La rougeole, une résurgence inquiétante

Après des décennies de progrès, la lutte contre la rougeole « stagne », s’alarme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Le nombre de cas et de décès repart à la hausse. Le dernier rapport de l’institution, rendu public le 5 décembre dernier, fait état d’une hausse de 15 % des décès en 2018 par rapport à 2017, pour atteindre 142 000 morts. Il s’agit d’un « échec collectif » pour le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS.

Les îles Samoa, symbole actuel de la résurgence

En 2016 pourtant, la barre des 100 000 décès annuels liés à la rougeole n’avait pas été franchie. Avec 89 780 décès recensés cette année-là, le nombre de morts chutait de 84 % par rapport à l’année 2000

Depuis, les transmissions explosent. Symbole actuel de cette résurgence, les îles Samoa dans le Pacifique connaissent depuis mi-octobre une épidémie de rougeole qui a fait 70 morts, pour l’essentiel de jeunes enfants, selon des chiffres publiés le 9 décembre, à l’issue d’une campagne inédite de vaccination.

Malgré cette actualité tragique dans le Pacifique, la région la plus touchée par l’épidémie reste l’Afrique subsaharienne. La zone concentre quatre des cinq pays ayant le taux d’incidence de la rougeole le plus élevé : le Liberia, Madagascar, la République Démocratique du Congo (RDC) et la Somalie. Avec l’Ukraine, ces pays représentent la moitié des cas recensés dans le monde en 2018.

L’Europe n’est pas épargnée

Dans les pays riches, la situation ne se révèle guère plus rassurante. Aux États-Unis, le nombre de cas enregistrés est le plus important depuis 25 ans. En Europe, des pays où la rougeole avait été déclarée éliminée constatent un retour des transmissions : c’est le cas en Albanie, en Grèce, au Royaume-Uni et en République Tchèque. Selon la Commission régionale européenne de vérification de l’élimination de la rougeole et de la rubéole (CRV), 35 pays ont maintenu ou obtenu le statut d’élimination de la rougeole à la fin de 2018, alors qu’ils étaient 37 en 2017.

En Europe, l’OMS comptabilise, au premier semestre 2019, quatre pays qui concentrent 77,5 % des cas de rougeole : l’Ukraine (60,2 % des cas), le Kazakhstan (9,8 %), la Géorgie (4,3 %) et la Russie (3,2 %). Cette résurgence de la rougeole se traduit par une hausse du nombre de décès, touchant particulièrement les enfants de moins de 5 ans, plus exposés à des complications comme la pneumonie et l’encéphalite. Le virus entraîne « des effets à long terme sur la santé », rappelle l’OMS, et notamment une « amnésie immunitaire » et ainsi une vulnérabilité à d’autres maladies (grippe ou diarrhée sévère par exemple).

Une défiance face à la vaccination

Le recul de la vaccination est la principale cause de cette résurgence. Le taux de vaccination est en stagnation « partout depuis près d’une décennie », observe l’OMS. Selon les estimations de l’institution et de l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance), 86 % des enfants dans le monde ont reçu la première dose du vaccin contre la rougeole en 2018, mais moins de 70 % ont reçu la deuxième dose recommandée. La couverture vaccinale apparaît donc insuffisante pour prévenir les épidémies.  Une couverture de 95 % avec les deux doses est en effet nécessaire pour y parvenir. Ce recul s’inscrit dans un contexte de défiance à l’égard de la vaccination. Début décembre, le représentant régional de l’Unicef dans le Pacifique, Sheldon Yett, cité par l’AFP, en appelait à la responsabilité des réseaux sociaux, notamment Facebook, pour sévir contre la prolifération de messages contre la vaccination

Mesures indispensables

Outre la vaccination, la prise en charge et le traitement rapide des cas de rougeole sont des mesures indispensables pour lutter contre l’épidémie et réduire le nombre de décès. « Les plus grandes épidémies de rougeole ont frappé des pays où les systèmes de vaccination systématique et de santé sont faibles. », a commenté le Dr Seth Berkley, P-DG de l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination.