Les mots du client
- « Mon mari tousse beaucoup : le médecin lui demande d’arrêter de fumer.
- Que pouvez-vous me conseiller pour réduire ma consommation de tabac ?
- Pourquoi y a-t-il des patchs de 16 heures et d’autres de 24 heures ?
- En quoi le Zyban aide à cesser de fumer ?
- Peut-on arrêter de fumer grâce à la cigarette électronique ? »
Rappel épidémiologique
Collège. L’expérimentation de tabac concerne un peu moins d’un tiers des collégiens avec une augmentation entre la sixième (13%) et la troisième (52%). Les garçons expérimentent le tabac plus précocement que les filles mais ce ratio s’inverse dès la quatrième. Si l’usage quotidien reste marginal en sixième ou cinquième (< 2% des élèves), dès la troisième, 16 % des collégiens se déclarent par contre fumeurs quotidiens - et ce pour les deux sexes.
Fin de l’adolescence. Environ 44 % des jeunes de 17 ans déclarent avoir consommé du tabac au cours des trente derniers jours.
Population adulte. 86 % des hommes et 78 % des femmes ont expérimenté au moins une fois le tabac. Parmi les 18-75 ans, la part des fumeurs quotidiens a baissé de 1 % entre 2010 et 2014, passant de 30 % à 29 % (32,8 % des hommes ; 24,5 % des femmes). La consommation quotidienne s'amenuise avec l'âge.
Physiopathologie
Addiction tabagique
La dépendance au tabac est le fait de la nicotine produite par la plante. Puissante, cette dépendance psychologique et somatique revêt également une dimension sociale (dépendance au geste de fumer) et s’accompagne d’une accoutumance. Elle est confirmée chez la plupart des fumeurs par l’apparition d’une sensation de manque en cas de privation (sevrage) ou lorsque les effets d’une dose commencent à s’amenuiser : elle associe craving (envie impérieuse de fumer), tension nerveuse avec difficultés de concentration, troubles du sommeil et des conduites alimentaires (faim parfois impérieuse), irritabilité, angoisse voire dépression si l’impossibilité de consommer du tabac se prolonge, mais aussi constipation ou toux. Ces signes régressent en quelques jours à quelques semaines lors du sevrage.
Conséquences du tabagisme
Le tabac contient non seulement de la nicotine mais également des centaines de composés organiques et minéraux dont beaucoup sont hautement toxiques. Le nombre annuel de décès prématurés attribués au tabagisme est compris, en France, entre 75 000 et 80 000. Les trois-quarts concernent les hommes (76 %) : ces décès représentent, dans la classe d'âge 35-69 ans, 34 % de la mortalité masculine et 14 % de la mortalité féminine. Un fumeur sur deux décédera d’une affection provoquée ou favorisée par sa tabagie.
D’une façon très résumée, le tabagisme perturbe avant tout :
- La fonction cardiovasculaire : augmentation de la pression artérielle, accélération du rythme cardiaque, artérite, infarctus (le risque coronarien et les décès par infarctus du myocarde sont deux fois plus élevés chez les fumeurs) ;
- La fonction respiratoire : tous les étages de l’arbre ventilatoire sont affectés par la fumée du tabac, riche en microparticules nocives et cancérigènes ; le risque est dominé par le développement d’un cancer des voies aériennes (pharynx, larynx, bronches) et/ou d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ; la combustion du tabac, productrice de monoxyde de carbone (CO), limite l'oxygénation du cerveau et des muscles, d’où la survenue de céphalées, de vertiges et d'une réduction de la résistance à l'exercice.
- La fonction digestive : la nicotine augmente la sécrétion acide gastrique.
- Le métabolisme : le tabagisme est un facteur important de diabète de type II.
Par ailleurs, le tabac potentialise l’action d’autres toxiques comme l’alcool et contribue ainsi à favoriser le développement de cancers digestifs (langue, œsophage, estomac…), vésicaux ou autres. Il favorise également le retard de croissance intra-utérin, la naissance prématurée, l’hypotrophie utérine, diverses complications périnatales. S'ajoutent à cela les risques subis par les enfants nés de mères fumeuses : asthme, obésité, troubles psychiques…
Enfin, sans le développer ici, il importe de rappeler les risques associés au tabagisme passif (notamment chez le nourrisson), a priori limités par les mesures visant à prohiber l’usage de cigarettes dans les lieux publics clos.
