Les mots du client
« Je ne sais pas si ma fatigue est due à mon cancer ou au traitement.
Je prends toujours un antiémétique la veille de la perfusion.
J’ai entendu dire que la chimiothérapie pouvait abîmer les ongles.
L’extrémité de mes doigts est très douloureuse et je ne peux plus rien tenir
J’ai souvent des saignements de nez.
La chambre implantable me gêne et me fait mal. »
Rappel physiopathologique
Les effets secondaires des médicaments anti-tumoraux sont liés au fait qu’ils sont destinés à détruire les cellules cancéreuses qui se multiplient rapidement. Ces traitements peuvent malheureusement détruire des cellules saines au moment de leur propre prolifération. Plus un type de cellule se multiplie rapidement, plus il sera sensible à la chimiothérapie et constituera le siège d’effets secondaires. C’est ce qui explique que la plupart des événements indésirables concernent les cheveux (kératinocytes), les globules rouges, les globules blancs, les plaquettes ou l’estomac (cellules de la muqueuse gastrique).
La toxicité hématologique correspond à la destruction des cellules souches sanguines situées au sein de la moelle osseuse. Les globules blancs les plus sensibles sont les neutrophiles qui sont nécessaires à la lutte contre l’infection. Une diminution de leur nombre s’appelle une neutropénie. La diminution du nombre de globules rouges et de l’hémoglobine provoque une anémie, elle entraîne principalement une fatigue intense. La diminution du nombre de plaquettes s’appelle une thrombopénie. Les plaquettes étant indispensables à la coagulation, le risque d’hémorragies augmente. Selon le seuil atteint, il peut s’agir d’événements mineurs (ecchymoses, saignements de nez) ou majeurs (au niveau viscéral, méningé…). Lorsque les trois types de cellules sont touchés, on parle d’aplasie médullaire.
Les questions à l’officine
Les effets secondaires sont variables selon les anticancéreux utilisés, les dosages et les personnes. Ils peuvent également varier selon le protocole envisagé. Certains peuvent être limités ou évités grâce à des traitements préventifs ou des conseils pratiques. Néanmoins, s’ils deviennent trop importants le malade doit le signaler aux équipes soignantes, une chimiothérapie doit être « raisonnablement » supportable, il n’y a pas de prix à payer.
Les nausées et vomissements
Ils sont fréquents avec de nombreux médicaments de chimiothérapie. On parle d’effet émétisant. Ils peuvent survenir au moment même de la perfusion, dans les heures qui suivent, mais aussi les jours suivants, même s’il n’y a pas eu de problème le premier jour : on parle alors de vomissements retardés. Il existe une part psychologique importante, parfois des patients ressentent des nausées avant même d’être arrivés au centre de traitement.
Les modifications de la formule sanguine
La diminution du nombre de cellules sanguines débute habituellement une à deux semaines après la chimiothérapie. Elle est habituellement sans traduction clinique, souvent de courte durée, et elle n’est pas remarquée par le patient. Il faut cependant s’assurer que le centre de traitement a bien eu communication des résultats et qu’il n’y a pas de mesures particulières à prendre.
La fatigue
Elle est pratiquement constante au cours de la chimiothérapie. Elle est liée à différentes causes : la maladie elle-même, les effets secondaires des traitements (nausées, vomissements, perte d’appétit, diarrhée, anémie…), l’anxiété et les troubles du sommeil liés aux craintes sur l’évolution de la maladie. Elle est trop souvent minimisée par les médecins et l’entourage.
Les diarrhées
Certains cytotoxiques comme l’irinotécan, le fluoro-uracile, et la capécitabine font partie des anticancéreux pouvant entraîner des diarrhées. L’administration d’un ralentisseur de transit (lopéramide) s’impose après chaque selle liquide. Une bonne réhydratation est primordiale.
La constipation
Elle peut être assez sévère et être amplifiée par l’utilisation d’antalgiques dérivés de la morphine. Le traitement par laxatifs est prescrit en association à des règles hygiénodiététiques simples associant une bonne hydratation (au moins 1,5 litre d’eau par jour) et un apport en fibres suffisant (fruits, légumes, céréales complètes).
