LES CIGARETTES ÉLECTRONIQUES ont-elles leur place en pharmacie ? Non, estime la députée UMP des Alpes-Maritimes Muriel Marland-Militello. Lundi dernier, l’élue a interpellé une nouvelle fois, par courrier, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. Elle s’est également adressée à Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre des pharmaciens. « Outre les aspects purement juridiques, il serait contraire à l’éthique de laisser, par manque d’information, les pharmacies distribuer des produits qui pourraient nuire à la santé des Français. Ce serait une rupture du contrat de confiance qui existe, à juste titre, entre les pharmaciens et nos compatriotes », affirme la députée. À ce jour, quelques centaines d’officines référencent des cigarettes électroniques, cédant à l’engouement croissant des consommateurs pour ce dispositif controversé. Pourquoi ? Parce qu’il pourrait présenter certains risques pour la santé. Ce qui interpelle, c’est la composition du mélange inspiré par l’utilisateur (voir encadré). La question de son innocuité s’est posée dès l’apparition des e-cigarettes, au milieu des années 2000. Saisie par la Direction générale de la santé, l’AFSSAPS* affirmait, en juillet 2008, avoir « examiné les conditions de mise sur le marché des cigarettes électroniques et effectué une première analyse des risques potentiels. » Une évaluation toxicologique approfondie est encore en cours actuellement.
Un appel à la prudence.
L’AFSSAPS, tout comme le ministère de la Santé, appelle les utilisateurs de ces produits à « la plus grande prudence ». En clair, ils sont vivement déconseillés. Certains fabricants affirment toutefois se conformer à la directive européenne ROHS sur les substances dangereuses (plomb, mercure, etc). Mais l’agence fait valoir que le propylène glycol contenu dans ces cigarettes est un solvant au pouvoir irritant. Il peut également entraîner des effets neurologiques comparables à l’état d’ébriété. Au contraire, les évaluations de l’Institut national de recherche et de sécurité, invoquées par les distributeurs des e-cigarettes, estiment ce composé « peu toxique » pour l’homme, dans le cadre de son utilisation en galénique ou en cosmétique. Un argument qui ne convainc pas Fabienne Bartoli, directrice générale adjointe de l’AFSSAPS. « L’effet toxique dépend de la dose et du mode de consommation. Or ici, le produit est chauffé et inhalé », explique-t-elle au « Quotidien ». Quant aux dérivés terpéniques contenus dans le mélange, ils présentent un risque pour les sujets épileptiques.
La question du statut.
Par ailleurs, certains échantillons envoyés à l’AFSSAPS se sont révélés très fortement dosés en nicotine. « Les doses peuvent atteindre le double de celles retrouvées dans les produits de sevrage tabagique », souligne Fabienne Bartoli. Là se pose également la question du statut des e-cigarettes. Peuvent-elles constituer une aide à l’arrêt du tabac ? Médicament ou gadget, il faut être clair. La dizaine de marques, fabriquées en Asie, sont disponibles à la fois en pharmacie, auprès des débitants de tabac, et, bien sûr, sur Internet. Le ministère de la Santé veut faire la part des choses. Il a réaffirmé sa position en mars dernier. Si le produit revendique une utilisation dans le sevrage tabagique, il lui faut une AMM, que la cartouche insérée contienne ou non de la nicotine. Il en va de même, lorsque les e-cigarettes contiennent plus de 10 mg de nicotine sans pour autant porter d’allégation d’aide à l’arrêt du tabac, rappelle le ministère.
Pour l’heure, aucune marque n’a déposé de demande d’AMM ou même de statut de dispositif médical. Certaines en quête de crédibilité, mettent en avant un marquage CE. Certes, mais « celui-ci ne concerne que le dispositif d’inhalation », précise Fabienne Bartoli.
Quoi qu’il en soit, faute de disposer d’un réel statut, les sociétés distributrices se gardent de mettre en avant l’argument du sevrage. L’e-cigarette est présentée comme une « alternative saine à la consommation de tabac ». Les fabricants revendiquent le fait qu’en l’absence de combustion, « aucune substance cancérigène telle que le goudron n’est émise ». Autre argument cité : la cigarette électronique échappe à la loi interdisant de fumer dans les lieux publics.
Confrontée à cette bataille d’arguments l’AFSSAPS ne se dit pas optimiste. En raison de l’absence d’harmonisation européenne et aussi parce qu’ils sont disponibles sur Internet, il sera sans doute difficile pour l’agence de statuer sur ces produits. « Nous avons choisi d’informer le public, de le mettre en garde », indique ainsi Fabienne Bartholi. Pour elle, les e-cigarettes n’ont rien à faire en officine, car elles ne figurent pas sur la liste des produits autorisés à la vente en pharmacie. « Nous avions fait sortir de cette liste les cigarettes à base de plantes, du fait de leur effet cancérigène », rappelle la DG adjointe de l’AFSSAPS.
La députée Muriel Marland Militello est bien décidé à lever l’écran de fumée qui masque le statut de ces poduits en demandant un moratoire sur les ventes des cigarettes électroniques.
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