Les mots du client
- « J’ai de nombreuses selles par jour avec du sang.
- J’ai des palpitations et je suis essoufflée.
- J’ai des raideurs douloureuses le matin. »
Rappel physiopathologique
Les maladies auto-immunes, extrêmement diverses dans leur expression, sont dues à une rupture des mécanismes de tolérance, conduisant à une action pathogène du système immunitaire vis-à-vis de tissus ou organes normaux de l’organisme. Il existe souvent une prédisposition familiale.
Elles semblent frapper plus souvent les femmes, sans que l’on sache précisément pourquoi, et sont souvent la conséquence d’interactions complexes, souvent mal identifiées, entre le patrimoine génétique et l’environnement, comme des virus, d’autres types d’antigènes, notamment alimentaires, voire des facteurs hormonaux, des additifs alimentaires, des résidus de pesticides…
Le « soi » est alors reconnu comme étranger par le système immunitaire en général et très souvent des lymphocytes T en particulier dits « autoréactifs », qui vont proliférer et exercer diverses actions.
Des travaux récents ont suggéré de s’intéresser aussi de très près aux lymphocytes B. En effet, ils sont présents dans l’infiltrat lymphoïde de nombreuses maladies auto-immunes (notamment dans la synoviale des patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde) où ils paraissent jouer un rôle très important et il a été montré que les lymphocytes B peuvent être de bons présentateurs d’autoantigènes et qu’ils sont capables d’activer des lymphocytes T autoréactifs.
La nature des symptômes dépendra bien entendu de la cible des autoanticorps anormalement produits en quantité plus ou moins importante.
On distingue habituellement entre les maladies auto-immunes spécifiques d’organes et les non spécifiques, dites encore systémiques, autrement dit « générales ».
Dans le premier groupe, on peut citer le diabète de type 1, la thyroïdite d’Hashimoto, la maladie de Basedow (plus fréquente cause d’hyperthyroïdie), la maladie de Berger (une pathologie rénale), la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique, la myasthénie, le vitiligo (maladie de l’épiderme caractérisée par l’apparition de taches blanches sur la peau), l’uvéite auto-immune, la rétinite auto-immune, les cytopénies auto-immunes notamment le purpura cytopénique idiopathique, les anémies hémolytiques auto-immunes, la sclérose en plaques, le psoriasis…
Et dans le second, le lupus érythémateux disséminé, la sclérodermie (rigidification de la peau, des muqueuses et des organes), la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite ankylosante, le syndrome de Goujerot-Sjögren (atteinte des glandes exocrines, en particulier des glandes lacrymales et salivaires, avec une bouche sèche et une sécheresse oculaire).
Les questions à l’officine
J’ai suivi plusieurs traitements à base de cortisone et j’ai peur d’avoir plus tard une ostéoporose. Que puis-je faire ?
Un traitement prolongé par voie buccale au-delà d’une certaine dose expose effectivement à un risque augmenté d’ostéoporose des années plus tard. Le seuil est représenté par des prises cumulées sur 3 mois ou plus d’un corticoïde représentant au moins l’équivalent de 7,5 mg/jour. Il peut être très utile de réaliser une ostéodensitométrie pour juger de la situation et, en fonction du résultat, d’engager un traitement antiostéoporotique.
Je me fais soigner un abcès dentaire et je me demande s’il ne faudrait pas arrêter mon traitement par Enbrel
?
En effet, le risque infectieux, dont les conséquences peuvent être redoutables, domine les effets indésirables des anti-TNF alpha en général. D’ailleurs, la mise en route d’un traitement par anti-TNF alpha doit être précédée par un bilan très soigneux à la recherche d’une infection même bénigne, notamment dentaire.
Dans le cas présent, on peut conseiller au patient de surseoir à la prochaine injection dans l’attente de la guérison de son abcès et d’en informer le prescripteur qui décidera du moment de la reprise des injections.
Mon médecin m’a dit que ma fille a peut-être un lupus érythémateux. De quoi s’agit-il ?
Le lupus systémique, dont la cause est inconnue est une maladie touchant essentiellement les femmes : 9 femmes pour 1 homme. Survenant préférentiellement entre 20 et 40 ans, il peut revêtir de multiples aspects. On peut en effet observer des manifestations rhumatologiques, à type d’arthrites, cutanées (érythème, ulcérations buccales, lésions bulleuses, syndrome sec) ainsi que rénales - très fréquentes et précoces (glomérulonéphrite, oedèmes, HTA) - pulmonaires (pleurésie, pneumopathie, fibrose), neuropsychiatriques (épilepsie, accidents vasculaires cérébraux, myélite, méningite, neuropathies)
Les traitements aujourd’hui disponibles permettent d’obtenir des survies très prolongées.
Chez le médecin
Certains signes cliniques, ainsi que l’interrogatoire, sont fortement évocateurs d’une maladie auto-immune.
Pour les maladies spécifiques d’organe une recherche d’anticorps dirigés vers l’organe atteint sera très utile : anti-mitochondrie dans la cirrhose biliaire primitive, anti RoSSA dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, anti-glomérule rénal dans la maladie de Berger, antithyroglobuline ou anti-thryroperoxydase dans la thyroïdite d’Hashimoto.
