Contexte
La maman de Théo, âgé de 8 mois, se présente à la pharmacie. Son bébé a le nez qui coule, et pleure beaucoup. Elle pense qu’il fait ses dents.
Les questions à poser
Théo a t-il de la fièvre, les selles molles ou la diarrhée, les fesses rouges ? Ses gencives sont-elles gonflées ? Est-ce qu’il bave beaucoup ? En effet l’éruption dentaire se produit généralement vers le 6e mois, et s’accompagne d’une salivation importante, d’une irritabilité, parfois d’une fièvre légère, de selles molles voire d’une diarrhée avec érythème fessier. Elle peut provoquer une inflammation et des douleurs. Cependant, fièvre et diarrhée chez un nourrisson peuvent exprimer bien d’autres pathologies. Il faudra donc être vigilant et orienter vers une consultation médicale en cas de fièvre importante ou persistante. Pour soulager douleur et fièvre, le paracétamol pourra être conseillé en appui d’un traitement local.
Quelques définitions
À l’origine de nombreuses affections bucco-dentaires, un facteur commun, la plaque dentaire. Substance blanchâtre constituée de débris alimentaires mélangés à la salive, elle se dépose à la surface des dents et entre la dent et la gencive. Non éliminée par le brossage, elle sera colonisée par les bactéries présentes dans la salive et transformée à terme en une substance minéralisée, dure adhérente aux dents et aux collets, le tartre. Sa présence empêche une hygiène correcte et entretient les bactéries à l’origine de la carie dentaire, maladie microbienne qui détruit progressivement les tissus durs de la dent en formant un trou.
À partir des glucides présents dans l’alimentation, les bactéries de la plaque dentaire synthétisent des acides capables de déminéraliser l’émail, progressivement puis sans intervention du dentiste les autres tissus de la dent sont touchés, la dentine puis la pulpe, qui contient des nerfs et des vaisseaux sanguins : le stade de la pulpite est atteint. Autres conséquences de l’accumulation de plaque dentaire, les maladies parodontales. Le parodonte est constitué de l’ensemble des tissus de soutien de la dent, la gencive, les ligaments péri dentaires, le cément et l’os alvéolaire. Maladies infectieuses multifactorielles, les parodontopathies sont caractérisées par des signes cliniques pouvant inclure une inflammation visible ou non, des saignements gingivaux spontanés ou provoqués d’importance variable, la formation de poches en rapport avec des pertes d’attache et d’os alvéolaire, une mobilité dentaire et peuvent conduire à des pertes de dents. La gingivite correspond à une inflammation seule de la gencive sans atteinte des autres tissus du parodonte. Mais elle peut évoluer vers une parodontite quand l’inflammation se propage sous la gencive et provoque une destruction des tissus de soutien.
Un peu de physiopathologie
La douleur dentaire est une sensation extrêmement désagréable, résultant de l’action de stimuli mécaniques, chimiques ou thermiques sur les différents tissus innervés de la dent et du parodonte. Son intensité et ses caractéristiques varient d’une pathologie à une autre et permettent souvent de mieux en cerner l’origine.
Une carie au premier stade de l’atteinte de l’émail peut être indolore, en revanche une douleur aiguë, brève, déclenchée lors de changements de température dans la bouche (chaud, froid), ou en présence d’aliments ou de boissons sucrées ou acides, témoigne de l’atteinte de la dentine. Si la douleur devient plus violente, spontanée, diffuse, si elle irradie au niveau des dents voisines, des oreilles ou de la tête, si elle est pulsatile, il s’agit le plus souvent d’une pulpite, inflammation du nerf de la dent liée à une carie profonde. Une douleur vive, lancinante, insomniante, moins irradiante et plus localisée que les douleurs pulpaires, accompagnée de signes généraux infectieux témoigne de la présence d’un abcès dentaire, complication de pathologies dentaires mal ou non traitées. Des douleurs intermittentes provoquées par le brossage, le contact avec les aliments chauds ou froids, acides ou sucrés sont dues à une hypersensibilité dentaire, en cause, l’usure de l’émail et la rétractation des gencives qui exposent la dentine. Des douleurs localisées sur des gencives rouges, oedématiées et saignant au toucher sont le signe d’une gingivite ou d’une parodontite.
