La schizophrénie est une maladie chronique pas comme les autres. Tout d’abord parce qu’elle touche essentiellement les jeunes de 15 à 25 ans, souvent de manière diffuse, amenant à plusieurs années d’errance thérapeutique. Mais aussi parce que complexe, elle véhicule nombre d’idées reçues et de fantasmes.
Les pharmaciens n’échappent pas à cette ignorance partagée par nombre d’acteurs de santé, y compris par les médecins généralistes. Comme en témoigne un sondage Opinionway, réalisé pour le Laboratoire Janssen (1), 26 % des pharmaciens reconnaissent ignorer « ce qu’est exactement la schizophrénie ». Tout comme sa prévalence, alors qu’elle touche 600 000 Français, soit 1 % de la population. Cependant, contrairement au grand public qui associe encore très souvent, à tort, la schizophrénie à un dédoublement de la personnalité, la majorité des pharmaciens savent en citer les principaux symptômes (idées délirantes, désorganisation de la pensée, comportements bizarres) tout comme les facteurs déclencheurs et aggravants, la consommation de stupéfiants notamment.
En revanche, les officinaux, comme les psychiatres du reste, sont minoritaires à mentionner deux autres symptômes importants, moins connus mais non moins invalidants, que sont les troubles de la mémoire et la perte d’énergie. Cette méconnaissance des pharmaciens, similaire à celle du corps médical, principalement des médecins généralistes, conduit à une ignorance de la souffrance des patients, de l’isolement social qui en découle – un patient sur cinq est ainsi sans domicile fixe – et de la stigmatisation qui frappe ces patients. Par conséquent, davantage encore que le grand public, les pharmaciens sont 90 % à considérer les malades dangereux « pour les autres ». Un préjugé, affirme le Dr Pierre de Maricourt, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne de Paris, qui souligne que le malade est avant tout dangereux pour lui-même. Les patients atteints de schizophrénie encourent un risque 13 fois plus élevé de se suicider que la population générale.
Renforcer l'observance
Cette méconnaissance des pharmaciens et des médecins de ville est d’autant plus paradoxale qu’ils peuvent se trouver en première ligne dans la détection des prodromes de la maladie, de ses symptômes (2) et dans l’accompagnement des aidants. De plus, le pharmacien est appelé à intervenir pour une meilleure observance des 60 % de patients sous traitement antipsychotique oral et des 20 % sous traitement injectables à libération prolongée (3), quand on sait que, dans 50 à 80 % des cas, les personnes atteintes de schizophrénie n’ont pas conscience de leurs troubles mentaux. Un phénomène qui engendre 40 à 70 % de patients non-observants et un grand nombre de rechutes.
Enfin, une prise en compte de ces diverses composantes de la maladie pourrait permettre aux équipes officinales une meilleure approche des aidants. Car, comme le rappellent les associations de familles (4), les aidants, davantage dans cette pathologie que dans d'autres maladies chroniques, restent la clé de voûte du suivi du traitement, médicamenteux comme psychoéducatif.
(1) Le grand baromètre de la schizophrénie. Effectué entre le 4 décembre 2017 et le 2 janvier 2018 auprès du grand public, de patients, d’aidants, de conseillers départementaux et de professionnels de santé, dont 100 pharmaciens titulaires d’officine.
(2) Syndromes dits positifs (hallucinations, délires, troubles de la pensée et du comportement), négatifs (affaiblissement des fonctions émotionnelles, retrait social, perte de motivation), cognitifs (troubles de la mémoire et de la compréhension) et affectifs (anxiété, pensées suicidaires…)
(3) Trois des quatre molécules injectables, dont le Trevicta (palmitate de palipéridone) en injection trimestrielle de Janssen sont aujourd’hui disponibles en officine, – la quatrième nécessitant un délai d’observation de trois heures est réservée au milieu hospitalier.
(4) Telles que l’UNAFAM et PromesseS.
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