Les principaux médicaments
On distingue quatre classes d’antifongiques par voie générale s’adressant aux infections invasives profondes : les polyènes (Amphotéricine B, « conventionnelle » - Fungizone, liposomale - Ambisome et lipidique - Abelcet), les azolés (fluconazole - Triflucan, itraconazole - Sporanox, posaconazole - Noxafil, voriconazole - Vfend), la 5-flucytosine - Ancotil et les échinocandines (anidulafungine - Ecalta, caspofungine - Cancidas, micafungine - Mycamine).
Mécanismes d’action
Certains produits sont fongicides et d’autres fongistatiques.
- Les polyènes (amphotéricine B) interagissent avec l’ergostérol de la membrane des levures et des champignons sensibles pour créer des pores conduisant à une fuite des éléments cytoplasmiques et la mort de la cellule fongique.
- Bien que très efficace, l’amphotéricine B (sous forme de désoxycholate ou déoxycholate), avec, notamment un spectre large, présente des problèmes de tolérance, surtout du point de vue rénal (néphrotoxicité lentement réversible) qui est un facteur limitant à son emploi et des réactions indésirables en cours d’administration (du fait d’une libération d’histamine). Cela a conduit au développement de formes « vectorisées », beaucoup mieux tolérées et pouvant être administrées en perfusion intraveineuse en un temps plus court : amphotéricine liposomale ou fixée à un complexe lipidique.
- Les dérivés imidazolés (triazolés), qui présentent, notamment, l’avantage d’être actifs par voie orale) sont des inhibiteurs de la 14-déméthylase, une enzyme indispensable à la synthèse de l’ergostérol et dépendante du cytochrome P 450 (ce qui explique les principales interactions médicamenteuses auxquelles ces produits peuvent donner lieu) ; de plus, l’accumulation de 14-méthyl-stérols qu’ils induisent entraînent l’altération de la membrane fongique elle-même.
- Les échinocandines (caspofungine…) entravent la synthèse du bêta- (1,3)-D-glucane de la paroi des champignons (un composé inexistant dans la cellule de mammifère) via l’inhibition d’une enzyme, la bêta-(1,3)-D-glucane synthase.
Enfin, la 5-flucytosine (ou flucytosine) est une pro anti-pyrimidine (convertie en 5-fluoro-uracile par l’action d’une désaminase au sein des cellules fongiques) qui en se substituant à l’uracile inhibe la synthèse de l’ARN et donc celle des protéines du champignon sensible.
Dans quelles situations cliniques ?
Les Candida (à l’origine d’environ 80 % des infections fongiques nosocomiales ; sur plus de 150 espèces, Candida albicans est le plus fréquemment en cause ; parmi les autres espèces : C. tropicalis, C. parapsilosis, C. glabrata…) et les Aspergillus (Aspergillus fumigatus, A. flavus, A. niger, A. nidulans, A. terreus…) représentent les deux principaux types de champignons pathogènes ; on peut aussi y ajouter les Cryptococcus, Histoplasma, Fusarium… Le taux de mortalité associé aux infections fongiques invasives est très élevé chez les patients ayant un système immunitaire « affaibli » (notamment une neutropénie marquée et prolongée : moins de 500/mm3 pendant plus de 10 jours).
L’émergence de nouveaux pathogènes fongiques, ainsi que le développement de résistances sont également des facteurs importants à prendre en compte.
Les facteurs de risque.
Les facteurs de risque d’infections fongiques invasives sont certaines situations pathologiques (Hémopathies malignes, tumeurs solides, greffes de cellules souches, greffes d’organes solides, maladie du greffon contre l’hôte, infection VIH, diabète…). Plusieurs facteurs iatrogènes justifient également la survenue de ces infections (Chimiothérapie, traitements immunosuppresseurs, antibiothérapie à large spectre, corticothérapie à forte dose, dialyse…).
Les principales indications.
Les échinocandines sont indiquées dans les candidoses invasives, l’amphotéricine B dans les candidoses, aspergilloses et cryptococcoses, la flucytosine dans les candidoses, cryptococcoses, chromomycoses et certaines formes d’aspergilloses, les azolés dans les candidoses, les cryptococcoses et les aspergilloses.
Certains de ces produits peuvent être utilisés également en prévention et en associations.
Posologies recommandées chez l’adulte et plans de prise
Dans tous les cas, il est indispensable d’observer le traitement jusqu’à son terme (la durée de traitement dépendant de la nature du germe, de sa localisation et de sa sensibilité à l’antifongique) - dans certains cas, le traitement doit être administré à vie, comme dans certains cas de localisation neuroméningée - même si la guérison clinique intervient plus précocement.