Les mots du conseil
Dédramatiser la peur du dentiste
Certaines personnes ont encore la phobie du dentiste, souvent due à une méconnaissance des progrès réalisés dans les techniques de soins dentaires, notamment dans la prise en charge de la douleur (anesthésie locale, prémédication, Méopa.).Le pharmacien devra se montrer rassurant et surtout convaincant quant à la nécessité d’une consultation dentaire précoce quelle que soit l’origine de la douleur.
Paracétamol : attention aux associations de spécialités
Dans l’attente des soins, le pharmacien peut être amené à délivrer du paracétamol comme antalgique. Mais il devra être vigilant quant au risque de surdosage, car de nombreuses spécialités conseils à visée antalgique en contiennent. Afin d’adapter sa délivrance, le pharmacien interrogera donc son patient sur les médicaments déjà administrés en automédication, et utilisera le dossier pharmaceutique. Au cours de son exercice, il rappellera aussi souvent que nécessaire la posologie usuelle et maximale du paracétamol en fonction de l’âge et du poids du patient, la nécessité de calculer la dose journalière totale absorbée par le patient toutes spécialités confondues, ainsi que l’intervalle des prises à respecter car en présence de douleurs importantes la tentation est forte de multiplier les prises d’analgésique.
Mieux vaut prévenir que guérir
Une hygiène bucco-dentaire déficiente favorise l’installation de la plaque dentaire et le développement de bactéries. Des règles simples de prévention sont indispensables pour s’assurer une bonne santé buccodentaire, et ce dès le plus jeune âge.
Des consultations régulières chez le chirurgien-dentiste, au moins une fois par an, assurent un suivi personnalisé et favorisent la détection à temps de pathologies. N’oublions pas que lui seul peut enlever le tartre.
Un brossage minutieux et régulier, entre 2 et 3 fois par jour, au mieux après chaque repas et surtout avant le coucher, permet d’éliminer la plaque dentaire. Le brossage doit s’effectuer en douceur par des mouvements rotatifs de la gencive vers la dent, la brosse inclinée de 45°, ceci sur toutes les faces de la dent, y compris la face intérieure et les faces masticatrices. La brosse à dent, adaptée à l’âge aura de préférence, une petite tête et des poils synthétiques souples. Elle devra être changée au minimum tous les 3 mois et après une maladie. Rappelons qu’elle ne se prête pas car elle est porteuse de bactéries. Du fil dentaire ou des brossettes peuvent être utilisés pour atteindre les espaces interdentaires.
Dans le cadre de la prévention de la carie dentaire, de nombreuses études scientifiques ont prouvé l’efficacité du fluor, oligo-élément qui se fixe sur l’émail des dents et les rend ainsi plus résistantes aux attaques acides des bactéries. Mais la quantité absorbée doit être contrôlée car il y a un risque de surdosage (fluorose). Un dentiste ou un médecin pourra réaliser un bilan personnalisé des apports en fluor, et adaptera la supplémentation médicamenteuse à l’âge en tenant compte de l’apport sous forme topique (dentifrice ou bain de bouche).
Une alimentation régulière, variée et équilibrée contribue également à une bonne santé buccodentaire. Il est recommandé d’éviter les grignotages, de privilégier l’eau et le lait plutôt que des boissons acides, les aliments protecteurs à la fin des repas comme le fromage (la caséine s’oppose à la déminéralisation de l’émail). Plus encore que la quantité de glucides, un aliment cariogène dépend aussi de son acidité et de son temps de contact d’où la nécessité d’éviter de consommer des boissons ou aliments acides avant le coucher. Les biberons d’eau sucrée le soir ou la nuit pour calmer les bébés seront déconseillés.