Chez le médecin
Tout fumeur devrait être informé des risques associés à l’usage du tabac : le sevrage est indispensable dans certaines situations (hospitalisation, intervention chirurgicale programmée, etc.) et toujours recommandé en toutes autres circonstances - même en passant d’abord par une phase de simple réduction du tabagisme -. Le sevrage réduit la mortalité toutes causes confondues : si le tabagisme réduit l'espérance de vie de 10 à 15 ans, un fumeur qui cesse de fumer à 40 ans augmente son espérance de vie de 7 à 10 ans et, à 50 ans, il l'améliore encore de 4 à 8 ans par rapport à celui qui continue de fumer.
Motiver le fumeur
La condition première à l’arrêt du tabagisme est la motivation personnelle : le sevrage ne peut être imposé, même en cas de maladie liée au tabac. Plus de 50 % des fumeurs motivés, ceux qui sont peu ou moyennement dépendants, réussissent à arrêter seuls, avec l’aide de leur entourage ou avec l’effet placebo d’une méthode empirique. Les plus dépendants ont besoin d’une aide médicalisée.
De nombreux tabacologues plaident non pour un sevrage total et immédiat, mais pour la négociation d’une phase de transition, avec réduction progressive des quantités de cigarettes fumées associée à une réduction des risques (y compris de tabagisme passif). Il s’agit, en aidant le patient à s’engager dans un processus de sevrage graduel, de lui confier la maîtrise de sa santé et non de stigmatiser sa conduite ni d’utiliser la peur comme motivation.
Évaluer la dépendance
L’évaluation du tabagisme intègre son ancienneté (le risque est fonction de la dose mais surtout de la durée d’exposition : s’agissant par exemple du cancer pulmonaire, doubler la dose le multiplie par deux alors que doubler la durée d’exposition le multiplie par 16 à 32), le nombre de cigarettes fumées (leur type influe peu : le sujet dépendant fumant des « légères » inhale la fumée profondément pour obtenir la quantité de nicotine dont il a besoin) et leur degré de consommation (combustion totale ou non de la cigarette) ainsi que la profondeur de l’inhalation.
La dépendance est appréciée par le questionnaire de Fagerström, ou, simplement, par l’appréciation du temps écoulé entre le réveil, le matin, et la première cigarette (<30 minutes : fumeur fortement ou très fortement dépendant).
Les comorbidités sont recherchées par un examen clinique et biologique systémique : il permet notamment de repérer un usage nocif d’alcool ou d’autres psychotropes (cannabis, médicaments, etc.) mais aussi un trouble dépressif ou anxieux (particulièrement attaques de panique et troubles phobiques).
Suivre le sevrage
Le suivi du patient en phase de sevrage est assuré dans le cadre de consultations spécifiques, que le médecin consacrera à cette seule question : idéalement, le patient sera suivi de façon hebdomadaire, jusqu’à arrêt de la consommation.
La prise de poids à l’arrêt du tabagisme reste souvent comprise entre 2 et 4 kg : elle n’est > 10 kg que dans 10 % des cas. Transitoire, elle s’observe dans les trois premiers mois suivant le sevrage et résulte de l’atténuation de l’irritation de l’œsophage et de l’estomac mais aussi d’une récupération sensorielle (goût, odorat) favorisant l’appétit. De plus, le deuil du tabac est volontiers compensé par l’ingestion de nourriture. Les sujets les plus à risque d’augmentation pondérale sont les fumeurs très dépendants, les femmes, les sujets sédentaires ou ayant déjà tendance à l’obésité. Diététique et activité sportive permettent généralement de contrôler l’évolution du poids.
La mesure du monoxyde de carbone (CO) dans l'air expiré ou le dosage de la cotinine (principal métabolite de la nicotine) urinaire, salivaire ou plasmatique permettent de vérifier l'abstinence et, si besoin, de renforcer la motivation du patient. La mesure du CO reflète une consommation de tabac avec combustion (cigarette, pipe, etc.) dans les 6 heures précédant la mesure ; le taux salivaire, plasmatique ou urinaire de cotinine reflète, lui, une exposition à la nicotine (tabac fumé, mâché, TSN…) dans les 2 ou 3 jours précédents sa mesure.