En ne perdant néanmoins pas de vue que l’utilisation de ceux-ci ne permet pas toujours à elle seule un diagnostic de certitude mais que plusieurs peuvent être mis à contribution : anti-endomysium, antigliadine et anti-transglutaminase dans la maladie cœliaque, par exemple.
On peut aussi en découvrir par hasard, sans signes cliniques ; mais ce genre de découverte implique une surveillance, car la présence de ces anticorps peut être prédictive d’une évolution péjorative à plus ou moins long terme.
L’élévation des protéines de l’inflammation (vitesse de sédimentation, CRP, fibrinogène) est inconstante dans les maladies auto-immunes.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser a priori, l’efficacité clinique des traitements n’est pas obligatoirement liée à la baisse de la concentration en auto-anticorps (par exemple dans la polyarthrite rhumatoïde et les thrombopénies immunologiques). Les auto-anticorps ne disparaissent pas complètement et même chez certains patients, leur taux demeure stable. Cela peut aussi dépendre des thérapeutiques mises en œuvre.
L’exemple de la maladie de Crohn.
Plus de 60 000 personnes seraient atteintes en France d’une maladie de Crohn. Cette affection fait partie, avec la rectocolite hémorragique et les colites microscopiques, des maladies inflammatoires chroniques intestinale ou MICI.
La maladie de Crohn est caractérisée par une stimulation anormale de cellules pro-inflammatoires situées au sein de la muqueuse de l’intestin, avec une production de cytokines, notamment de TNF alpha. Tous les segments de l’intestin peuvent être atteints, mais il s’agit plus souvent de l’iléon, du côlon et de l’anus. Elle peut aussi rester localisée ou s’étendre au fil du temps.
Elle est le plus souvent diagnostiquée entre 20 et 30 ans et peut toucher n’importe quel segment du tube digestif et se traduit par une diarrhée chronique (éventuellement glairosanglante), des douleurs abdominales - accentuées après les repas - des crampes, une fatigue, un faible appétit, une baisse du poids, des douleurs articulaires et une fièvre modérée.
La maladie évolue par poussées, souvent imprévisibles, entrecoupées de phases de rémission clinique plus ou moins longue. La guérison est rare et le risque de cancer colorectal est augmenté. Les complications sont représentées par des ulcérations du tube digestif, des obstructions digestives partielles et des plaies (fistules, fissures, abcès chroniques) au niveau anal, rendant nécessaire des résections chirurgicales. Environ 80 % des patients, à un moment ou à un autre, ont besoin d’une intervention chirurgicale.
Le diagnostic est affirmé par l’endoscopie complétée par des biopsies. Le traitement vise à maîtriser les poussées et à prévenir les rechutes. La prise en charge des poussées utilise les corticoïdes (prednisolone 1 mg/kg/jour), les salicylés, par voie orale ou rectale (sulfasalazine-Salazopyrine, mésalazine-Pentasa, Fivasa et Rowasa), les immunosuppresseurs (azathioprine-Imurel 2 mg/kg/jour, 6-mercaptopurine-Purinethol 1,5 mg/kg/jour, méthotrexate-Methotrexate Bellon et Novatrex 15 à 25 mg par semaine), le budésonide-Entocort (en poussée : 9 mg par jour en une seule prise le matin, en entretien : 6 mg), les anti-TNF alpha (infliximab-Remicade, adalimumab-Humira). Les mêmes produits sont utilisables en entretien à des posologies plus faibles.
Peuvent s’y ajouter des antalgiques, antidiarrhéiques, antispasmodiques, antibiotiques
Un régime sans résidu est souvent conseillé au cours de poussées inflammatoires afin de diminuer la diarrhée. Enfin, l’arrêt d’un éventuel tabagisme est fortement recommandé, car il aggrave les symptômes.
Principaux traitements des maladies auto-immunes
Immunosuppresseurs « classiques »
- Les corticoïdes (prednisone-Cortancyl, prednisolone-Solupred, méthylprednisolone-Solumédrol) exercent une puissante activité immunosuppressive peu spécifique, qui dépend de la posologie.
Effets indésirables : prise de poids, œdèmes, acné (visage, épaules, dos), augmentation de la sensation de faim, hyperglycémie, « décalcification » osseuse, excitation neuropsychique, fonte musculaire, augmentation du risque infectieux, défaut de cicatrisation, insuffisance surrénalienne et gonadique.
- L’azathioprine (Imurel) est un analogue des bases puriques ; c’est aussi un précurseur de la 6-mercaptopurine ou 6-MP (Purinéthol).
Effets indésirables : toxicité médullaire observée surtout entre la 1re et la 3e semaine de traitement, toutes les lignées hématopoïétiques peuvent être atteintes, la leucopénie étant la manifestation la plus habituelle. Sont également possibles une thrombopénie, une atteinte hépatique cholestatique, une alopécie, des troubles intestinaux, des arthrites, dermatites, pancréatites…
- La ciclosporine (A-Neoral et Sandimmun) bloque l’activation des lymphocytes T, en inhibant notamment la transcription de l’interleukine 2. Elle agit peu sur les lymphocytes B.
