Le Pr Jean-Luc Harousseau est connu à la fois pour ses travaux sur le myélome et pour avoir introduit l'évaluation médico-économique des médicaments lors de son mandat de président de la Haute Autorité de santé (HAS) de 2011 à 2015.
Il revient sur l’évolution des innovations dans son domaine de prédilection avec l’émergence de « molécules qui ont changé la prise en charge thérapeutique » : inhibiteurs de la tyrosine kinase, du protéasome, de transmission du signal, des protéines BCL-2 et d’histone désacétylase dits HDAC. Le progrès le plus important ? « L’immunothérapie, ce vieux rêve qu’on poursuit depuis 50 ans », dont l’idée vient du cancérologue Georges Mathé. « C’est le mythe de la dernière cellule, il pensait qu’on ne pourrait jamais s’en débarrasser et qu’il fallait apprendre au système immunitaire à le faire. » L’immunothérapie prend différentes formes en hématologie, note Jean-Luc Harousseau, comme les immunomodulateurs ou les check point inhibiteurs, dont l’action cible le système immunitaire. D’autres agissent directement sur la tumeur. C’est le cas des anticorps monoclonaux, des anticorps couplés à un isotope ou une toxine, des anticorps bispécifiques et des cellules CAR-T (Chimeric Antigen Reactor T).
« Toutes ces molécules nouvelles coûtent cher, la R & D et la production ont des coûts élevés, et en particulier pour les CAR-T cells qui sont un traitement unipersonnel. Cela peut entraîner des problèmes d’accès aux médicaments, y compris en France », remarque le Pr Harousseau. En effet, le système des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) qui a permis aux Français un accès précoce aux médicaments les plus innovants bloque actuellement sur les extensions d’indication. Un problème bien identifié qui figure dans la première version du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 présenté la semaine dernière. L’inscription sur la liste en sus des médicaments innovants très chers est plus difficile, l’attractivité de la recherche clinique en France chute, les négociations de prix entre autorités françaises et industriels sont de plus en plus ardues et allongent les délais de mise à disposition. « Plus que l’augmentation des prix, c’est l’augmentation des coûts qu’il faut prendre en compte, ajoute l’onco-hématologue. Le prix du médicament en fait partie mais il faut intégrer l’augmentation du nombre de malades traités et de la durée des traitements, ainsi que les associations de molécules innovantes. Mais quel est le juste prix ? »
Guérir un condamné
L’éternelle question. La France combine une évaluation clinique et médico-économique mais celle-ci a des limites. « Elle est fondée sur des modèles complexes qui ne correspondent pas à la vie réelle puisque ce sont des hypothèses, donc l’incertitude est d’autant plus grande que le recul est insuffisant », explique Jean-Luc Harousseau. Face à l’incertitude, un médicament innovant se voit attribuer une ASMR ou amélioration du service médical rendu faible, ce qui handicape la négociation de prix qui suit. Le Pr Harousseau appelle à une révolution de la fixation des prix qui se justifient sur les résultats des médicaments. « Mais quand ce résultat est de guérir quelqu’un condamné à une mort certaine, je ne sais pas fixer le prix. »
D'après une communication au Colloque de la santé, organisé par « Le Quotidien » et « Décision Santé » sur le thème « Immunothérapie adoptive et CAR T-cells : les enjeux d’une révolution ».
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