Prévenir les rechutes
Une fois le sevrage réalisé, un accompagnement médical sur six mois au minimum demeure indispensable pour prévenir les rechutes, et ce d’autant plus que le patient est exposé à un stress aigu ou chronique, tend à être anxieux ou dépressif, et évolue parmi des fumeurs.
Aide médicamenteuse au sevrage
De nombreuses modalités d’aide à l’arrêt du tabagisme peuvent être proposées en réponse aux profils diversifiés des utilisateurs de tabac, en fonction du stade et de l’importance de leur dépendance, de leur motivation, de l’existence de comorbidités. Il n’y a pas de méthode univoque pour arrêter de fumer. Toutefois, la prise en charge du tabagisme est aujourd’hui sortie de l’empirisme : des stratégies rationnelles et efficaces font désormais de l’arrêt du tabac l’intervention médicale ayant le meilleur rapport coût/efficacité. De plus, le fumeur dispose d’aide via la plate-forme Tabac-Info-Service (www.tabac-info-service.fr ou appel téléphonique au 3 989).
Sur le plan médicamenteux, l’aide au sevrage repose en première intention sur le traitement de substitution nicotinique (TSN) et, en deuxième intention, sur la prescription de bupropion ou de varénicline.
Substitution nicotinique
L’arrêt de la consommation de tabac doit se faire sans symptômes de privation de façon à renforcer la motivation du patient : c’est tout l’intérêt du TSN. S’il reste insuffisamment motivé ou s’il ne souhaite pas arrêter brutalement sa pratique, il est possible de recourir à ces mêmes substituts pour réduire sa consommation et augmenter sa confiance dans sa capacité à gérer le sevrage ultérieur. Enfin, ces substituts permettent aussi de travailler ou de rester dans un endroit où il est interdit de fumer : local public, train, avion, etc.
Le recours à un TSN est recommandé dès que l’arrêt de la cigarette induit un syndrome de sevrage : il réalise des apports de nicotine sous une forme non toxique (il n’y a ni CO responsable d’hypoxie ni substances cancérigènes).
L’efficacité des divers TSN est comparable - à dose équivalente bien sûr -. Le choix de chaque forme se fait en fonction du style de vie et de la psychologie du fumeur, d’éventuelles intolérances ou de difficultés pratiques d’utilisation : en diversifiant les modalités d’administration, il est possible de toucher une population large et d’augmenter le taux de réussite du sevrage.
Les risques cardio-vasculaires attachés au TNS sont négligeables en comparaison du bénéfice attendu du sevrage, y compris chez le patient pérennisant partiellement sa consommation de tabac. Le TSN est donc bien toléré par les fumeurs atteints d’une maladie coronarienne ou présentant des antécédents d’accident vasculaire cérébral. Il est systématiquement proposé au patient fumeur avant toute intervention chirurgicale pour limiter le risque post-opératoire (accident thrombo-embolique, retard à la cicatrisation, etc.). Le recours au TSN est possible chez l’adolescent à partir de 15 ans (patchs, inhaleur) ou de 18 ans (comprimé à sucer, comprimé sublingual, gommes, pastilles, spray).
Posologie et durée du traitement sont adaptées à chaque cas (une cigarette blonde expose en moyenne à 1 mg de nicotine et une cigarette de tabac brun à 1,4 mg : un fumeur absorbe donc souvent entre 20 et 40 mg/j de nicotine). Les doses de nicotine sont ajustées en fonction du score de dépendance (test de Fagerström), de l’existence, rare, de symptômes de surdosage (bouche pâteuse, hypersalivation, hypersudation, diarrhées, palpitations, douleurs abdominales, nausées, céphalées, étourdissements, insomnie, diminution de l’acuité auditive, asthénie, voire, à très forte dose, imposant un traitement symptomatique : hypotension, gêne respiratoire, prostration, collapsus cardiovasculaire, convulsions) ou de celle de signes de sous-dosage (signes de sevrage : troubles de l’humeur, irritabilité, insomnie, agitation, anxiété, difficulté de concentration, bradycardie, augmentation de l’appétit). Le traitement est poursuivi a minima trois mois, et souvent six.
En cas d’échec, ce qui est quasiment la règle lors des premières tentatives chez un fumeur fortement dépendant, il faut recommencer le traitement.