Son métabolisme hépatique emprunte la voie des cytochromes P 450 (CP 450-3) avec élimination biliaire des métabolites.
Effets indésirables : le principal est représenté par la néphrotoxicité, qui est dose dépendante. Une néphrotoxicité aiguë peut être déclenchée ou aggravée par certains médicaments, comme les anti-inflammatoires. L’apparition d’une HTA est fréquente, directement en rapport avec la néphrotoxicité et la vasoconstriction induites par la ciclosporine.
- Le tacrolimus (Prograf) inhibe l’activation précoce des lymphocytes T à des concentrations 10 à 100 fois plus faibles que la ciclosporine.
Son métabolisme mobilise le même cytochrome P 450.
Effets indésirables : ils sont globalement analogues à ceux de la ciclosporine.
- Le mycophénolate mofétil (CellCept) est un puissant inhibiteur de l’inosine monophosphate déshydrogénase et ainsi de la synthèse des purines, dont dépendent essentiellement les lymphocytes.
Cette molécule inhibe la prolifération lymphocytaire et la production d’immunoglobulines, mais non celle des interleukines 1 et 2.
Effets indésirables : troubles digestifs (douleurs abdominales, diarrhées), leucopénie. En revanche, ce médicament présente l’avantage de n’être ni néphrotoxique, ni hépatotoxique.
- Le méthotrexate (Novatrex et Méthotrexate Bellon), inhibe la synthèse des folates. Les doses utilisées dans les pathologies auto-immunes varient habituellement entre 7,5 et 25 mg par semaine en une prise unique.
Effets indésirables : les plus fréquents sont gastro-intestinaux (nausées, douleurs abdominales) ; citons aussi les stomatites ulcéreuses et une sensation de fatigue le jour de la prise. Il existe aussi un risque potentiel de toxicité hépatique (cytolyse et fibrose).
- Le Léflunomide (Arava) bloque la biosynthèse des pyrimidines, ainsi que la signalisation par le récepteur de l'interleukine-2. La posologie initiale consiste en une dose de charge de 100 mg une fois par jour pendant 3 jours, puis 10 à 20 mg une fois par jour.
Effets indésirables : ils sont essentiellement représentés par une augmentation modérée de la pression artérielle, une leucopénie, des nausées, vomissements, diarrhées, des douleurs abdominales, des aphtes buccaux et une accentuation de la chute naturelle des cheveux.
Les anticorps monoclonaux
- Anti-TNF alpha
L’infliximab (Remicade) s’administre sous forme d’une perfusion en milieu hospitalier (nécessité de maintenir une surveillance pendant au moins 1 ou 2 heures après la perfusion, en raison de la possibilité de réactions aiguës). Dans la polyarthrite rhumatoïde à raison de 3 mg/kg, suivie d’une même dose aux semaines 2 et 6, puis ensuite toutes les 8 semaines. La posologie est de 5 mg/kg (avec la même séquence d’administration) dans la maladie de Crohn, la spondylarthrite ankylosante et le rhumatisme psoriasique.
- L’étanercept (Enbrel) est administré par voie sous-cutanée, à raison par exemple de 25 mg deux fois par semaine ou 50 mg une fois par semaine dans la polyarthrite rhumatoïde, le rhumatisme psoriasique et la spondylarthrite ankylosante. Dans le psoriasis en plaques, celle-ci est de 25 mg deux fois par semaine, posologie pouvant être augmentée, si nécessaire, à 50 mg deux fois par semaine.
- L’adalimumab (Humira) est généralement administré à raison d’une injection sous-cutanée de 40 mg toutes les semaines ou deux semaines. En cas de besoin la première dose (dose d’induction) peut être augmentée à 80 voire 160 mg.
- Anti-interleukine 1
L’anakinra (Kineret) s’utilise à raison d’une injection sous-cutanée quotidienne de 100 mg.
- Anti-CD20
Le rituximab-Mabthera est administré dans la polyarthrite rhumatoïde à raison de deux perfusions intraveineuses de 1 g à deux semaines d’intervalle.
À savoir : tous ces anticorps monoclonaux risquent d’induire des réactions au point d’injection ; le risque d’infection grave doit être toujours présent à l’esprit mais il est rare en pratique si les précautions recommandées sont bien observées.
Autres produits
Citons encore les perfusions d’immunoglobulines, les interférons (sclérose en plaques) et des produits spécifiques de tissus comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens (rhumatismes inflammatoires), des anti-cholinestérasiques comme la pyridostigmine – Mestinon ou la néostigmine-Prostigmine (myasthénie) et le romiplostim premier et tout récent facteur de croissance plaquettaire qui vient d’être mis sur le marché sous le nom de Nplate (purpura thrombopénique) et qui est administré à raison d’une injection sous-cutanée par semaine.
Pharmaco pratique
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Françoise Amouroux
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Pharmaco pratique
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