À LA VEILLE de l’été, la parution de l’arrêté du 11 juin 2013 serait presque passée inaperçue. Mais les médecins veillaient. À peine quelques jours s’étaient-ils écoulés que les premières réactions fusaient déjà du côté des toubibs. Dès les premiers jours de juillet, dans un courrier adressé à la ministre de la Santé, le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) écrit : « Cet arrêté galvaude le diagnostic médical et revient à mettre cruellement en danger la santé des patients. » Ce qui justifie le courroux du représentant syndical ? L’autorisation désormais accordée aux pharmaciens de pratiquer dans leurs officines les tests de dépistage de la grippe et de l’angine bactérienne à streptocoque A. Après la délégation du suivi des patients sous AVK, pas encore tout à fait digérée par la profession médicale, ce nouvel octroi aux potards réveille les aigreurs. Pour la CSMF, l’objet de la disposition est clair, il ne s’agit pas moins que de « dépouiller un peu plus les médecins de leurs prérogatives », estime le syndicat qui craint le risque d’une « gadgétisation de la prise en charge médicale ». Un même vent d’indignation secoue le syndicat MG France dont le président, le Dr Claude Leicher, rappelle que « les pharmaciens ne sont ni prescripteurs ni examinateur ».
Augmentation du nombre des complications.
Pour le Dr Jean-Michel Klein, Président du Syndicat National d’ORL (SNORL), et cosignataire d’un autre courrier (1) adressé début août à Marisol Touraine, « il n’est pas ici question de corporatisme ». Le cri d’alarme des spécialistes est parti d’un constat, explique-t-il au « Quotidien ». « Nous avons remarqué en ville, comme à l’hôpital, une augmentation assez récente du nombre des phlegmons d’amygdales, de cellulites cervicales, voire médiastinales, avec parfois mise en jeu du pronostic vital ». L’abandon massif du recours aux antibiotiques avec un report vers des prescriptions isolées de plus en plus fréquentes d’anti-inflammatoires stéroïdiens ou non serait notamment à l’origine de ces complications. « Dans ce contexte, l’autorisation de pratiquer le TDR (NDLR, test de dépistage rapide) accordée aux pharmaciens est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! Cet acte n’est pas la réponse à la question posée, ce n’en est qu’une partie, car il ne s’agit pas d’un test de grossesse où le résultat est clairement « oui ou non », on diagnostique une maladie. Imaginez le cas d’une angine de Vincent, le test sera négatif et le pharmacien va pouvoir rassurer le patient qui justement n’avait déjà pas envie de voir un médecin. Une semaine plus tard il sera potentiellement hospitalisé en urgence pour un phlegmon ». Lorsqu’il a été lancé, ce test avait plutôt vocation à freiner l’hystérie antibiotique des années 2000, mais aujourd’hui il ne peut être considéré comme un simple test diagnostic des angines, résume le président du SNOR.
Une logique de dépistage.
Détourner le patient de la consultation ? « Certainement pas. Lorsqu’un patient qui a mal à la gorge a décidé d’entrer dans le parcours de soin en poussant la porte de la pharmacie, il a déjà fait le choix de ne pas passer par le cabinet médical », répond Philippe Gaertner. Au contraire des médecins, le président de la FSPF (2) estime que le fait de disposer de cet outil en pharmacie est une bonne chose en terme de santé publique : « Il n’est pas question d’appeler les patients à venir faire des TDR en officine, mais plutôt de répondre à une demande existante. Grâce à ce dispositif, l’officinal sera en mesure de convaincre le patient d’aller consulter, ce qui n’était pas son choix initial. Il y aura, au final, plus de gens qui iront chez le médecin que le contraire. »
Prévu par le rapport de l’IGAS.
Mais surtout, Philippe Gaertner tient à rappeler que le texte qui vient de placer le TDR entre les mains des pharmaciens a pour origine un certain rapport de l’IGAS de juin 2011, intitulé « Pharmacies d’officine : rémunération, missions, réseau ». L’administration y avait en effet proposé cette nouvelle mission officinale, notamment parce que le test, pourtant gracieusement fourni aux médecins, était trop peu pratiqué dans les cabinets médicaux… Que les potards se saisissent aujourd’hui de l’outil diagnostic, avec la formation et la protocolisation prévues par l’arrêté, ne devrait étonner personne. « D’autant que, fait remarquer Gilles Bonnefond, président de l’USPO (3), si le test réalisé en premier recours à l’officine permet déjà d’affiner les réorientations vers le médecin, il peut aussi être envisagé comme l’exécution d’un acte porté sur une ordonnance assortie d’un traitement antibiotique à délivrer selon le résultat du test. »
Pour l’heure, si le débat est bel et bien ouvert entre les deux professions, la pratique du test dans les officines n’est pas encore une réalité. Nul doute que, d’ici là, les médecins en feront encore des gorges chaudes…
(2) Fédération des syndicats pharmaceutiques de France
(3) Union des syndicats de pharmaciens d’officine
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