L’atteinte des muqueuses (mucite, stomatite…)
Il est possible que des lésions douloureuses, des ulcères apparaissent après environ une semaine de chimiothérapie dans la bouche ou la gorge, ou encore sur les gencives. Une hygiène bucco-dentaire minutieuse et des bains de bouche d’antiseptiques ou de bicarbonate de sodium peuvent aider à calmer l’infection et la douleur. La sécheresse buccale peut être limitée en suçant ou mastiquant des gommes à mâcher, de l’eau gélifiée, des glaçons, en appliquant des compresses humides ou de l’eau en brumisation sur les lèvres. Des pastilles mentholées atténuent le goût métallique désagréable ressenti dans la bouche par certains patients.
La chute des cheveux
Bien que provisoire, c’est un effet secondaire difficile à supporter moralement. La chute des cheveux commence en général 2 à 3 semaines après la première perfusion. Selon le type de médicament ou les doses employées elle est inévitable. Les cheveux commencent à repousser environ 6 à 8 semaines après la fin du traitement. Certains hommes choisissent de rester chauves durant cette période. La perruque est prise en charge en partie par la Sécurité Sociale. Les mutuelles peuvent compléter le remboursement. Les cils, les sourcils et les poils pubiens peuvent également tomber provisoirement.
Sensations d’engourdissement dans les mains ou les pieds
Certains médicaments de chimiothérapie ont un effet toxique sur les nerfs, ils peuvent entraîner des troubles de la sensibilité, appelés paresthésies. Ils se manifestent par des sensations désagréables d’engourdissement, de fourmillement, de picotement (principalement au niveau des membres et de leurs extrémités). Ces symptômes nommés troubles neuropathiques périphériques peuvent être douloureux et handicapants, ils entraînent une gêne fonctionnelle (difficultés à saisir un objet, à marcher). Parmi ces troubles figure le syndrome main-pied qui se manifeste par des rougeurs, un gonflement, une sécheresse ou des cloques au niveau de la paume des mains et de la plante des pieds.
Perte d’appétit
Les nausées et les vomissements, la fatigue peuvent engendrer une perte d’appétit. Les malades se désintéressent de la nourriture et ne mangent plus, même s’ils savent qu’une perte de poids et la malnutrition les rendent plus vulnérables. Continuer de bien s’alimenter pendant et après la chimiothérapie est important pour supporter le traitement et se rétablir après.
Changements du goût et de l’odorat
Certains agents peuvent affecter les papilles gustatives, modifiant ainsi la façon dont le cerveau perçoit le goût des aliments. La viande a souvent un goût amer et les sucreries peuvent avoir un goût désagréable. Même les aliments dont la personne a envie risquent d’avoir mauvais goût. L’odorat peut aussi devenir plus sensible : les odeurs que les autres ne remarquent pas peuvent causer des nausées chez la personne qui reçoit une chimiothérapie.
Réactions cutanées
La plupart des chimiothérapies provoquent des réactions inflammatoires brutales de la peau, et/ou des ongles qui se traduisent par des rougeurs, des démangeaisons, de la sécheresse, une photosensibilité, des éruptions acnéiformes, des crevasses et des fissures, des onycholyses rebelles.
Symptômes pseudo-grippaux
Ils donnent à la personne l’impression d’avoir la grippe : douleurs musculaires et articulaires, maux de tête, fatigue, nausées, fièvre, frissons. Ils durent habituellement de 1 à 3 jours Ces symptômes peuvent aussi être causés par une infection ou par le cancer même.
Effets secondaires immédiats
Ils sont liés à l’administration intraveineuse elle-même. Une aiguille ou un cathéter (chambre implantable) peut causer l’inflammation d’une veine (phlébite). Il est recommandé aux patients de signaler toute brûlure, sensation de froid, douleur, gonflement ou rougeur au point d’injection, ainsi que tout inconfort immédiat ou fièvre au moment ou immédiatement après la perfusion.
