L'intervention de Jérôme Sicard titulaire officinal à Châlons-en-Champagne (Marne) fut particulièrement appréciée révélant une profonde réflexion sur le rôle du pharmacien de ville auprès des patients atteints de cancer. Au sein de son officine, il côtoie également d’autres professionnels en contact avec ces patients, médicaux ou paramédicaux et d’autres encore mais qui n’ont jamais eu affaire à la cancérologie (coaches, coiffeurs). Ensemble, ils décident de bâtir une association « Actions croisées » dans le bassin de vie de Châlons. Son logo, un arbre aux profondes racines et branches mêlées illustre l’enracinement de l’association dans la réalité de la vie quotidienne des patients atteints de cancer, de leurs proches, des aidants. Ses bénévoles multiplient les actions informant sur l’offre de soins et d’accompagnement du secteur ou en promouvant les actions d’activités physiques adaptées.
Nouvelle donne
Ces vingt dernières années, la cancérologie a connu une évolution soutenue. Autour des thérapies administrées en IV dans les centres de soins, se sont développés les soins de support impliquant le pharmacien en amont et tout au long des traitements (par exemple les médicaments anti-émétiques ou préventifs des mucites).
Avec le développement des chimiothérapies orales (elles pourraient atteindre 50 % en 2020 !) et conjointement lors de la sortie de médicaments anticancéreux de la réserve hospitalière, le pharmacien est amené à délivrer plus souvent des médicaments nouveaux à des patients atteints de cancer dont le nombre est en constante augmentation. À présent, les anticancéreux représentent 5,2 % des remboursements de l’assurance-maladie en ville toutes spécialités confondues.
Communication compartimentée
Entre les soignants de l’établissement de soins (médecin oncologues et service de coordination) et les professionnels médicaux de ville, existent des flux d’informations malheureusement parallèles.
D’une part, un flux médico-centré entre les soignants de l’établissement et le médecin généraliste traitant. Composé des données médicales, de compte rendu des RCP (Réunion de concertation pluridisciplinaire), il transite par messagerie sécurisée. D’autre part, il existe un flux thérapeutique centré sur le médicament entre les soignants et le pharmacien d’officine. « La problématique vient du fait que ces deux flux ne se croisent pratiquement jamais ! » déplore Jérôme Sicard qui relate des situations paradoxales vécues à l’officine engendrées par ce manque.
Le patient atteint de cancer (ou son aidant) qui vient à l’officine est capable de transmettre de nombreux éléments : son ordonnance bien sûr, certaines informations qu’il a entendues et comprises, parfois des bilans biologiques, de l’imagerie, très rarement son programme personnalisé de soin (PPS). En revanche, il ne peut fournir son compte rendu d’hospitalisation et ne détient pas son dossier médical.
Le médecin généraliste reçoit le flux de données médicales mais ne délivre pas les traitements. Tandis que le pharmacien, qui lui délivre les traitements de chimiothérapies orales et ordonnances concernant les soins de support, ne possède aucune information sur le contexte de prescription et le choix thérapeutique. « Renforcer la communication et améliorer le contenu de l’information émanant des établissements de soin est essentiel », insiste Jérôme Sicard.
Perte de l’autonomie du temps
À partir de l’annonce, le patient est impliqué dans son parcours de soins, jalonné de rendez-vous. Ce qui induit une perte d’autonomie du temps. « À l’officine, c’est bien différent. La porte s’ouvre quand le patient en a besoin ; inutile de prendre rendez-vous ! Ce dialogue singulier permet au patient atteint de cancer de reprendre la main sur le temps », observe Jérôme Sicard.
L’accélération de la recherche en cancérologie, génère de nouvelles thérapeutiques et donc de nouvelles toxicités et interactions (médicamenteuses et nutritionnelles). Ainsi, dans un laps de temps très court, le pharmacien doit être en mesure de faire appel à son « savoir faire » en délivrant la bonne info au bon moment. Il ne pourra relever ce challenge qu’en s’y préparant grâce à une formation continue et l’usage de nombreux outils pour aider au comptoir le professionnel à apporter la valeur ajoutée attendue par le patient.
Isolement récurrent
Très souvent, le centre de référence en cancérologie est éloigné du domicile du patient. De plus, les thérapies orales ont renforcé le rôle du patient vis-à-vis de son propre traitement l’appelant à adopter une démarche proactive. Comment faire seul ? À chaque annonce, à chaque survenue d’un effet secondaire, le sentiment d’isolement domine.
Dans le même temps, le nombre d’acteurs augmente et on assiste à une profusion de compétences et d’initiatives (tant dans la sphère physique que psychologique ou sociale) Cependant, l’offre de soins et d’accompagnement est peu lisible.
À ce niveau, le pharmacien à un rôle bien spécifique à jouer. En identifiant les compétences sur un territoire et en favorisant l’interdisciplinarité, il permet de rouvrir les perspectives en s’appuyant sur les compétences extérieures et intérieures. « S’il faut améliorer la coordination ville-hôpital, il convient en parallèle de travailler sur la communication croisée entre professionnels de la ville », conclut Jérôme Sicard.
En savoir plus :
- Action Croisée : http://actions-croisees.e-monsite.com, actions.croisees@gmail.com
- Homéopathie et cancer : http://www.shisso-info.com, J.C. KArp et F. Roux, traitements de support homéopathique en cancérologie, éditions CEDH, octobre 2018.
- Nutrition et cancer : www.inra.fr/nacre Phytothérapie et cancer : National Center for Complementary and Integrative Health http://nccih.nih.gov/health/herbsataglance.htm
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