BIEN QUE le tabac augmente le risque de nombreuses maladies, quelques études ont suggéré qu’il est associé à une diminution du risque de certaines maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson. Le lien entre le tabac et l’Alzheimer a été controversé, certaines études suggérant que le tabac réduit le déficit cognitif.
Étant donné la longue phase préclinique de la maladie d’Alzheimer, il est important d’identifier l’exposition à des facteurs de risque potentiels à l’âge moyen de la vie, avant que les lésions aient commencé à se développer dans le cerveau. Cela dit, peu de grandes études de population ont étudié les relations entre le tabagisme et l’apparition ultérieure d’un Alzheimer.
La plupart des études portant sur le tabac et les démences ont été conduites dans des cohortes de sujets âgés, et avec un suivi relativement court (de 2 à 7 ans).
Les quelques études qui ont évalué le tabagisme à un âge moyen ont été conduites dans des populations relativement homogènes : une, qui s’est focalisée sur le niveau du
tabagisme à l’âge moyen, a trouvé que le risque d’Alzheimer s’accroît avec le niveau du tabagisme ; une autre a trouvé que le tabagisme à un âge moyen est associé à une augmentation du risque de démence et de maladie d’Alzheimer chez les sujets apoE4 ; une autre encore a montré une association non significative entre le tabagisme à un âge moyen de la vie et le risque d’hospitalisation pour démence.
Par ailleurs, le tabagisme et l’Alzheimer varient en fonction de l’ethnie ; certaines études suggèrent que les prévalences de la démence et du tabagisme sont plus élevées dans les populations afro-américaines.
Tout cela montre qu’il faut davantage étudier la relation entre tabagisme et démences.
L’association entre le tabagisme et différents types de démences autres que l’Alzheimer a également été mal étudiée. On sait que le tabac accroît le risque d’AVC ; en conséquence, il pourrait majorer le risque de démence vasculaire. Mais, à ce jour, une seule étude a évalué l’association à long terme entre tabagisme à un âge moyen et démence vasculaire.
Vingt-trois ans plus tard.
C’est dans ce contexte qu’est publiée dans « Archives of Internal Medicine » une nouvelle étude (Minna Rusanen et coll.), dont le but était d’évaluer l’association entre le niveau du tabagisme à un âge moyen et le risque à long terme (deux à trois décennies plus tard) de démences de toutes causes, de maladie d’Alzheimer et de démence vasculaire, cela dans une grande cohorte multiethnique.
Cette étude a porté sur 21 123 des 33 108 personnes ayant participé à l’étude MHC (Multiphasic Health Chekup) entre 1978 et 1985, alors qu’ils étaient âgés de 50 à 60 ans, et qu’ils étaient encore en vie à 1994.
Dans MHC, on demandait aux sujets s’ils étaient fumeurs (ou s’ils avaient déjà fumé) et combien ils fumaient ou avaient fumé (moins de 1/2 paquet, entre 1/2 et 1, entre 1 et 2, plus de 2). Entre le 1er janvier 1994 et le 31 juillet 2008, dans des services de médecine interne, de neurologie ou de neuropsychologie, on a recherché chez ces 21 123 sujets la présence d’une démence, d’une maladie d’Alzheimer ou d’une démence vasculaire.
Au total, au cours d’un suivi moyen de 23 ans, un diagnostic de démence a été porté chez 5 367 personnes (25,4 %), dont 1 136 cas de maladie d’Alzheimer et 416 cas de démence vasculaire.
Les résultats ont été ajustés pour l’âge, le sexe, le niveau d’éducation, l’ethnie, le statut marital, l’HTA, l’hyperlipidémie, l’IMC, le diabète, les maladies cardiaques, l’AVC et la consommation d’alcool. Par rapport aux non-fumeurs, les sujets qui avaient fumé plus de deux paquets par jour ont une élévation du risque de démence (hazard ratio - HR - : 2,14), du risque de maladie d’Alzheimer (HR : 2,57) et du risque de démence vasculaire ( 2,72).
« Ces résultats suggèrent que le cerveau n’est pas indemne des conséquences à long terme d’un tabagisme important », concluent les auteurs.
* Âge moyen : selon les sources, de 35 à 50 ans, de 40 à 60 ans, de 45 à 65 ans (Wikipédia).
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