GLOSSITES CARENTIELLES
La glossite atrophique reste le symptôme majeur observé dans la plupart des états carentiels, qui doit être systématiquement recherché et tout particulièrement chez les personnes âgées, puisqu'on considère qu'elle est présente chez 5 % d'entre elles.
1. Carence en fer
Quelle que soit l'origine de la carence en fer, elle induit des lésions linguales avec une sensation de brûlure de la langue, une pâleur des muqueuses et une atrophie progressive des papilles. On inscrira dans ce cadre la glossite atrophique et achylique de Hayem et Faber due à une malabsorption du fer en raison d'un achylisme gastrique.
Le syndrome de Plummer-Vinson est une forme clinique grave évolutive de l'anémie ferriprive hypochrome associant une glossite, une dysphagie et une dystrophie unguéale.
2. Maladie de Biermer
Le mode d'expression le plus classique est la glossite de Hunter caractérisée par la disparition des papilles filiformes et fongiformes aboutissant à une langue rouge vif, atrophique et lisse.
3. Carence en vitamines du groupe B
Bien que rarement observée au cours des carences en vitamine B2 (riboflavine), la glossite peut en être un des signes muqueux associés à la chéilite angulaire. La carence en vitamine PP (ou vitamine B5) (acide nicotinique) réalise le tableau de pellagre caractérisé par une anorexie, un amaigrissement, des troubles digestifs à type de diarrhées, enfin des troubles neurologiques. Les carences en pyridoxine (vitamine B6), en acide pantothénique, en acide folique peuvent être responsables d'une glossite.
4. Autres carences vitaminiques
Le scorbut causé par une carence en vitamine C est dominé, quant aux manifestations buccales, par des lésions essentiellement gingivales, la langue apparaissant le plus souvent normale.
Les carences en vitamine A pourraient favoriser les états leucoplasiques de la langue.
LA LANGUE GÉOGRAPHIQUE
La glossite migratrice bénigne, est une affection fréquente d'étiologie encore inconnue. Cliniquement, la langue géographique se caractérise par l'existence de plaques non ulcérées dékératinisées, et ainsi apparaissent plus rouges que la muqueuse kératinisée adjacente avec une bordure plus épaisse, blanche ou crème, composée d'un mélange de kératine et de neutrophiles. Cette glossite est le plus souvent asymptomatique. Les relations qui unissent la langue géographique, le psoriasis et d'autres pustuloses amicrobiennes semblent étroites.
GLOSSITES, SIÈGE D’UNE MALADIE INFECTIEUSE
La langue peut être le développement de nombreuses maladies infectieuses localisées, qu'elles soient de nature virale, bactérienne, mycosique ou parasitaire.
1. Les glossites virales
a) La primo-infection herpétique et les récurrences herpétiques
Due au virus de l'herpes simplex de type 1 (HSV1). Cette infection virale aiguë est fréquente touchant les enfants ou l'adulte jeune. Gingivo-stomatite caractérisée par de la fièvre, une altération de l'état général, ce syndrome viral est suivi d'une phase éruptive 1 à 3 jours plus tard.
La muqueuse buccale est rouge, œdématiée. S’y développent des vésicules douloureuses, confluentes, évoluant en ulcérations rondes, entourées d'un halo inflammatoire.
Les lésions récurrentes correspondent à la réactivation du virus HSV1 à l'occasion d'un stress, d'une maladie intercurrente ou immunodéprimante, d'un traumatisme locorégional.
b) L'herpangine
L'herpangine est une infection virale aiguë touchant les enfants et les adultes jeunes, due à certains types du virus coxsackie du groupe A. L'éruption s'inscrit dans un contexte général fébrile avec malaise et dysphagie le plus souvent en été et en automne.
Il s’agit d'un érythème diffus de la muqueuse buccale, avec de nombreuses petites vésicules rapidement rompues laissant place à de petites ulcérations douloureuses.
c) Le zona
Le zona réalise une éruption érythématovésiculeuse et un syndrome algique de topographie radiculaire.
d) La papillite linguale familiale
Décrite par mon collègue le Pr Jean-Philippe Lacour, du CHU de Nice, cette papillite est troublante car souvent familiale, son apparition est brutale, elle est sensible et s’accompagne d’une hypersialorrhée. Elle survient dans un contexte épidémique, s’accompagne parfois de ganglions satellites et guérit en une quinzaine de jours.
2. Les glossites bactériennes
Les localisations infectieuses bactériennes spécifiques de la muqueuse linguale sont rares. En revanche, les localisations buccales des maladies bactériennes générales ne doivent pas être méconnues.
a) Les glossites bactériennes aiguës
Il s’agit d’une cellulite inflammatoire de la langue, s'inscrivant dans un contexte fébrile associé ou non à des adénopathies satellites. Parmi les germes les plus communément en cause, citons le Streptocoque pneumoniae, l'Hemophilus influenzae, le Pseudomonas et le Streptocoque hémolytique.
La stomatite gonococcique est rare et ne présente pas de signe clinique spécifique.
Le chancre mou lingual sera évoqué devant une ulcération ronde ou ovale avec des bords légèrement surélevés sur une base non indurée. Ce chancre habituellement indolore s'accompagne d'une adénopathie unie ou bilatérale.
b) Glossites syphilitiques
La syphilis primaire caractérisée par la lésion élémentaire qu'est le chancre unique peut se trouver localisée au niveau de la langue.
Les lésions buccales de la syphilis secondaire, précoces, réalisent des plaques érosives superficielles indolores, arrondies ou ovalaires, dites « fauchées », c'est-à-dire que les papilles y sont abrasées. Les formes tertiaires ne sont pas envisagées ici.
c) Manifestations linguales des infections bactériennes systémiques
La langue peut être le site de la primo-infection tuberculeuse.
Le lupus vulgaire est le plus souvent une tuberculose secondaire de la peau touchant rarement les muqueuses buccales. Le cas échéant, l'atteinte porte essentiellement sur les lèvres, les joues, les gencives ou le palais.
La lèpre lépromateuse fournit de façon assez fréquente des manifestations buccales caractérisées par des lésions ulcérées, nécrotiques qui font suite à des lépromes.
L'actinomycose est une autre maladie granulomateuse chronique due à un germe anaérobie gram positif : Actinomyces israelii.
Enfin, la scarlatine, infection aiguë due au streptocoque du groupe A, fournit à la langue des signes caractéristiques, « en fraise », par hypertrophie des papilles fongiformes. Ce type d'énanthème framboisé survenant chez un enfant ne doit pas faire méconnaître le syndrome de Kawasaki.
3. Glossites d'origine mycosique et parasitaire
a) Candidoses
Le candida est un commensal du tractus gastro-intestinal de l’homme. Il existe des facteurs favorisant le développement d'une candidose buccale. Il s'agit le plus souvent de maladies immunodéprimantes, comme le diabète, les hémopathies, les cancers buccopharyngés, les déficits immunitaires (SIDA) et les neutropénies. L'état d'hygiène locale, le port de prothèses, le tabagisme ou des lésions traumatiques favorisent le développement des mycoses à candida.
On distingue les candidoses aiguës avec le muguet, caractérisé par des dépôts blanchâtres crémeux détachables. Parmi les candidoses chroniques, on distingue la candidose chronique hypertrophique, caractérisée par des plaques blanches fermes surélevées, qui ne se détachent pas. La glossite losangique médiane, ou glossite médiane rhomboïdale, est définie par l'existence d'une plaque bien limitée dépapillée, de couleur rose à prune du dos de la langue, de forme losangique, située en avant du V lingual.
La langue noire villeuse, dite aussi langue chevelue, correspond à l'hypertrophie et à l'élongation des papilles filiformes. Le candida (tropicalis) n'est qu'un des facteurs favorisants supposés.
b) Autres mycoses
L'histoplasmose, endémique dans certains États des États-Unis (Mississippi et vallée de l'Ohio), la mucormycose, qui touche le plus souvent les malades immunodéprimés.
c) Parasitoses
La trichomonase, a été décrite pour provoquer une glossite. Rares sont les leishmanioses.
LES GLOSSITES LIÉES À UNE MALADIE INFECTIEUSE SYSTÉMIQUE
Des symptômes linguaux peuvent être observés au cours de maladies infectieuses générales.
La maladie mains-pieds-bouche atteint les enfants et adultes jeunes par épidémie, due au virus coxsackie A16 (parfois A5 ou A10). Le syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA) s'accompagne de nombreuses manifestations buccales, spécifiques ou non, résultant du déficit immunitaire caractéristique de cette maladie. Plus spécifique, la leucoplasie chevelue doit être systématiquement recherchée sur les bords latéraux de la langue.
GLOSSITES IMMUNOALLERGIQUES
1. Les glossites d'origine médicamenteuse
La plupart des médicaments peuvent être incriminés à savoir certains antibiotiques, les antipyrétiques, les sulfamides, les barbituriques, les neuroleptiques, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion, le méthotrexate et l'azathioprine.
2. Les glossites de contact
Les eczémas de contact de la muqueuse buccale, de diagnostic difficile, fournissent des manifestations cliniques polymorphes. La glossite est en général de type dépapillé avec un aspect lisse. Parmi les étiologies dentaires, citons l'allergie aux amalgames, aux métaux des couronnes et prothèses, aux prothèses acryliques et à l'eugénol, aux antiseptiques et aux matériaux d'obturation dentaire.
GLOSSITES DES MALADIES DERMATOLOGIQUES SPÉCIFIQUES
1. Le lichen plan lingual
Différents aspects sont observés sur la langue au cours du lichen plan. Il peut s'agir d'un réseau lichénien réticulé touchant les bords latéraux ou la face dorsale. Certaines figures prennent un aspect annulaire. Le lichen plan peut apparaître érosif et ulcéré.
2. Psoriasis lingual
L'aspect le plus caractéristique est celui de langue géographique
LÉSIONS LINGUALES DES MALADIES INFLAMMATOIRES GÉNÉRALES
L’examen de la langue est en général très contributif au diagnostic de maladie systémique, qu’il s’agisse de lésions à type d'ulcérations ou d'aphtes s'intégrant dans le cadre de maladies générales. Dans le lupus érythémateux, les lésions linguales sont multiples, érosives, papillomateuses, bulleuses, lichéniennes…
Dans la sclérodermie systémique, la langue est atrophique et dépapillée. Plus caractéristique est l'aspect de langue framboisée observée au cours de la maladie de Kawasaki, qui touche principalement les enfants et les adultes jeunes.
Les verrues vulgaires, les condylomes acuminés, le molluscum contagiosum, l'hyperplasie épithéliale focale, les nodules des trayeurs, l'orf, peuvent réaliser des lésions tumorales linguales non décrites ici.
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