AU CENTRE de l’auditorium de l’hôpital européen Georges-Pompidou, le Pr Jean-Pierre Grünfeld passe en revue les difficultés et réussites de ce plan Cancer II face aux professionnels, aux associations et aux patients rassemblés la semaine dernière à l’occasion d’une assemblée générale du comité de Paris de la Ligue contre le cancer. Invitant chacun « à regarder le cancer autrement, il estime qu’il convient désormais de sortir de la fatalité ». Parmi les mesures phares du plan, les efforts réalisés en matière de recherche enregistrent de belles réussites et le nombre exponentiel de patients qui entrent dans ces essais thérapeutiques le démontre. Dès 2009, le nombre de patients inclus dans les protocoles a bondi de 30 %, attestant que les professionnels donnent désormais l’information à temps. « En connaissant mieux la maladie, on agit plus efficacement et pas moins de 7 % des crédits du plan pour l’année 2010 seront directement attribués aux chercheurs impliqués pour aller encore plus loin », affirme-t-il. Le Pr Grünfeld met aussi en avant le succès de la réorganisation des soins et son système d’autorisation en place depuis le début de l’année 2011. Accordant bien peu de crédit aux classements nationaux des centres de soins publiés dans les magazines « qui livrent quelques informations, mais les présentent de façon ridicule », souligne-t-il, le spécialiste insiste sur les améliorations de prise en charge en matière de radiothérapie où le personnel a été considérablement renforcé.
Une course d’obstacles.
En accordant une place essentielle à celles et ceux qui s’en sortent, le plan Cancer II appelle aussi à redoubler d’efforts sur les initiatives à prendre pour faciliter la vie après cancer. Le Pr Grünfeld souligne que désormais 35 études en cours sont consacrées à l’accompagnement médico-social pour « établir ce pont entre l’hôpital et la ville qui manque encore trop souvent ». L’insertion professionnelle illustre aussi les difficultés liées aux initiatives nouvelles. « Alors que le taux de mortalité par cancer est multiplié par trois lorsque les gens basculent dans le chômage », rappelle-t-il. « Il nous a fallu deux ans pour réunir tous les acteurs et faire bouger les choses. Ces travaux démarrent seulement », déplore-t-il.
Même obstacle concernant la nouvelle convention AERAS, négociée pendant un an et demi, qui doit permettre un accès plus facile aux prêts. Aujourd’hui, les assureurs sont tenus informés du pronostic, mais rien ne les contraint à en tenir compte. Une pression qui lui paraît sans cesse nécessaire à tous les niveaux. Le Pr Grünfeld estime que la principale difficulté reste la prévention à propos de laquelle les objectifs fixés par le plan Cancer II ne seront peut-être pas atteints. « Le dépistage n’est toujours pas vécu comme une chance et le dispositif d’annonce n’est au point que dans un centre sur deux », déplore-t-il.
Carence de santé publique interventionnelle.
Jean-Pierre Grünfeld enregistre un retard certain des travaux menés sur les facteurs de risque et regrette l’insuffisance des actions de santé publique. « Nous avons besoin d’opérations ciblées sur les populations qui en ont le plus besoin et que nous connaissons mieux. Les initiatives restent encore trop timides à l’heure où il faut aller au-devant des personnes à risque. » Les exemples sont nombreux : hausse régulière du surpoids en France de l’ordre de 6 % par an, depuis 12 ans avec peu de progrès enregistré sur le plan de l’éducation nutritionnelle, qui pour les personnes malades commence à l’hôpital ; consommations dangereuses d’alcool notamment dans le Nord, de tabac qui reste impliqué dans 30 % des cancers les plus graves et qui ne fait toujours pas l’objet de plans de lutte efficace. Jean-Pierre Grünfeld déplore que la France stagne à 32 % de fumeurs, avec une hausse de 2 % enregistrée l’an dernier. À quelques jours de la journée mondiale de lutte contre le tabac, Jean-Pierre Grünfeld estime que « nous n’avons toujours pas trouvé la clé pour convaincre à l’arrêt du tabac. Les timides mesures inférieures à une augmentation de 10 % du prix de vente des paquets de cigarettes sont les seules à avoir apporté la preuve de leur efficacité », regrette-il.
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