LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Dans un ouvrage récent que vous avez préfacé (Herbes, magie, prières), vous rendez au passage hommage à certains comportements de soins instinctifs hérités du monde animal. La pharmacie du troisième millénaire nous éloignerait-elle de ces instincts de soins ?
DR. AXEL KAHN.- L’une des sources du savoir thérapeutique est « empirique », il découle de l’observation des effets bénéfiques de pratiques au départ dénuées de vraies justifications rationnelles. Dans les temps modernes, la médecine naturelle et traditionnelle reste source d’inspiration pour isoler les substances actives responsables des effets observés. Un autre moyen d’orientation vers des composés à potentiel thérapeutique est l’observation de la nature, c’est-à-dire de mécanismes de défense qui ont été sélectionnés par l’évolution. C’est là le point de départ, entre autres, de l’isolement de la pénicilline et de nombreux autres antibiotiques, de divers anticancéreux tel le taxotère ou la vincablastine, etc. Ces mécanismes du progrès thérapeutiques n’ont pas de raison de disparaître dans le futur.
Comment voyez-vous évoluer la pharmacopée de demain ? La thérapie génique sera-t-elle aussi centrale que le laissent envisager les récents progrès en ce domaine ?
La thérapie génique est maintenant sortie du ghetto des thérapeutiques expérimentales d’avenir, elle a témoigné de son efficacité dans différentes affections génétiques où elle représente la seule solution et est testée dans un petit nombre d’affections acquises. Cela dit, elle reste et, selon moi, restera une méthode de « créneaux », réservés à des situations particulières où les autres approches apparaissent sans perspective. Je ne la vois pas représenter une révolution globale de l’art de soigner demain.
L’acte thérapeutique est de plus en plus souvent guidé par la génétique. Trouvera-t-on demain un pilulier dans le berceau des nouveau-nés ?
La médecine personnalisée est une réalité, elle ne doit pas devenir une illusion. Elle permettra de mieux en mieux d’adapter la thérapeutique aux mécanismes moléculaires responsables de la maladie et de ses symptômes chez une personne donnée et de se garantir de certains effets indésirables des médicaments. En revanche, nombre des situations pathologiques n’auront pas de facteurs significatifs de prédisposition génétique (les accidents et, pour l’essentiel, les réactions individuelles aux accidents de la vie), ou alors, ce sera le cas le plus fréquent, seront de simples déterminants de la susceptibilité aux facteurs de l’environnement quels qu’ils soient, nutritionnels, toxiques, infectieux, psychiques, etc. Les maladies génétiques où l’effet de l’environnement agit peu sont très minoritaires.
Y a-t-il, selon vous, en thérapeutique moderne comme une quête de l’immortalité ? Faut-il réprimer cette tendance ?
La recherche sur le vieillissement et ses mécanismes a fait de tels progrès que nous sommes à l’orée d’un temps où il sera possible de ralentir, dans une certaine mesure, le vieillissement biologique lui-même. Il s’agira bien d’un ralentissement qui accompagnera la tendance à un accroissement progressif de l’espérance de vie à la naissance, en aucun cas d’un pas vers « l’immortalité ». Chez les animaux d’expérience les plus simples utilisés en laboratoire, la mouche et le vers, on sait prolonger leur vie, en aucun cas les rendre immortels.
Quelle place doit, selon vous, tenir la réflexion éthique dans l’acte pharmaceutique ?
La santé est à la fois un marché considérable, de l’ordre de cinq mille milliards de dollars par an, et un droit de l’homme reconnu par les textes nationaux et internationaux, celui d’accéder aux meilleurs services de santé disponibles sans préjudice du sexe, de l’ethnie, des croyances et de la richesse. Cette nature double de la santé qu’il ne faut jamais oublier pose et posera d’irréductibles difficultés éthiques. Par ailleurs, la question éthique qui devra continuer de se poser à tous les stades du progrès des connaissances et des techniques en médecine et autres techniques du corps est la suivante : le nouveau pouvoir d’agir acquis respecte-t-il l’humanité des femmes et des hommes ? Constitue-t-il pour eux une meilleure chance d’épanouissement - et alors il sera éthique d’en user - ou bien recèle-t-il une menace pour l’autonomie d’autrui, sa sécurité et sa « dignité » ? Et dans ce cas le rôle de la réflexion éthique sera de se prémunir de ces périls.
Article précédent
Une profonde mutation du secteur du médicament
Article suivant
Le pharmacien, pivot de la médecine générale
Des atouts formidables
Réussir le passage aux honoraires
Valoriser notre métier
Le pharmacien, chef d’orchestre d’un monde meilleur
Le futur sera riche et intense !
Bienvenue dans le laboratoire des galéniques du futur
Au carrefour de toutes les exigences
Vers 4 nouveaux réseaux de pharmacies
S’appuyer sur ses atouts pour répondre aux nouveaux besoins
L’ambition des groupements pour l’officine de demain
Vers une plus grande polyvalence
L’officine devra s’adapter aux nouveaux modes de vie
Vers toujours plus d’excellence
De A à Z, ces mots qui réécrivent la pharmacie française
Une accessibilité parfaite
Une évolution structurelle
Un rôle de première ligne
La révolution ne fait que commencer
« Comment je vois l’avenir de la pharmacie d’officine »
Vers une nouvelle relation patient-pharmacien
Les défis à relever
Un journal dans la vie
Regards croisés sur la pharmacie du troisième millénaire
Une profonde mutation du secteur du médicament
« La thérapie génique est sortie du ghetto des thérapeutiques expérimentales d’avenir »
Le pharmacien, pivot de la médecine générale
Dans le regards de nos lecteurs
Malgré les contraintes, la pub pharma fait son show
La pharmacie du IIIe millénaire
Menace et opportunité
Scénario fiction
Une formidable opportunité
De nouvelles opportunités pour un pharmacien au cœur du système de soins
Développer de nouvelles compétences
De nouvelles ressources pour l’officine
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques