Le marché des biosimilaires prend de l’ampleur, il a progressé de 32 % entre 2012 et 2016 pour atteindre 206 millions d’euros de chiffre d’affaires (données GERS). Pourtant, ces biosimilaires ne représentent que 3 % du marché des biomédicaments en médecine de ville. La faute d’abord à un cadre légal et réglementaire flou.
Sonia Tropé, directrice de l’Association nationale de défense contre l’arthrite rhumatoïde (ANDAR), se souvient de l’état des lieux de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de 2013 qui ne recommandait pas de changer le traitement initial par un biosimilaire chez un patient stabilisé, avant d’assouplir ce principe en 2016 en admettant une possible interchangeabilité avec l’accord du patient. Puis le principe de substitution par le pharmacien d’officine est apparu, avec une série de conditions contraignantes (uniquement à l’initiation du traitement, mention sur l’ordonnance et le dossier pharmaceutique, information du prescripteur, etc.) « Pour l’instant, les lois se succèdent, les mises au point aussi, mais aucun décret permettant d’appliquer la substitution des biosimilaires par le pharmacien », précise Sonia Tropé, tout en soulignant le mauvais niveau d’information des professionnels de santé sur le sujet.
D’après une étude sur la perception et l’attitude des pharmaciens hospitaliers et officinaux face aux biosimilaires présentée en 2016 au congrès de la Société française de pharmacie clinique, 67 % des 800 répondants disent connaître « un peu » ou « pas du tout » les biosimilaires, note Nicolas Terrail, pharmacien hospitalier au CHU Lapeyronie de Montpellier. « Et 53 % pensent que la substitution est possible… » C’est en tout cas le souhait des syndicats de pharmaciens d’officine, réaffirmé le 7 avril dernier au salon Pharmagora Plus. Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) déplore ainsi que le décret encadrant la substitution ne soit toujours pas paru.
Des patients inquiets
Côté médecins, l’étude BRIO réalisée en 2016 par le Comité d'études et de réflexion sur les biosimilaires en rhumatologie (CERBER) révèle que 71,2 % des rhumatologues admettent connaître « moyennement », « un peu » ou « pas du tout » les biosimilaires, 77 % s’opposent à la substitution par le pharmacien et seulement 60 % se considèrent capables d’en prescrire. Pourtant, comme le souligne Jean-David Cohen, rhumatologue au CHU Lapeyronie de Montpellier, les pouvoirs publics commencent à fixer des chiffres pour que les initiations de traitement se fassent avec un biosimilaire aussi bien en ville qu’à l’hôpital. La Stratégie nationale de santé vise, à l’horizon 2022, un taux de pénétration des biosimilaires de 80 % du marché des biomédicaments.
Des incitations qui mettent mal à l’aise les représentants des patients. « D’un côté, depuis la loi Kouchner, il n’est pas légal de ne pas avoir une décision concertée avec son patient qui doit bénéficier d’une information préalable, loyale et sans pression. De l’autre, les médecins ont une obligation de prescrire un certain volume de biosimilaires, mais ne doivent pas faire sentir qu’il y a une pression économique de quelque ordre que ce soit pour faire pencher la décision du patient », rappelle Sonia Tropé. Selon une étude menée par une rhumatologue et l’université de Strasbourg, interrogeant 600 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde ou de spondylarthrite ankylosante, seulement 3 % sont favorables à la substitution par le pharmacien. Une résistance moindre, mais que l’on retrouve aussi face à l’interchangeabilité par le médecin en cours de traitement. « La crainte des malades s’explique parce qu’ils ne veulent pas retrouver l’état de santé, souvent détestable, dans lequel il se trouvait avant qu’on trouve le traitement qui leur convient. »
* D’après une conférence Pharmagora Plus.
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