« JE SUIS en faveur d’un outil permettant de rendre compréhensible une information, aujourd’hui trop complexe, sur la qualité nutritionnelle des produits alimentaires industriels », déclarait Marisol Touraine le 19 juin dernier, lors de la présentation des orientations de son projet de loi de santé. « De nombreuses marques m’ont fait part de leur intérêt pour une telle démarche. Il nous faut faire aboutir la réflexion sur ce que pourra être cet outil », avait-elle prudemment ajouté. À ce titre, la ministre peut s’appuyer sur le rapport remis le 28 janvier 2014 par le Pr Serge Hercberg et ses « propositions pour un nouvel élan de la politique nutritionnelle française de santé publique ». L’une des recommandations prône la mise en place d’un « système d’information nutritionnelle unique sur la face avant des emballages des aliments », permettant « une différenciation sur le plan nutritionnel des produits entre catégories et au sein d’une même catégorie » grâce à une nouvelle signalétique sur cinq couleurs fondée sur un score international de qualité nutritionnelle.
« Le système d’étiquetage actuel est utile car il responsabilise les industriels pour qu’ils renseignent sur un certain nombre d’éléments, mais il n’a en revanche pas d’intérêt en termes de santé publique », souligne le Pr Hercberg. L’enjeu du nouvel étiquetage est double. Outre une information sûre et compréhensible pour éclairer les consommateurs – notamment les plus défavorisés – sur la qualité nutritionnelle des aliments, la généralisation d’une telle signalétique devrait inciter les industriels à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments qu’ils produisent. Cette perspective est d’ailleurs à la base des résistances du secteur de l’agroalimentaire à ce type de mesure.
Concurrence nutritionnelle.
« Les industriels ont peur de cette concurrence nutritionnelle qui va vraiment permettre au consommateur de voir la réalité de la composition nutritionnelle globale d’un aliment et de constater les différences entre produits à ce niveau », considère le Pr Hercberg.
Dans le projet de loi de santé, l’article 5 pose le principe dans le code de la santé publique d’une « information nutritionnelle synthétique, simple, accessible pour tous ». Celle-ci ne sera pas obligatoire car la législation européenne ne le permet pas à ce jour. L’article 35 du règlement 1169 du 25 octobre 2011 sur l’information du consommateur prévoit en effet que les États membres peuvent seulement « recommander aux exploitants du secteur alimentaire d’utiliser une ou plusieurs formes d’expression ou de présentation complémentaires de la déclaration nutritionnelle (obligatoire), notamment une expression au moyen de graphiques ou symboles ».
Lobbying intense.
S’agissant du projet de loi de santé, la forme même que prendra cette information facultative est d’ores et déjà renvoyée à un décret d’application qui s’appuiera notamment sur un avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES). Le fait que le système même de cette signalétique ne soit pas encore tranché dans le projet de loi n’est peut-être pas si anodin alors que l’examen du texte au Parlement s’annonce mouvementé sur d’autres dispositions bien connues des médecins notamment… En attendant, c’est une autre bataille de lobbying que livrent actuellement les industriels face aux associations de consommateurs soutenues par des sociétés savantes. En septembre dernier, l’initiative d’une signalétique édulcorée du groupe de grande distribution Carrefour (qui commercialise ses propres marques de produits alimentaires) a été considérée comme une attaque frontale au système prôné auprès de la ministre de la Santé par le Pr Hercberg. En réponse, une pétition citoyenne* soutenue par plus d’une trentaine de sociétés savantes, a recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures sur Internet pour demander au gouvernement « que soit mis en place le système d’information sur la qualité nutritionnelle simple et compréhensible sur la face avant des emballages des aliments » sur la base du modèle des 5 couleurs présenté par le Pr Hercberg. Lorsque débutera l’examen du projet de loi Santé, Marisol Touraine ne pourra peut-être pas faire l’économie d’une prise de position claire sur ce sujet épineux.
*La pétition est accessible via le site
de la Société française de santé publique (www.sfsp.fr)
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