Le TSN n’augmente pas le risque de malformation fœtale chez la femme qui y a recours pendant une grossesse : il est possible de lui proposer ce traitement en cas d’échec d’une thérapie cognitivo-comportementale ou d’une prise en charge psychologique. On privilégie alors une substitution orale à une substitution transdermique.
Pendant l’allaitement, il est possible de recourir à un TSN faute de succès de la thérapie cognitivo-comportementale : le patch, qui dispense de la nicotine en continu, est alors déconseillé au profit d’une forme orale, utilisée après chaque tétée.
Notons enfin que, depuis juillet 2015, le TSN bénéficie d’une prise en charge plus généreuse pour certaines populations : le montant de l’aide est de 150 euros/année civile pour la femme enceinte, le jeune de 20 à 30 ans, le bénéficiaire de la CMU complémentaire et le patient en ALD pour cancer. La prise en charge demeure de 50 euros pour les autres catégories de fumeurs.
Substituts oraux. Diverses présentations de nicotine sont conçues pour que l’alcaloïde pénètre au travers de la muqueuse buccale : simples d’utilisation, elles constituent l’essentiel des traitements utilisés pour réduire le tabagisme.
- Gommes à mâcher. Les gommes (ex : Nicorette, Nicotinell, NiQuitin et génériques) sont tamponnées avec un carbonate pour faciliter le passage de la nicotine à travers la muqueuse buccale, mais celui-ci demeure malgré tout souvent insuffisant pour produire une nicotinémie identique à celle obtenue en fumant, à moins de les mâcher de façon répétitive. Les gommes faiblement dosées (2 mg) peuvent constituer un adjuvant aux patchs pour ajuster l’apport en nicotine, ou sont utilisées seules lorsque l’apport requis reste faible.
Recourir à la gomme initialement toutes les 1 à 2 heures. Une consommation de 8 à 12 gommes par jour est généralement suffisante ; ne jamais excéder un apport de 48 milligrammes de nicotine/jour. Mâcher la gomme jusqu'à ce que sa saveur devienne forte ou jusqu'à sentir un léger picotement : arrêter alors de mâcher et placer la gomme entre la joue et la gencive jusqu'à ce que le goût et la sensation s'estompent, puis recommencer à mâcher lentement en procédant de la même façon.
Ce traitement peut induire irritation de la gorge, hypersialorrhée, aphtes, douleurs musculaires, effets généraux essentiellement gastro-intestinaux (éructations, nausées). Il importe d’éviter l’ingestion de boissons acides (jus de fruits, sodas, café) dans les 15 minutes précédant la prise d’une gomme (ces boissons peuvent réduire l’absorption buccale de la nicotine).
- Pastilles ou comprimés à sucer. Proches des gommes (ex : Nicopass, Nicotinell, NiQuitin, Niquitinminis), ces formes libèrent une quantité de nicotine supérieure, à dosage égal, de 25 % environ. Moins irritantes pour la cavité buccale, elles sont indiquées notamment chez le fumeur porteur d’une prothèse dentaire ou ayant des troubles de l’articulé dentaire.
- Comprimés sublinguaux. Ils sont d’une utilisation discrète car il n’y a pas à mâcher (ex : Nicorette Microtab). Une hypersalivation, des sensations de brûlures gastriques, un hoquet, traduisent une diffusion trop rapide de la nicotine ; entraînée par la salive dans l’estomac, elle gagne la circulation et subit un effet de premier passage hépatique limitant son efficacité.
- Sprays et inhaleurs. Le spray buccal a une action rapide (en 1 minute environ), mimant celle d’une cigarette (Nicorettespray). Il est utilisé à raison de 1 dose (voire 2) dès que nécessaire, pour contrôler l’envie de fumer (1 mg/dose). La plupart des fumeurs ont recours à 1 ou 2 pulvérisations toutes les 30 minutes à 1 heure, sans excéder 64 pulvérisations/jour. Le traitement doit être limité à 6 mois.
L’inhaleur (Nicorette Inhaleur) est lui aussi destiné à une absorption buccale de la nicotine mais avec un geste évoquant celui de l’usage d’une cigarette.
Dans les deux cas, il ne faut pas inhaler trop profondément le médicament pour éviter qu’il n’entre dans les voies respiratoires. Ces spécialités peuvent induire, en plus des effets indésirables propres à la nicotine, une irritation ORL et pulmonaire.
Substituts transdermiques. Le recours au patch évite les écueils liés à l’usage des formes orales mais il libère lentement l’alcaloïde, au point que la nicotinémie peut demeurer insuffisamment élevée par rapport aux besoins du fumeur dépendant. Il existe des dispositifs destinés à une administration continue sur le nycthémère (24 heures) et d’autres destinés à une administration sur 16 heures (NicoretteSkin, justifiés si les patchs 24 heures induisent des signes de surdosage en nicotine ou chez le rare patient dépendant consommant moins d’un paquet par jour et ne fumant pas dès le réveil). Le patch garantit des apports de nicotine réguliers, modulés en fonction des besoins par une éventuelle supplémentation orale.
Le traitement d’un fumeur consommant un paquet ou plus par jour ou plus repose sur l’application d’un patch de 21 mg/24 heures pendant 3 à 4 semaines, avec adaptation progressive ultérieure (14 puis 7 mg/24 heures par paliers de 3 à 4 semaines également), en fonction de la réduction du besoin de fumer et de la tolérance. La dose initiale sera plus faible chez un fumeur moins dépendant, et les paliers seront analogues. Ce traitement ne devrait pas être poursuivi plus de 6 mois. Un accompagnement psychologique améliore son succès.
Toutefois, la substitution transdermique ne reproduit pas l’effet d’une cigarette (et notamment son action immédiate sur le cerveau puisque la libération de nicotine est uniforme) : certains fumeurs ne peuvent être satisfaits par la pose de patchs. Inutile alors de recourir à des posologies plus fortes (en posant par exemple, deux patchs) : il sera préférable d’associer au patch une autre présentation de TSN.
Bupropion
Le bupropion (Zyban, 150 mg/j pendant six jours puis 300 mg/j en deux prises espacées de 8 heures au minimum ; 150 mg/j en une prise chez le sujet > 65 ans), que sa structure rapproche des amphétamines, inhibe la recapture de la dopamine et de la noradrénaline : en renforçant le tonus dopaminergique, il limite les effets du sevrage en nicotine. Sa parenté avec les amphétamines explique qu’il induise, fréquemment, des troubles du sommeil à type d’insomnies. Les autres effets indésirables les plus fréquents sont une sécheresse de la bouche, des troubles digestifs, une douleur abdominale, une constipation, une fièvre, une éruption cutanée, un prurit, des sueurs.
Le risque de survenue de convulsions et d’usage abusif ou de dépendance explique que ce médicament fasse l’objet d’une surveillance par la HAS. Il est notamment contre-indiqué en cas de trouble convulsif évolutif ou d’antécédent comitial, de tumeur du SNC, de bipolarité ou d’antécédents de bipolarité, d’association à un sevrage alcoolique ou à un sevrage en tout autre médicament dont l'interruption entraîne un risque de convulsions (ex : BZD), de trouble des conduites alimentaires, d’insuffisance hépatique sévère ou de grossesse (risque de malformation cardiaque). L’intérêt éventuel d’une association TSN et bupropion demeure discuté. Le nombre de patients bénéficiaires de ce médicament reste réduit (environ 8 000 personnes en France).
Varénicline
La varénicline (Champix) a une action nicotine-like. Cet agoniste partiel actif sur un sous-type de récepteur cholinergique nicotinique (qui participe de façon déterminante aux propriétés renforçatrices de la nicotine, qui est, elle, un agoniste complet) diminue de moitié environ la libération de dopamine dans le circuit de récompense, ce qui limite la compulsion à consommer du tabac sans créer de dépendance. Ayant une affinité pour ce récepteur supérieure à celle de la nicotine, la varénicline le bloque même si le patient continue à fumer.
Le traitement est débuté une à deux semaines avant la date de sevrage programmée, à raison de 1 mg deux fois par jour, puis prolongé 12 semaines (incluant une première semaine de titration). En cas de succès dans le sevrage au bout de ces douze semaines, il est prolongé douze autres semaines pour réduire le risque de rechute : il dure donc au total six mois.
L’administration de varénicline est bien tolérée : la iatrogénie la plus fréquente se résume à des nausées, des troubles du sommeil, des céphalées et des flatulences. L’Agence européenne de sécurité sanitaire (EMEA) met en garde les médecins sur un risque de dépression, d’idées suicidaires ou d’exceptionnelles tentatives de suicide (la relation de causalité n’est pas prouvée entre ces symptômes, observés parfois lors du sevrage tabagique, hors prise de médicament, et le traitement par varénicline).
La varénicline ne donne pas lieu à interactions, ni à contre-indications (sauf la grossesse). Des précautions sont prises seulement en cas d’insuffisance rénale sévère (1 mg une seule fois par jour) et la prudence s’impose chez le sujet âgé. L’association au bupropion n’a pas été évaluée. L’association au TSN n’est pas recommandée du fait des propriétés antagonistes de la varénicline sur les récepteurs/nicotiniques : il y a risque de surdosage en nicotine.
Psychotropes
Si l’association trouble psychiatrique/tabagisme est fréquente chez le fumeur très dépendant (anxio-dépression, maladie bipolaire, psychose), la prescription d’anxiolytiques ou d’antidépresseurs, parfois utile lors du « deuil » du tabagisme, ne devrait pas être systématisée. Le sevrage tabagique n’est pas, en lui-même, un facteur déclencheur d’un trouble psychiatrique.
Divers
Nicoprive ne contient pas de nicotine mais du nicotinamide (vitamine PP) et d’autres des vitamines associées à un sédatif mineur (extrait sec d’aubépine) : cette spécialité constitue une aide à la désaccoutumance du tabac non citée dans les Recommandations actuelles.
Thérapies cognitivo-comportementales
Basée sur l’analyse, l’évaluation et la modification des facteurs individuels et environnementaux influant sur les comportements, les thérapies cognitivo-comportementales remplacent un comportement pathologique par un comportement contractuellement défini par le patient et le thérapeute : le tabagisme étant une conduite apprise, il est possible de le « désapprendre », de reconnaître les situations à risque et de lutter contre elles. Pratiquées individuellement ou en groupe, elles sont mises en œuvre en première intention, ou associées à un traitement médicamenteux.
- Les techniques cognitives s’efforcent par un programme standardisé (12 à 15 séances d’une heure chacune) de démonter les mécanismes cognitifs élémentaires et d’amener le patient à élaborer des solutions alternatives à sa conduite addictive.
- Les techniques comportementales, plus efficaces dans des programmes de groupe, prennent en compte les dysfonctionnements contextuels. On tente, par exemple, de modifier le style de vie de la personne dépendante (renoncer temporairement à la fréquentation d’amis fumeurs, etc.) en encourageant d’autres liens affectifs positifs et en développant un système d’étayage social dans lequel elle se sente aidée et intégrée.
Cigarette électronique
Un récent avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) sur la cigarette électronique (24 février dernier) n’est pas fait pour clore le débat sur les avantages et inconvénients du recours à l’e-cigarette, aussi appelé vapotage, qui concerne quelque 1,5 million de Français - dont la majorité choisit un aérosol contenant de la nicotine -.
Si le HCSP juge que le vapotage constitue un outil d’aide au sevrage et de réduction des risques du tabagisme - au moins à court terme -, il recommande que sa pratique soit interdite dans les lieux collectifs fermés, y compris les cafés, bars, restaurants et discothèques (une position plus radicale que celle du Ministère de la santé qui semble exclure ces lieux du champ d’application de la loi). Cette approche se veut pragmatique. Aucun des travaux sur l’efficacité de l’e-cigarette dans le sevrage tabagique n’établit sa supériorité par rapport au TSN. Toutefois, le HCSP reconnaît que des avis d’addictologues et de tabacologues invitent à relativiser la portée pratique des conclusions scientifiques (en témoigne l’appel lancé en octobre 2015 par 120 spécialistes en faveur de l’usage de l’e-cigarette dans la lutte contre le tabagisme).
C’est donc pour éviter que l’e-cigarette ne contribue à « renormaliser » la consommation de tabac - même si le vapotage passif ne présente pas ou peu de risques - , que le Conseil recommande d’étendre l’interdiction actuelle de vapoter dans les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif aux cafés, bars et restaurants. Pour sortir de l’ambiguïté, il préconise, à l’instar de l’Académie nationale de médecine (mars 2015), la mise en place d’une e- cigarette « médicalisée », prescrite comme outil de sevrage tabagique, remboursée comme les TSN et vendue en pharmacie. Cette stratégie permettrait de distinguer deux types d’usagers de l’e-cigarette : ceux qui s’en servent pour arrêter de fumer et ceux qui en font un usage récréatif.
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