Une curieuse épidémie de sommeil

Le village au bois dormant

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Publié le 16/03/2015

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KALACHI sera-t-elle bientôt la destination privilégiée des insomniaques ? Peut-être bien. Il faut dire que dans ce petit village niché au cœur du Kazakhstan, le sommeil frappe sans crier gare. Depuis plusieurs années, la bourgade de quelques centaines d’âmes est en effet victime d’un curieux phénomène. Régulièrement, ses habitants sont plongés dans un sommeil aussi soudain que profond. Au bout d’une période allant de deux à six jours, les dormeurs se réveillent généralement sans aucunes séquelles visibles. Cela ressemble plus à une perte de connaissance qu’à un authentique sommeil, précisent les médecins, car le sommeil physiologique est rarement aussi long. « J’étais en train de traire mes vaches, tôt le matin, et je me suis endormie, se souvient Marina Felk, une agricultrice de 50 ans. Quand je suis revenue à moi, j’étais dans une chambre d’hôpital et des infirmières me souriaient. Elles m’ont dit : "bienvenue Belle au bois dormant, tu te réveilles enfin". » Marina venait de dormir deux jours et deux nuits. De pareils témoignages, à Kalachi, ne sont pas rares. Et même les voyageurs de passage peuvent être touchés. Intrigués par ce mal invisible et somnifère, des scientifiques accourent depuis plusieurs années dans le village Kazakh pour en percer le mystère. Ils ont déjà testé plusieurs hypothèses sans succès. Ni vodka frelatée, ni virus, ni bactérie retrouvée dans le sol, dans l’air ou dans l’eau, les soupçons ont longtemps porté sur l’ancienne mine d’uranium du village voisin qui dégagerait du radon. Mais le radon n’entraîne que des endormissements légers et passagers. Pas d’encéphalite toxique non plus, qui provoque un sommeil profond et des séquelles neurologiques fréquentes. La piste la plus probable serait psychogénique : une psychose de masse, phénomène qui survient parfois dans les communautés fermées. Las de trouver une solution, les autorités ont entrepris le déplacement des populations. Mais la maladie ne fait pas assez peur et les habitants résistent. La cure de sommeil n’a rien d’une sinécure.

DIDIER DOUKHAN