Les produits conseils
Antalgiques
L’ibuprofène et le paracétamol seront conseillés en première intention, l’aspirine devant être évitée en cas de saignements. En faveur de l’ibuprofène, le dosage à 400 mg (AdvilTab 400, Nurofen 400), la capsule molle (Advilcaps 200) ou l’adjonction d’arginine (Spedifen) qui favorisent un délai d’action plus court.
Les formes orodispersibles (Adviltab, Nurofentabs, Efferalganodis, Dolipraneoro) présentent l’avantage d’être absorbées sans eau, avec une efficacité optimale. Cependant, certaines douleurs nécessitent des antalgiques de palier 2 (association paracétamol/codéine) (Prontalgine, Migralgine, Algicalm…).
Localement, chez l’adulte et l’enfant de plus de 10 ans, un tampon imprégné de solution anesthésique Dentobaume pourra être appliqué sur la gencive ou la dent douloureuse.
Bains de bouches
Capables d’atteindre des zones interdentaires les plus difficiles d’accès, l’usage des bains de bouche est justifié dans les cas de risque carieux, de gingivite, de sensibilité dentinaire, en traitement d’appoint des infections de la cavité buccale ou en soins postopératoires. Attention cependant à ne pas pratiquer de bain de bouche dans les heures qui suivent une extraction, en raison du risque de saignement. Un bain de bouche s’utilise à partir de 6 ans, après le brossage, pur ou dilué dans l’eau tiède. La chlorhexidine (Parodontax…) ou l’hexétidine (Doloseptyl, Hextril) leur confèrent des propriétés antiseptiques, l’énoxolone (Doloseptyl) une action anti-inflammatoire. Les fluorures d’amine, de sodium reminéralisent et fortifient l’émail.
Certaines vitamines (vitamine E, provitamine B5) participent à la revitalisation de la gencive. Attention à ne pas utiliser les solutions antiseptiques au-delà de 10 jours en raison d’un risque de déséquilibre de la flore saprophyte. En cas d’usage fréquent, préférer les formulations sans alcool (Désensin).Des présentations en unidoses, prêtes à l’emploi font leur apparition (Doloseptyl) pour un usage pratique et hygiénique.
Dentifrices et pâtes
Les dentifrices fluorés sont utiles pour la prévention des caries (Fluocaril Bifluoré, Elgydium protection caries, Fluoselgine, Sanogyl blanc.). Chez l’enfant de 3 à 6 ans, le dentifrice devra être faiblement dosé en Fluor (de 250 à 600 ppm), puis dès 6 ans, un dentifrice au fluor dosé entre 1 000 et 1 500 ppm F pourra être utilisé.
Certains dentifrices sont indiqués plus spécifiquement dans l’hypersensibilité dentinaire (Émoform dents sensibles, Elgydium dents sensibles.). En complément, un gel peut être appliqué après le brossage (Sensigel). Il existe par ailleurs des soins qui diminuent la sensibilité dentinaire en rebouchant les tubules dentaires par la formation d’un émail de substitution, bloquant ainsi les stimuli douloureux, Nutri Émail sous forme de dentifrice, utilisable à partir de 6 ans et Dentokalm, une mousse appliquée grâce à une gouttière, utilisable à partir de 12 ans.
Certains autres, moins abrasifs sont plus adaptés aux gingivites, en massage de la zone douloureuse. (Arthrodont, Elgydium, Hextril, Pyorex, Selgine…).
La spécialité Hyalugel (gel ou spray), est préconisée dans les états inflammatoires des maladies parodontales. Elle accélère la cicatrisation et la réparation du ligament alvéolodentaire en prévenant le déficit en acide hyaluronique naturel de la muqueuse gingivale.
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Françoise Amouroux
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