Voie orale.
- Ancotil : la forme comprimé est utilisée en alternative ou en relais de la voie parentérale. Il faut savoir que les comprimés doivent être conservés à moins de 25 °C et à l’abri de l’humidité. Dans le cas d’une fonction rénale normale, la posologie conseillée est de 100 à 200 mg/kg/jour en 3 à 4 prises.
- Noxafil : dose de charge de 200 mg, puis 100 mg par jour. Dans les infections invasives réfractaires, la posologie peut être augmentée à 200 mg, 4 fois par jour, ou 400 mg, 2 fois par jour. Les doses doivent être absorbées pendant ou immédiatement après un repas ou un complément nutritionnel.
- Sporanox : sous forme gélule, 200 à 400 mg en une prise, immédiatement après un repas. En traitement des candidoses orales et/ou œsophagiennes, la suspension buvable s’administre à raison de 200 mg par jour, en une ou deux prises, en dehors des repas. La suspension buvable doit être laissée en contact avec la bouche environ 20 secondes avant d’être avalée. Ne pas rincer la bouche après et ne pas absorber de nourriture dans l’heure qui suit l’administration du produit.
- Triflucan : 100 à 400 mg par jour, en prise unique ; le traitement peut être débuté par une prise initiale de 800 mg.
- Vfend : 400 mg toutes les 12 heures en dose de charge, le premier jour, puis 200 (ou 300 mg selon la réponse) deux fois par jour.
Voie injectable.
- Abelcet : 5 mg/kg/jour, en perfusion (volume total de la perfusion recommandé de l’ordre de 500 ml, pendant 2 heures), pendant 14 à 21 jours.
- Ambisome : 3 mg/kg/jour, en perfusion intraveineuse de 30 à 60 minutes.
- Ancotil : perfusion de 25 à 50 mg/kg toutes les 6 heures (pour une clairance de la créatinine supérieure ou égale à 40 ml/mn).
- Cancidas : en une seule perfusion intraveineuse lente par jour (environ 1 heure), 70 mg en dose de charge initiale le premier jour, puis 50 mg/jour les jours suivants, pendant au moins 14 jours. Le traitement doit être poursuivi au moins 7 jours après la résolution des symptômes cliniques et de la neutropénie (le nombre de polynucléaires neutrophiles doit remonter au moins à 500/mm3).
- Ecalta : en perfusion, dose de charge de 200 mg le premier jour, puis 100 mg par jour les jours suivants.
- Fungizone : en perfusion intraveineuse lente (2 à 6 heures), à la dose de 0,5 à 1 mg/kg/jour (atteinte selon un schéma de lente progression posologique). Compte tenu des risques allergiques, une dose-test initiale (1 mg dans 20 ml de solution glucosée à 5 %) peut être administrée par voie intraveineuse pendant 20 à 30 minutes.
- Mycamine : 50 à 150 mg/jour en perfusion d’environ 1 heure.
- Triflucan : 100 à 400 mg par jour en perfusion intraveineuse.
- Vfend : en perfusion intraveineuse, 6 mg/kg/12 heures pendant 24 heures, puis 4 mg/kg deux fois par jour.
Quelques cas particuliers
Grossesse et allaitement.
Les antimycosiques par voie systémique sont généralement contre-indiqués ou déconseillés durant la grossesse (à apprécier au cas par cas en fonction du rapport bénéfice/risque ; néanmoins, la flucytosine est formellement contre-indiquée) et l’allaitement.
Insuffisance rénale ou hépatique.
Une insuffisance hépatique sévère peut représenter une contre-indication.
L’insuffisance rénale conduit souvent à modifier la posologie, sous surveillance étroite et en fonction de la clairance à la créatinine.
Vigilance requise
Contre-indications absolues, en dehors de la grossesse et de l’allaitement.
Il s’agit pour l’essentiel d’une hypersensibilité au produit ou d’une insuffisance rénale sévère.
Les triazolés ne doivent pas être associés aux alcaloïdes de l’ergot de seigle vasoconstricteurs (risque d’ergotisme), aux inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase (simvastatine, lovastatine, atorvastatine) - en raison d’un risque majoré de rhabdomyolyse - à l’aliskirène, ainsi qu’avec certains substrats du cytochrome P450 CYP3A4 (terfénadine, astémizole, cisapride, pimozide, halofantrine, quinidine), ce qui pourrait induire une augmentation importante de la concentration plasmatique de ces médicaments entraînant l’allongement de l’espace QT avec un risque de survenue de torsades de pointes.
S’agissant notamment des triazolés, d’éventuelles perturbations électrolytiques (hypokaliémie, hypocalcémie, hypomagnésémie) doivent être surveillées, voire corrigées avant le début et au cours du traitement.
