LA MENACE d’une pandémie grippale est réelle. Les pays et les chercheurs s’y préparent. Au centre Erasmus, à Rotterdam, l’équipe du virologue Ron Fournier a cherché à comprendre comment le virus responsable de la grippe aviaire (H5N1), hautement pathogène chez l’homme mais jusqu’ici peu transmissible d’homme à homme, pouvait se transformer en un virus très contagieux. Les cas humains d’infection par le H5N1 (565 personnes dont 331 décès) sont en effet essentiellement dus à des contacts directs ou indirects avec des animaux contaminés. Les scientifiques craignent que le virus n’acquière, à la faveur d’un réassortiment génétique, la capacité de se transmettre d’homme à homme.
Les travaux de l’équipe hollandaise réalisés chez le furet – bon modèle animal pour l’étude de la grippe en raison de sa sensibilité aux virus grippaux et d’une réponse immunitaire proches de celles de l’homme –?montrent qu’un tel changement est possible et « plus facilement qu’on ne le pensait », souligne Ron Fournier. Les chercheurs ont réussi à introduire plusieurs mutations dans le génome du virus H5N1. Au bout du processus, ils ont obtenu un nouveau virus capable de se transmettre par voie aérienne (aérosols). Toutes les mutations introduites sont des mutations déjà observées dans la nature, même si elles ne l’ont jamais été simultanément.
Cette découverte est, selon les chercheurs, un pas important dans la lutte contre les pandémies. « Nous savons aujourd’hui quelles mutations surveiller, ce qui permettra de stopper une épidémie avant qu’il ne soit trop tard. Mieux encore, cette découverte va permettre de développer à temps des vaccins et des médicaments », poursuit Ron Fournier. Le centre Erasmus précise pour sa part que l’étude a été réalisée avec le soutien du NIH américain et a bénéficié de l’appui d’experts du CDC d’Atlanta pour les contrôles effectués dans le laboratoire de haute sécurité.
Plus dangereux que l’anthrax.
Les premiers résultats ont déjà été présentés lors du Congrès de l’ESWI (European Scientific Working Group on Influenza), qui s’est tenu du 11 au 14 septembre. La publication dans « Science », attendue par la communauté scientifique, a été retardée par l’agence américaine pour la biosécurité (NSABB, National Science Advisory Board for Biosecurity). L’agence américaine pourrait diffuser dans les prochains jours des recommandations pour ce type d’études, des travaux dont les résultats peuvent être exploités à des fins de bioterrorisme. Comparant le virus au bacille du charbon, Paul Keim, du NSABB affirme : « Je ne connais aucun organisme qui fasse aussi peur que celui-là. Comparé à lui, l’anthrax ne fait pas peur du tout. » Des scientifiques comme Richard Ebright (New Jersey) assurent même qu’une telle recherche « n’aurait jamais dû être faite ».
D’autres soulignent l’importance des résultats qui représentent, selon Michaël Osterholm, directeur du Center for Infectious Diseases and Policy (université du Minnesota) et membre du NSABB, « un tournant décisif ». Il ne s’oppose pas à sa publication mais suggère que certaines informations soient dissimulées. « Nous ne voulons pas donner à des personnes malintentionnées un mode d’emploi pour transformer quelque chose de mauvais en autre chose de très mauvais », souligne-t-il.
En France, le Dr Jean-Claude Manugerra, virologue, responsable de la cellule d’intervention biologique d’urgence à l’Institut Pasteur, souligne le sérieux de l’équipe hollandaise. « La question posée était légitime et la méthodologie, classique », explique-t-il. Pour lui, il s’agit d’un dilemme classique de la démarche scientifique. Le virologue n’est pas sûr que le virus muté « soit vraiment dangereux dans la vraie vie en dehors du laboratoire ». Néanmoins, il propose la « destruction du virus » une fois la recherche terminée. Quant à une éventuelle publication, le Dr Manugerra souligne que l’intérêt d’une telle étude réside précisément dans l’identification des mutations à l’origine d’une plus grande contagiosité. « Ne pas publier les marqueurs qui ont rendu le virus plus contagieux chez l’homme viderait la publication de sa substance », relève-t-il. Il admet qu’une réflexion doit être menée sur ce type d’études, même si, dans ce cas précis, il pense que « le risque est relativement limité » car « peu d’équipes sont capables d’introduire des mutations dans un virus. Peu d’équipes dans le monde ont ce niveau de technicité et les moyens importants nécessaires », insiste-t-il. Enfin, s’il juge les résultats « importants du point de vue de la connaissance fondamentale pour la compréhension de la génétique virale et, de manière indirecte, pour la lutte contre le virus », il tempère néanmoins : « Le vaccin existe pour les virus H5N1 et il n’y a aucune raison a priori pour que la sensibilité aux antiviraux change du fait des mutations. »
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques