Les mots de la patiente
- « Ma fille de 16 ans vient d’avoir ses premiers rapports sexuels, est-il trop tard pour la faire vacciner ?
- Je fais un frottis tous les cinq ans, est-ce suffisant ?
- Le port de préservatifs par le partenaire protège-t-il efficacement contre l’infection à papillomavirus ? »
Rappel physiopathologique
L’utérus est l’organe génital féminin destiné à recevoir l’ovule fécondé et à permettre son développement jusqu’à la fin de la grossesse. C’est un organe musculaire creux formé d’une partie supérieure large, le corps, et d’une partie inférieure plus étroite, le col. La cavité de l’utérus s’ouvre dans le vagin par le col et dans les trompes utérines par les parties supérieures et latérales (cornes utérines).
Le cancer du col de l’utérus est au huitième rang des cancers de la femme et il touche principalement les femmes jeunes. En France, on enregistre 3 400 nouveaux cas par an et 1 000 décès. Il est causé par des papillomavirus humains (HPV), ces virus sont très fréquents et le contact avec eux se fait pour 50 à 70 % des cas dans les cinq à six mois suivant les premiers rapports sexuels. Il s’agit d’une infection sexuellement transmissible, le papillomavirus se transmettant par simple contact de peau à peau et/ou de muqueuse à muqueuse et non par le sang ou le sperme ; un simple attouchement peut entraîner l’infection. Dans la majorité des cas, le virus est éliminé naturellement par les femmes, mais dans 10 % des cas il peut persister et provoquer des anomalies cellulaires au niveau du col (dysplasies légères ou de haut grade), le cancer du col étant la conséquence ultime de l’infection chronique à HPV. À côté du cancer du col lui-même, les HPV peuvent causer des lésions génitales externes au niveau de la vulve et du vagin (dysplasies, cancers, condylomes ou verrues génitales).
Les dysplasies sont des lésions précancéreuses qui sont classées en trois grades selon la hauteur de l’épithélium impliquée : CIN1 ou légères, CIN2 modérées et CIN3 sévères. Les dysplasies de bas grade sont les plus fréquentes et régressent en un à deux ans dans 60 à 80 % des cas.
Les questions à l'officine
Quels sont les types d’HPV les plus oncogènes ?
Sur plus de 120 génotypes identifiés, 50 peuvent infecter la sphère anogénitale ; 18 sont considérés à fort potentiel oncogène pour le col utérin et parmi eux huit sont impliqués dans 95 % des cas de cancer du col (types 16, 18, 31, 33, 35, 45, 52 et 58). À eux seuls les génotypes 16 et 18 sont retrouvés dans plus de 70 % des cas. Les HPV 6 et 11, très contagieux, sont retrouvés dans 90 % des cas de verrues génitales encore dénommées condylomes acuminés (90 %).
Comment évoluent les verrues génitales ?
Même si elles ne menacent pas le pronostic vital, elles peuvent générer un stress psychoaffectif, une dépréciation de soi, un sentiment de gêne et d’inquiétude, et elles représentent un fardeau économique pour la société. Leur traitement efficace à court terme est souvent difficile et douloureux et les taux de récidive sont élevés car l’infection persiste. Une femme sur dix en souffre avant l’âge de 45 ans, et la fréquence ne cesse d’augmenter chez les jeunes femmes comme le confirment de nouvelles données du Royaume Uni.
Quelles sont les femmes les plus exposées au risque de cancer ?
Le cancer est exceptionnel avant 25 ans, c’est vers 40 ans que le cancer invasif du col peut se déclarer, l’âge médian au diagnostic est autour de 51 ans. L’intervalle entre une lésion à haut risque et le développement du cancer du col est estimé entre dix et vingt ans. Il existe des cas plus tardifs et le cancer est alors d’évolution rapide. Les facteurs de risque sont la multiplicité des partenaires, l’âge précoce des premiers rapports, le tabagisme, la contraception orale, et l’absence de surveillance gynécologique.
À quel âge et à quel rythme doit-on pratiquer les frottis ?
Le dépistage du cancer du col utérin en France est de type individuel et les études montrent que l’observance de ce dépistage par frottis cervico-utérin n’est pas correctement suivie pour un grand nombre de femmes. La mise en place d’un dépistage organisé améliorerait la qualité de la prise en charge. Cet examen est recommandé aux femmes de 25 à 65 ans, selon un rythme triennal (tous les trois ans) après deux frottis normaux à un an d’intervalle. Après 65 ans, le frottis de dépistage n’est plus recommandé mais il faut tenir compte de chaque situation individuelle.
Quels examens et dans quel cas
Le frottis reste le test de référence dans la prévention des lésions précancéreuses et cancéreuses du col utérin.
Comment se réalise un frottis ?
Deux techniques sont à la disposition des médecins : la méthode conventionnelle par étalement du prélèvement sur lame et fixation immédiate, et la technique du frottis en milieu liquide : le prélèvement est mis en suspension dans un liquide de conservation. Les deux méthodes se valent mais la technique en milieu liquide réduit les difficultés d’interprétation par rapport à l’étalement sur lame.
Quand pratiquer un test HPV (recherche de l’ADN viral) ?
Le test actuel ne permet de déceler qu’un ensemble de génotypes sans que la détermination précise de la souche soit possible en routine. Actuellement, et en dehors de deux situations précises, il n’y a pas d’indication à la réalisation du test HPV dans le cadre d’un frottis anormal. En dépistage primaire (test HPV réalisé seul ou associé d’emblée au frottis de dépistage), la recherche d’ADN viral est encore en cours d’évaluation.
Les traitements
Les dysplasies réalisent un état de précancer et c’est vers 22-26 ans qu’elles peuvent apparaître. La mise à disposition de deux vaccins anti-HPV ouvre une nouvelle voie vers la prévention primaire en complément du frottis de dépistage qui reste indispensable chez les femmes vaccinées et non vaccinées.
Comment traiter une dysplasie ?
Dès qu’une dysplasie légère CIN1 ou de bas grade est détectée, une coloscopie est systématiquement pratiquée avec biopsie. Cette lésion n’est pas grave et son traitement ne s’impose que si elle persiste au-delà de 18 mois. En présence d’une dysplasie de haut grade, CIN2 ou CIN3, on pratique une conisation (prélèvement d’un fragment de tissu de forme conique) ou une électro-conisation, il s’agit d’une résection de la lésion et dans 95 % des cas la femme sera guérie. Mais les traitements chirurgicaux du col de l’utérus sont mutilants et peuvent avoir des conséquences obstétricales, alors que la destruction par laser n’affecte ni la fertilité ni l’avenir obstétrical des patientes. Le traitement est rapide, simple et ambulatoire mais il ne permet pas de contrôle histologique. La chimiothérapie est réservée au cas les plus avancés.
Quelle est l’efficacité de la vaccination ?
Deux vaccins prophylactiques sont disponibles en France, l’un quadrivalent (Gardasil) dirigé contre les types 16, 18, 6 et 11, et l’autre bivalent (Cervarix) ciblant les types 16 et 18. La production d’anticorps obtenue avec ces vaccins est plus de dix fois supérieure à celle générée par l’immunité naturelle. Avec Gardasil, cette protection s’étend aux lésions dysplasiques (verrues génitales, lésions de haut grade de la vulve ou du vagin) associées aux types de virus ciblés par le vaccin. Les dernières données de protection croisée montrent que le bénéfice conféré par Gardasil s’étend à des types de HPV non directement ciblés par le vaccin. En revanche, la vaccination est inefficace sur la prévention d’environ 30 % des cancers du col, et les vaccins n’ont pas d’effet thérapeutique sur les lésions existantes. Quant à la durée de la protection vaccinale elle n’est pas connue au-delà de cinq ans.
Quel est le schéma de vaccination ?
Le schéma de primovaccination comporte trois injections intramusculaires à 0, 2 et 6 mois. Il n’est pas recommandé de faire une dose de rappel. Le dépistage par frottis cervico-utérin doit être maintenu. La surveillance des risques liés au vaccin fait l’objet d’un plan européen de gestion des risques, complété en France par un plan de gestion national.
Qui est concerné par cette vaccination ?
Les indications concernent les jeunes filles de 14 ans avant qu’elles ne soient exposées au risque d’infection HPV, ainsi que les jeunes filles et femmes de 15 à 23 ans qui n’auraient pas eu de rapports sexuels ou au plus tard dans l’année suivant le début de la vie sexuelle.
Pourquoi les indications sont-elles si restreintes ?
Les indications ciblent les populations non infectées par le HPV car l’efficacité du vaccin est proche de 100 % chez les jeunes patientes qui ne présentent pas de lésions cervicales et vulvaires liées aux souches contenues dans le vaccin, alors que chez la femme plus âgée, dont le statut vis-à-vis de l’infection HPV est mal connu, le bénéfice de la vaccination n’est plus que de17-27 %.
Doit-on vacciner les garçons ?
Leur vaccination n’est pas à l’ordre du jour, d’une part parce que le risque du cancer du pénis est 1 000 fois plus faible que le risque de cancer du col, et d’autre part parce qu’on n’a pas fait la preuve de l’efficacité de la vaccination masculine.
Comment mobiliser les adolescentes et leurs parents ?
Actuellement, la décision de vacciner ou non est laissée à l’initiative des parents et des jeunes femmes, ce qui nécessite des mesures d’information et d’éducation sur les enjeux de cette prévention. Le médecin peut profiter du rendez-vous vaccinal entre 11 et 13 ans, lors du rappel des vaccins DTP, pour engager le dialogue et proposer cette vaccination. L’important est de responsabiliser les jeunes filles et de les rendre sensibles au risque lié aux rapports sexuels, sans toutefois trop sexualiser le propos. Il faut leur donner une information directe et franche avec un vocabulaire précis sans être dérangeant, et valoriser la chance que représente cette nouvelle vaccination pour leur génération, par des communications grand public et les conseils à l’officine.
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