LA BUPRÉNORPHINE n’a été disponible en France qu’en 1996, donc plus tard que dans d’autres pays, mais elle a pu être immédiatement prescrite en médecine de ville. C’est cette accessibilité qui, associée au dispositif d’échange de seringues, a permis en six ans de diviser par 2 la prévalence du VIH chez les usagers de drogues, par 5 les overdoses, par 3 le nombre de naissances prématurées chez les femmes enceintes toxicomanes, et, ainsi, de sauver près de 3 500 vies. Autres points positifs de ce cadre de prescription souple et de proximité, compatible avec une resocialisation des patients : le taux de patients déclarant un usage régulier de l’héroïne en plus du traitement est de seulement 15 % dans l’Hexagone (contre 49 % au Danemark par exemple) et 59 % d’entre eux déclarent avoir un emploi à plein temps ou partiel (7 % au Royaume-Uni).
Un « plus » pour le patient.
Les modalités de diffusion de la buprénorphine sont à l’origine du succès de la substitution en France et en font un modèle reconnu de prise en charge de l’addiction, unique au monde. « Elles restent essentielles dans une logique de diminution des risques, mais elles ont aussi des aspects négatifs : précocement associées au développement de mesusages (sniff, injection, polyconsommation) et de trafics, elles ont donné une mauvaise image du traitement, voire de ceux qui le prescrivent, souligne le Dr Amine Benyamina, psychiatre, responsable du Centre d’enseignement, de recherche et de traitement des addictions (CERTA) de l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif. En parallèle, il reste de nombreux points à affiner ou à améliorer dans la réduction des risques et la prise en charge, notamment celles des usagers de drogues ne pouvant pas ou ne voulant pas s’arrêter, dans la gestion du problème de l’hépatite C, dont la prévalence toujours élevée intervient plus tôt dans le parcours du sujet opiodépendant, et des comorbidités psychiatriques, ainsi que dans l’amélioration de la qualité de vie des patients. »
Dans ce contexte, de nouvelles options thérapeutiques, tant en matière de principe actif que de galénique, sont bienvenues. « L’arrivée en France de Suboxone constitue ainsi une chance de plus pour les patients. »
Mécanisme original.
L’originalité de son mécanisme d’action permet de limiter la part de mésusage et de détournement de prescription. À la buprénorphine, agoniste partiel des récepteurs mu et kappa de longue durée d’action, est en effet associée la naloxone, antagoniste des récepteurs mu qui passe très peu dans le sang. Administrée par voie orale ou sublinguale aux posologies habituelles, la naloxone n’a donc pas d’effets pharmacologiques, ce qui permet à la buprénorphine d’exercer pleinement son effet thérapeutique. En revanche, en cas d’utilisation IV ou intranasale, elle provoque des effets antagonistes opioïdes et bloque temporairement l’effet de la buprénorphine. Elle exerce ainsi un effet dissuasif vis-à-vis de toute utilisation abusive par une autre voie que sublinguale.
« C’est un avantage pour le patient. En limitant la tentative de mésusage, Suboxone l’aide à mieux se contrôler et limite le risque de se "réenfoncer". En outre, privée de ses effets euphorisants, Suboxone n’a qu’une faible valeur sur le marché noir, ce qui diminue la revente et permet au patient de rompre plus facilement avec son environnement, commente le Dr Jérôme Bachellier, psychiatre au Centre spécialisé de soins aux toxicomanes Port-Bretagne (Tours). C’est aussi un avantage pour le prescripteur qui dispose d’un traitement moins "détournable", un vrai "plus" en terme d’image, qui devrait permettre que la reconnaissance de l’addiction comme une maladie chronique. »
Prochaine étape en France, en 2014, du Laboratoire Reckitt Benckiser Pharmaceuticals : un film sublingual, déjà commercialisé aux États-Unis.
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