LA DÉCOUVERTE RÉCENTE de l’existence de récepteurs du goût et de leurs effecteurs au niveau de la muqueuse intestinale a conduit à évoquer le rôle potentiel de ces derniers dans la reconnaissance fonctionnelle des aliments à cet étage et dans les cascades hormonales qui en découlent. Il existe deux types de récepteurs du goût : les T1R (récepteurs du goût sucré et umami) et les récepteurs T2R (du goût amer). La gustducine est la sous-unité alpha d’un complexe G-protéique impliqué, avec d’autres protéines (l’α-transducine et la Gi), dans la transduction du goût amer. Les chercheurs belges ont voulu savoir si les récepteurs du goût amer couplés à l’α-gustducine pouvaient avoir un rôle dans la chémosensibilité des cellules à ghréline.
Des études en immunofluorescence mettent d’abord en évidence l’existence d’une colocalisation, au niveau des cellules endocrines, entre les cellules α-gustducine-positives ou α-transducine-positives et les cellules à ghréline. L’équipe d’Inge Depoortere montre ensuite que l’administration par gavage d’une alimentation contenant des agonistes des T2R à des souris de type sauvage (WT) induit une élévation significative des concentrations plasmatiques en ghréline (octanoyl et totale), avec un effet maximal après 40 minutes. L’augmentation de la forme octanoyl de la ghréline est en partie abolie chez des souris dépourvues du gène de l’α-gustducine (gust–/–).
Un retard de vidange contrecarré par la ghreline.
Cette action des agonistes T2R s’accompagne d’une augmentation temporaire (durant les 30 premières minutes) de la consommation d’aliments (de 1,35 à 1,62 g/heure) chez les souris WT (mais non les souris gust-/-), avec une expression ARN accrue (49 %) du peptide hypothalamique agouti-related (AgRP), qui stimule l’appétit, alors que cette expression est réduite (– 22 %) chez les souris gust–/–. L’augmentation initiale de la prise d’aliments est suivie de sa réduction prolongée
durant les 4?heures suivant l’administration des agonistes.
Les auteurs ont alors examiné l’impact des agonistes sur la vidange gastrique après leur administration intragastrique. Au bout de 120 minutes, 52 % des aliments solides étaient évacués chez les souris contrôles, contre 23 % chez les rongeurs traités par les agonistes T2R. La vidange était quasi complète (85 %) chez les animaux contrôles, ce qui n’était pas le cas (52 %, p ‹ 0,001) chez ceux traités. Le retard de la vidange gastrique par les agonistes T2R est en partie contrecarré par la ghréline, mais il n’est pas médié par la cholécystokinine ou la GLP-1 (une incrétine qui freine la vidange gastrique). Cette action est en relation directe avec un effet inhibiteur des agonistes T2R sur la contractilité musculaire au niveau de l’antre gastrique et du duodénum.
Les travaux belges démontrent donc, pour la première fois, l’implication des récepteurs du goût amer dans la sécrétion de la ghréline, l’augmentation des taux plasmatiques de la forme active (octanoyl) de l’hormone étant en relation avec l’α-gustducine. Les chercheurs pensent que les cellules en brosse contenant l’α-gustducine, situées à proximité de cellules à ghréline octanoyl, pourraient détecter des stimuli de nature chimique dans la lumière de l’estomac et transmettre un signal aux cellules à ghréline. Le fait que des agonistes des récepteurs aux substances amères puissent stimuler la sécrétion de l’hormone de la faim pourrait être rapproché de l’observation commune de l’effet stimulant de l’appétit et d’amélioration de la digestion que possèdent certaines herbes amères, un effet déjà connu à l’époque romaine.
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