LE CANCER colo-rectal constitue la seconde cause de mortalité par cancer en France. La prise régulière d’aspirine après le diagnostic du cancer colo-rectal a été associée à une baisse de la mortalité dans plusieurs études. Ainsi, dans l’étude prospective de Chan et coll. (1 239 patients ayant un stade 1, 2 ou 3), l’aspirine est associée à une baisse de 29 % de la mortalité par cancer colo-rectal (« JAMA », 2009). Une sous-analyse précisait que le bénéfice de l’aspirine était confiné aux patients ayant un cancer surexprimant la PTGS2 (prostaglandine-endopéroxide synthase) mesurée par méthode
immunohistochimique. Toutefois, vu la difficulté à standardiser un test immunohistochimique de la PTGS2, d’autres biomarqueurs sont nécessaires pour identifier les patients pouvant bénéficier d’une thérapie adjuvante par aspirine.
Une étude de Liao et coll. rapporte maintenant l’identification d’un biomarqueur potentiel : la mutation PIK3CA dans le cancer colo-rectal.
Les chercheurs savaient que des mutations du gène PIK3CA (gène encodant la sous-unité active de la PI3K ou phosphatidylinositol-3-kinase) majorant l’activité PI3K sont présentes dans 15 à 20 % des cancers colo-rectaux ; ces mutations, en augmentant l’activité de la PTGS2 (prostaglandine-endopéroxide synthase), inhibent l’apoptose des cellules cancéreuses. Or l’aspirine pourrait supprimer la croissance des cellules cancéreuses et induire leur apoptose en inhibant la PTGS2 et bloquant de ce fait la voie PI3K.
Liao et coll. ont donc émis l’hypothèse selon laquelle que des mutations PIK3CA acquises somatiquement dans la tumeur pourraient influencer l’effet de la thérapie adjuvante par aspirine.
Pour tester cette hypothèse, ils ont analysé les données portant sur 964 patients atteints de cancer colorectal enrôlés dans deux études de cohortes prospectives (enrôlés en 1976 dans la Nurses’ Health Study et en 1986 dans la Health Professionals Follow-up Study). Ces données comprenaient notamment la prise ou non d’aspirine après le diagnostic, et la présence ou absence de mutation PIK3CA dans la tumeur.
Réduction de la mortalité.
Leurs résultats montrent que chez les patients ayant un cancer avec mutation PIK3CA, la prise d’aspirine après le diagnostic est associée à une réduction de 46 % de la mortalité globale et une réduction de 82 % de la mortalité par cancer colorectal.
En revanche, chez les patients ayant un cancer sans mutation PIK3CA, la prise d’aspirine n’affecte pas la mortalité globale ou la mortalité par cancer colorectal.
Cette association apparaît indépendante de la prise d’aspirine avant le diagnostic. L’effet le plus important de la prise d’aspirine est observé chez les patients dont les tumeurs hébergent à la fois la mutation PIK3CA et l’expression PTGS2.
« Bien que ces résultats soient intéressants et intrigants, ils doivent être considérés comme préliminaires et devront être confirmés dans des études prospectives », estime dans un éditorial le Dr Boris Pasche (université d’Alabama à Birmingham).
Si ces résultats sont confirmés, la mutation PIK3CA dans le cancer colo-rectal deviendra un biomarqueur utile pour guider le traitement adjuvant.
« Puisque plus d’une tumeur colo-rectale sur six héberge des mutations PIK3CA, l’emploi ciblé de l’aspirine adjuvante pourrait avoir un effet majeur sur le traitement du cancer colo-rectal. L’aspirine pourrait bien devenir l’un des plus vieux médicaments à être utilisé comme une thérapie ciblée du XXIe?siècle », note le Dr?Pasche.
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