PLONGEANT dans l’évolution de la nutrition de nos ancêtres et de nos cousins du monde des singes, le célèbre paléoanthropologue au Collège de France, Pascal Pick, souligne la fonction organisatrice de la nourriture et de l’alimentation pour les activités les plus complexes, que ce soit pour l’usage d’outils ou les interactions sociales. Il montre comment l’environnement a déterminé la prise alimentaire et comment la prise alimentaire a fait évoluer la culture à travers la nécessité biologique de se nourrir. Décrivant ensuite le régime des premiers hommes, et survolant ainsi des centaines de milliers d’années, il remet en question un certain nombre d’idées reçues sur les filiations, la génétique et les modèles. « Aujourd’hui, la mondialisation ou, plus pertinemment, l’américanisation de nos habitudes alimentaires confrontent les populations humaines à de sérieux problèmes de nutrition, sans oublier les changements de nos modes de vie, avertit le paléoanthropologue. Nous sommes entrés dans une phase de malbouffe et les solutions ne résident pas dans un retour naïf à des régimes ancestraux, détachés de leurs contextes environnementaux, sociaux et cognitifs. »
Julia Csergo, spécialiste d’histoire contemporaine (Lyon) aborde l’histoire du repas comme marqueur de civilisation et repère de socialisation. Le repas est une institution sociale fondamentale. Il est à la fois une activité (acte de se nourrir), une temporalité (il a ses moments, ses rythmes, ses durées), et un facteur de cohésion sociale. « Dans sa quotidienneté, comme dans ses circonstances les plus exceptionnelles (festin, banquet, repas gastronomique), le repas est chargé de sens et son histoire n’est pas celle d’un invariant qu’il faut maintenir à tout prix. Il a été l’objet de nombreuses mutations en lien avec l’évolution de notre société et il le sera encore. » Son évolution est fonction de nombreux facteurs dont le rapport au travail, la conception de la cellule familiale, le partage des tâches selon les sexes et la place des générations.
Manger ensemble : partage et dépendance.
Claude Fischler analyse quant à lui en sociologue ce que l’alimentation nous dit sur la société. Il évoque des enjeux d’une totale actualité, autant pour ce qui est de la communication et de l’information sur la nutrition que du regard porté sur les conséquences plus ou moins pathologiques de l’évolution des modes de consommation. L’alimentation permet de créer du lien et de la relation, mais elle peut aussi bien, et parfois en même temps, inclure, exclure, hiérarchiser et/ou rendre dépendant. Manger c’est tisser de la vie collectivement et lorsque la commensalité (personnes mangeant à la même table) est ouverte et conviviale, manger ensemble permet d’établir un rapport d’égalité et de solidarité entre les convives. « Mais la chaleur et la convivialité reposent aussi sur la réciprocité, l’engagement, la dépendance. L’alimentation est réglée par le social et elle sert à le régler, elle marque et balise la hiérarchie sociale, les distances, les proximités et surtout les relations d’obligation. Le partage de la nourriture est, en définitive, un enjeu social central et la transgression des règles y est sanctionnée par le rejet, la tricherie est punie », explique le sociologue. La gloutonnerie est une transgression dans la mesure où elle revient à manger plus que sa part en un temps trop bref. Or manger trop vite est aussi, en un sens, une transgression puisque le temps du manger, lui non plus, n’est pas partagé. Partant de là, l’embonpoint devient obésité, stigmatisée quand il est perçu comme une atteinte à l’équité du partage : manger plus que de raison passe pour manger plus que sa part.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques