L’influence du microbiote dans les cancers fait beaucoup de chemin depuis peu d’années. Deux études publiées dans « Science », l’une française, l’autre américaine, montrent le poids du microbiote dans l’efficacité de l’immunothérapie des cancers. Alors que la composition de la flore intestinale semble pouvoir expliquer la résistance de certains patients atteints de cancers, se dessinent en ligne de mire des pistes simples et de faible toxicité pour optimiser le traitement des tumeurs.
Après la découverte en 2013 d’un effet supplémentaire inattendu anticancéreux du cyclophosphamide via la flore intestinale, l’équipe française du Pr Laurence Zitvogel à l’Institut Gustave Roussy (IGR) rempile dans « Science » avec l’ipilimumab. L’étude menée par le Dr Marie Vétizou, premier auteur, se concentre sur un anti-CTLA4, l’ipilimumab, utilisé chez l’homme dans le mélanome métastatique.
L’ipilimumab plus efficace avec du Bacteroidales
Pour leurs expérimentations, les chercheurs de l’IGR ont travaillé sur des souris atteintes de sarcomes. Ils commencent par constater que l’ipilimumab est efficace en cas de flore spécifiquement déplétée mais pas en cas de flore complètement absente. Ce qui va dans le même sens que l’observation suivante établissant que l’administration d’antibiotique compromet l’effet antitumoral de l’ipilimumab. Ensuite, en analysant l’ARN fécal, ils se rendent compte qu’une seule injection d’ipilimumab modifie le microbiote et entraîne une diminution des espèces Bacteroidales et Burkholderiales. Avec une supplémentation spécifique pour ces bactéries, les rongeurs traités par antibiotiques ou ayant une flore déplétée répondent à l’ipilimumab.
Premiers éléments prometteurs en clinique, les chercheurs ont réalisé une transplantation fécale à partir de prélèvements venant d’individus ayant un mélanome métastatique et dont le statut pour Bacteroidales était catégorisé. Les souris transplantées après déplétion de la flore préalable ont été traitées par ipilimumab pour les tumeurs transmises suite à la greffe. Celles qui avaient un transplant positif à Bacteroidales fragilis ont mieux répondu que les autres à l’immunothérapie.
Une bactérie antitumorale adjuvante
Dans la seconde étude, les résultats ne sont pas moins intéressants. Les chercheurs de l’université de Chicago montrent chez la souris que certaines bactéries du microbiote possèdent un effet antitumoral propre équivalent à celui des anti-PD1 et anti-PDL1. Mais ils vont plus loin encore en montrant que l’association de cette flore particulière aux anticorps anti-PDL1 est capable de bloquer quasi totalement la croissance tumorale.
L’équipe dirigée par Ayelet Sivan a quant à elle choisi deux modèles de souris pour leurs travaux, chacune d’entre elles ayant un profil bien particulier pour la flore intestinale, les Jackson Laboratory (JAX) et les Taconics Farms (TAC). Alors que ces dernières développent des tumeurs plus agressives que les premières, les chercheurs ont testé l’effet de la transplantation fécale provenant de JAX chez les TAC. Premier constat, la croissance tumorale s’en est trouvée ralentie. En regardant de plus près le microbiote des JAX, les chercheurs ont constaté que le Bifidobacterium était près de 400 fois plus abondant. Le profilage génétique révèle qu’il existe une expression majorée de gènes déterminants dans la réponse anti-tumorale chez les souris ayant une forte charge de Bifidobacterium.
D’autres bactéries importantes pourraient contribuer au processus tumoral dans un sens positif ou négatif. Ces deux études montrent collectivement que le microbiote intestinal pourrait jouer un rôle en adjuvant dans l’immunothérapie des cancers. Au fur et à mesure des travaux, l’influence réelle du microbiote se dévoile et semble ne cesser d’étendre. Un groupe international de chercheurs de tous horizons, - microbiologistes, physiciens, chimistes et médecins -, a annoncé dans les plus grandes revues scientifiques, « Science », « Nature » et « PNAS », la création du « Unified Microbiome Initiative » (IUMI) pour promouvoir les collaborations et débloquer des fonds publics et privés. Leur premier programme est prévu d’ici 2017.
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