Effets indésirables.
Fréquents, ils peuvent limiter l’emploi de ces médicaments.
- Amphotéricine B : par voie intraveineuse, peuvent survenir des réactions aiguës telles qu’une fièvre (dose dépendante), des frissons, nausées, vomissements, céphalées, arthralgies ainsi qu’une hypotension. Ces manifestations peuvent être réduites par administration (de préférence en prémédication) d’antihistaminiques, de corticoïdes, d’antipyrétiques, et/ou d’antiémétiques. La fonction rénale doit être tout particulièrement surveillée avec l’amphotéricine B (néphrotoxicité). L’amphotéricine B induit très fréquemment une hypokaliémie.
Il existe également un risque de toxicité hématologique (surveillance NFS), d’éruption cutanée et d’œdème de Quincke.
- Caspofungine et autres échinocandines : les principaux effets indésirables sont représentés par une fièvre, un prurit au point de perfusion, une hypokaliémie, une diminution du taux d’hémoglobine, des céphalées, une thrombophlébite, des nausées/vomissements/diarrhées et une altération des paramètres hépatiques. La fonction rénale doit être également surveillée.
- Flucytosine : celle-ci peut entraîner des troubles hématologiques (leucopénie, thrombopénie), le plus souvent modérés et transitoires (plus fréquents en cas d’insuffisance rénale), sauf si le patient souffre d’une insuffisance rénale ou reçoit de fortes doses de flucytosine ou d’autres médicaments provoquant une dépression médullaire, des troubles hépatiques (élévation des transaminases, rares cas d’hépatites aiguës) et des troubles digestifs (nausées, diarrhées).
- Triazolés : il s’agit essentiellement de nausées/vomissements, douleurs abdominales, céphalées. Une surveillance hépatique est recommandée, surtout en cas de traitement prolongé. Risque d’hypokaliémie et d’hypocalcémie.
À savoir : le voriconazole entraîne fréquemment, en début de traitement (1re semaine), des troubles visuels (éblouissements-photophobie, flous visuels, altérations de la perception des couleurs).
Interactions médicamenteuses.
- Amphotéricine B : l’association à des hypokaliémants, quels qu’ils soient (diurétiques hypokaliémiants, laxatifs stimulants, tétracosactide, gluco et minéralocorticoïdes), majore le risque de troubles cardiaques, notamment de torsades de pointe ; pour la même raison, l’association à d’autres médicaments exposant à des torsades de pointe doit faire l’objet de précautions particulières (quinidine, hydroquinidine, disopyramide, amiodarone, sotalol, certains neuroleptiques, notamment la chlorpromazine, la lévomépromazine, le sulpiride et l’halopéridol), voire est contre-indiquée. L’association à des médicaments modifiant la fonction rénale (ciclosporine, tacrolimus, aminosides, produits de contraste iodés, certains antiviraux comme la pentamidine…) peut majorer la néphrotoxicité.
- Flucytosine : augmentation de la toxicité hématologique de la zidovudine ainsi que d’autres médicaments présentant une toxicité médullaire (surveillance plus fréquente de l’hémogramme) ou rénale. Au-delà de 200 mg par jour, il existe un risque d’augmentation des effets indésirables de la carbamazépine.
- Triazolés : Les puissants antiacides (IPP, antiH2) peuvent réduire l’absorption digestive des triazolés.
Étant de puissants inhibiteurs du cytochrome P450 CYP3A4, la prudence s’impose en cas d’association à d’autres médicaments métabolisés par cette voie dont ils peuvent majorer les effets (ce qui nécessite une surveillance particulière des effets indésirables, voire une adaptation posologique), comme en ce qui concerne le tacrolimus, le sirolimus, la ciclosporine, les antiprotéases anti-vih, le midazolam et le triazolam (majoration de la sédation), la buprénorphine, les corticoïdes (y compris inhalés), les sulfamides hypoglycémiants (risque d’hypoglycémie), les vinca-alcaloïdes, les inhibiteurs des tyrosine kinases, la digoxine (nausées/vomissements, troubles du rythme). Signalons également, pour la même raison, un risque de majoration des effets indésirables des dihydropyridines (amlodipine, nicardipine, nimodipine…), notamment des œdèmes, une augmentation des effets des antivitamines K, de l’alfentanil (majoration des effets dépresseurs respiratoires) et des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (l’augmentation de la concentration plasmatique est très importante avec le vardénafil).
À l’inverse, les inducteurs des cytochromes (phénytoïne, primidone, rifampicine…) sont susceptibles de diminuer l’activité des triazolés.
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