguliers, rapports épisodiques…). Elles attendent d’une contraception qu’elle soit facile à utiliser sans avoir à y penser tous les jours, avec une bonne marge de sécurité et, surtout, qu’elle « pardonne » un oubli. « Les résultats de l’enquête confirment que la meilleure contraception est celle que la femme choisit en fonction de sa motivation, de sa vie active et de sa capacité à la gérer, et approuve en fonction de l’efficacité qu’elle recherche. Il est essentiel qu’elle se l’approprie comme une protection et non comme une contrainte, résume le Dr Céline Plisson, de Codépharma. Il est donc temps que les mères dépassent avec leurs filles le tout pilule et la simple reproduction du schéma qu’elles ont vécu. » Ainsi, la révolution de la contraception s’achèvera avec les méthodes modernes, à condition que les jeunes filles et les jeunes femmes soient correctement informées de la diversité des moyens disponibles pour faire un choix raisonné, principal facteur de réussite. Il y a quarante ans, les femmes ont gagné le droit de choisir de tomber enceinte ou pas. Aujourd’hui, elles peuvent librement choisir le moyen de garantir ce droit.
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