À une étude espagnole (1), publiée le 7 février dernier et montrant une augmentation de la prévalence de l’hépatocarcinome dans les mois qui suivent le traitement, répond les résultats de la cohorte française HEPATHER démontrant au contraire une diminution de la mortalité et du risque de cancer (2). Au jeu des comparaisons, les données prospectives françaises portant sur un plus gros effectif semblent l’emporter sur les conclusions espagnoles, basées sur des observations rétrospectives.
Avec plus de 95 % de réponse virologique soutenue, les données des essais cliniques évaluant l’efficacité des antiviraux à action directe (AADs) contre l’hépatite C sont remarquables, mais qu’en est-il de leur intérêt clinique dans la réduction des complications associées à une fibrose sévère F3/F4 ? Et notamment la réduction du risque de développer un hépatocarcinome sur un foie cirrhotique ? En 2016, un groupe de médecins espagnols* avaient lancé un premier signal d’alarme concernant un possible surrisque de cancer du foie dans les mois qui suivent l’éradication du virus de l’hépatite C, suspectant un lien entre exposition aux AADs et sur-risque d’hépatocarcinome.
Pour confirmer ces suspicions, l’équipe du Pr María Reig a conduit une étude rétrospective de cohorte de 1 123 patients atteints de cirrhoses (hypertension portale symptomatique, décompensation hépatique, signe radiologique de cirrhose ou élasticité au fibroscan supérieure à 14 Kpa) et traités par un AAD sans interféron. Les résultats ont été publiés le 7 février dans le " Journal of Hepatology ".
Les nodules, facteurs de risque
Au cours du suivi médian de 19,6 mois, 72 patients ont développé un carcinome hépatocellulaire. L’incidence de la pathologie est de 3,73 carcinomes pour 100 patients-année. Cette prévalence de carcinome hépatocellulaire est significativement supérieure à celles de patients inclus dans d’autres études, avec les mêmes caractéristiques initiales, mais non traités par AAD : de 2,26 à 2,53/100 patients-année.
Les auteurs concluent que le risque de carcinome hépatocellulaire persiste malgré l’élimination du virus, et qu’un traitement par AAD suscite un mécanisme favorisant l’émergence d’un carcinome hépatocellulaire dans les premiers mois qui suivent la guérison. Ils précisent que la présence de nodules indéterminés avant le traitement est associée à un risque d’hépatocarcinome significativement multiplié par 3 (p <0,05).
Pas de surrisque selon HEPATHER
Ces données sont toutefois contredites par celles de la cohorte ANRS CO 22 HEPATHER, portant sur 9 895 patients recrutés dans 32 centres en France. Selon les résultats publiés dans « The Lancet », le Pr Fabrice Carrat (université Pierre et Marie Curie), 7 344 patients bénéficiant d’un traitement par AAD ont été comparés à 2 551 patients non traités. Au cours du suivi de 33,4 mois en médiane, 258 hépatocarcinomes ont été diagnostiqués, dont 187 chez les patients traités et 71 chez les patients non traités. Par ailleurs, 106 cirrhoses décompensées (74 chez les patients traités, 32 chez les non traités) ont été recensées.
« Ce qui est intéressant, note le Pr Philippe Sogni, gastro-entérologie et hépatologie à l’hôpital Cochin (AP-HP), c’est que si l’on n’ajuste pas pour les facteurs de risque, l’exposition aux AAD est associée à une augmentation du risque d’hépatocarcinome (de 77 % NDLR), mais si l’on prend en compte l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle, la consommation d’alcool etc., alors l’exposition aux AAD devient un facteur de protection vis-à-vis du risque de cancer ». Après ajustement pour les facteurs de risque, les patients traités par AAD ont une diminution du risque de mortalité de 52 % et une diminution du risque de développer un cancer du foie de 33 % par rapport aux patients comparable en termes de stade de fibrose ne prenant pas d’AAD.
Pour le Pr Philippe Sogni, la taille de l’effectif et le caractère prospectif de la cohorte HEPATHER donne l’avantage dans la controverse aux résultats français. « Les patients traités par AADs sont les plus sévères en termes de caractéristiques initiales, créant ainsi des biais de recrutement », ajoute-t-il.
Pour le Pr Sogni, le risque d’hépatocarcinome doit, quoi qu’il arrive, être surveillé après éradication du virus. « Ce risque dépend de la gravité de l’atteinte hépatique, il faut donc assurer un suivi radiologique trimestriel, par échographie ou si possible par IRM si le stade de fibrose est F3 ou F4 », insiste-t-il.
(1) Marino et al,Journal of Hepatology, DOI : https://doi.org/10.1016/j.jhep.2019.01.005, 2019.
(2) Carrat et al, The Lancet, DOI : https://doi.org/10.1016/S0140-6736 (18) 32111-1, 2019.
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