PAS UN JOUR sans que des seuils d’alerte polliniques soient atteints. Pas un jour sans que les médias s’affolent sur la progression des risques allergiques. Et que les rhinites aiguës s’invitent au comptoir des officines. Près de 30 % des Français, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans, vivent avec une ou plusieurs allergies, fréquemment saisonnières et souvent bénignes. Mais pour certains d’entre eux, « l’allergie peut être fatale. C’est une véritable épée de Damoclès », remarque le Dr Antoine Magnan, président de la société française d’allergologie (SFA), rappelant les 2 500 morts d’anaphylaxie au contact de la cacahuète chaque année aux USA.
Allergies alimentaires, allergies aux pollens, aux insectes, au nickel, mais aussi, allergies aux animaux de compagnies, aux produits cosmétiques, aux tatouages… La liste s’allonge au fur et à mesure que les champs exploratoires reculent leurs limites. Ainsi que nos pratiques sociétales. La palme reste toutefois aux allergies aériennes (pollens) et alimentaires qui se traduisent par des prévalences d’asthme et d’eczéma astronomiques. Plus de 10 % des enfants sont aujourd’hui asthmatiques, et leur nombre a doublé en quinze ans*. Quinze à 20 % des jeunes enfants sont atteints d’eczéma et 4 à 8 % des enfants d’âge préscolaire présentent une allergie alimentaire. Vingt pour cent de la population souffre de rhinite allergique. « La prévalence de ces rhinites saisonnières a été multipliée par deux au cours des dix dernières années », constate le Dr Jean-François Fontaine, allergologue à Reims. « Les allergies alimentaires sont de plus en plus graves », note de son côté le Dr Philippe Bonniaud, pneumologue au CHU de Dijon et président du conseil scientifique du congrès d’allergologie.
Geeks et NAC.
Davantage encore que les pollens et les acariens, la véritable bête noire des allergologues est la cacahuète. Au cours de la dernière décennie, la prévalence de l’allergie à l’arachide a doublé chez les enfants des pays occidentaux où 3 % des moins de dix ans sont concernés. Elle gagne désormais du terrain en Afrique et en Asie.
Les raisons de l’extension et de la multiplicité de ces allergies ? Nos modes de vie et de consommation. Surgissent ainsi de nouvelles allergies liées à l’emploi de nouveaux outils. Les geeks, accros du téléphone portables et peut-être demain des lunettes et autres montres connectées, s’exposent à des risques d’eczéma.
Jusqu’à présent, seulement 37 cas graves d’allergies de contact ont été répertoriés dans le monde, mais la présence de nickel dans 20 % des téléphones portables laisse augurer une expansion du phénomène.
La mondialisation, elle aussi, se conjugue sur le mode allergique. Plantes exotiques - le ficus, et son latex - ainsi que les nouveaux animaux de compagnie (NAC) - présents dans 5 % des foyers français - sont autant de facteurs allergènes, souvent à l’origine de manifestations respiratoires. Mais la salive du furet et du chinchilla ou les morsures du hamster sont également cause d’urticaire et de réactions anaphylactiques.
Comme souvent, le mieux est l’ennemi du bien. À trop vouloir encourager l’alimentation saine, le Programme National Nutrition Santé (PNNS) a fait exploser les allergies aux fruits dits tropicaux (kiwis, bananes, fruits à coques)… et allergisants. Sans compter l’envers du décor provoqué par les tatouages, colorants pour cheveux, vernis à ongles ou encore les produits injectables utilisés dans les techniques esthétiques comme l’acide hyaluronique et parfois hydroxyapatite de calcium. Pourtant répertoriés comme dispositifs médicaux, mais ne comportant pas d’étude clinique, comme le relève le Dr Annick Pons-Guiraud, dermatoallergologue à Paris, ils sont à l’origine de réactions inflammatoires ou de nodules, voire d’angioedèmes aigus.
De même, la vague du bien-être et du naturel n’éloigne pas le risque allergique. Comme le soulignent les allergologues, les produits déclarés « sans » peuvent contenir des substances telles que les terpènes, limonènes et linalool, ou encore des lactones sesquiterpéniques pouvant provoquer des réactions positives chez des sujets sensibilisés. La plus grande vigilance est donc recommandée dans l’utilisation des huiles essentielles et des produits dits « bio ».
Epigénétique.
Mais la démocratisation des modes de consommation et de certaines pratiques n’est pas seule responsable de la flambée des allergènes. L’appréhension des allergies dans le passé, et notamment les régimes d’éviction en vogue dans les années 1990-2000, sont également en cause. La preuve, une étude publiée en février dernier (voir « le Quotidien » du jeudi 5 mars 2015) souligne la correspondance entre la moindre prévalence d’une allergie et l’introduction précoce de l’allergène dans le régime alimentaire de l’enfant. Une hypothèse corroborée par les Drs Bonniaud et Fontaine : « autrefois, nous ne voyions pas comme aujourd’hui des jeunes adultes présentant des allergies au lait ou aux œufs. Cela donne à penser à une conséquence des évictions multiples pendant l’enfance. »
Enfin, troisième facteur de recrudescence des allergies, les modifications génétiques. Alors que l’hypothèse hygiéniste n’a pu être mise en évidence, les scientifiques pistent les facteurs épigénétiques. Les mécanismes environnementaux qui interviennent sur le gène sans toutefois modifier les séquences nucléosidiques, pourraient ainsi détenir un rôle important dans l’asthme, notamment sur le phénomène d’empreinte parentale, la transmission multigénérationnelle ou encore la corticorésistance.
De prochaines études devraient préciser les associations entre modifications épigénétiques et apparition de maladies allergiques. Leur intérêt : permettre de dessiner de nouvelles stratégies thérapeutiques et politiques de prévention, mais aussi conduire à une meilleure prise en charge des symptômes asthmatiques en évitant de les confondre avec de simples syndromes d’irritation respiratoire, provoqués par la pollution atmosphérique.
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Françoise Amouroux
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