Effets secondaires à long terme
Ils se manifestent bien après la fin de la chimiothérapie et peuvent persister le temps que les cellules saines se rétablissent. Les patients peuvent présenter une fatigue persistante, un ralentissement de la vie sexuelle (notamment une impuissance chez les hommes) et une baisse de la fertilité. Pour l’homme, un prélèvement de sperme peut être effectué avant de débuter le traitement. Chez la femme, les cycles menstruels peuvent être altérés et/ou s’interrompre définitivement. Une technique de prélèvement et de conservation de tissu ovarien avant le début des traitements peut préserver une chance de grossesse.
Les examens et les mesures de surveillance
Avant chaque cure de chimiothérapie, des prises de sang (NFS) permettent de vérifier les taux de globules blancs, globules rouges et plaquettes.
- En dessous d’un certain seuil, la séance de chimiothérapie peut être remise à plus tard ou le traitement est adapté. Il est parfois nécessaire de prescrire des facteurs de croissance.
- Un risque d’infection grave est possible en cas de neutropénie. Si de la fièvre (plus de 38,5 °C ou plus de 38 °C pendant plus de six heures) survient pendant le traitement (souvent entre le 8e et le 15e jour) le médecin jugera de la nécessité ou non ou d’un traitement antibiotique. Si la fièvre est accompagnée de frissons, de diarrhées ou de vomissements, il est nécessaire de prévenir le service de soins dans les meilleurs délais.
- Si la thrombopénie est modérée, le médecin se contente de surveiller le nombre de plaquettes. Une transfusion sanguine peut être réalisée en cas de baisse trop importante des globules rouges ou des plaquettes. Lorsque se produit une aplasie médullaire, une hospitalisation est impérative.
- L’atteinte de certains organes (insuffisance rénale, cardiaque) doit être prévenue tout au long des cycles de chimiothérapie. Une surveillance étroite de la fonction rénale passe notamment par la surveillance de l’acidité urinaire (pH), de la quantité d’urine produite en 24 heures (diurèse), et de paramètres sanguins (créatinémie) ou cliniques (œdèmes). Durant toute la période de traitement, l’hydratation du patient doit être suffisante et un traitement diurétique pourra être instauré si nécessaire.
Les traitements
Les traitements antiémétiques
Ils peuvent être administrés en prévention, avant même la première administration, ou dans les heures ou les jours qui suivent. Les antagonistes des récepteurs 5HT3 de la sérotonine, ou sétrons, ont réalisé un progrès majeur dans la prise en charge des vomissements chimio-induits. Plus récent l’aprépitant (Emend) est le premier représentant d’une nouvelle classe : les antagonistes des récepteurs de neurokinine 1 substance P.
Les facteurs de croissance
Les facteurs de croissance érythrocytaires (EPO époétine) combattent l’anémie. Ils stimulent la moelle osseuse qui va reproduire les cellules sanguines plus vite (Aranesp, Eprex, Neorecormon). Ils améliorent la fatigue liée à la chimiothérapie et limitent les besoins transfusionnels. Les facteurs de croissance leucocytaires (Granocyte, Neulasta, Neupogen) ont pour objectif la réduction de la durée des neutropénies et de l’incidence des neutropénies fébriles. Tous ces traitements s’administrent par voie sous-cutanée ou intraveineuse. Ils sont soumis à prescription initiale hospitalière (PIH), ils instaurés et supervisés par un spécialiste en oncologie et/ou en hématologie.
Les produits réfrigérants
Le principe d’action du casque réfrigérant consiste à provoquer une contraction des petits vaisseaux du cuir chevelu sous l’effet du froid, et ainsi diminuer la quantité de médicaments venant au contact des racines des cheveux. Il s’agit d’un casque en matière plastique, sorti du congélateur juste avant le traitement, et placé sur la tête avant, pendant, et après la perfusion. Il faut le changer autant de fois que nécessaire. Des gants ou des chaussons réfrigérants peuvent être proposés pour prévenir la chute ou l’altération des ongles. On peut aussi utiliser un vernis au silicium en l’appliquant la veille ou le jour de la séance de chimiothérapie, il doit être conservé pendant toute la durée du traitement.
Les soins de support
Le patient doit être informé de l’intérêt des thérapies associées conjointement aux traitements oncologiques comme la dermatologie, la podologie, l’homéopathie, les soins bucco-dentaires, la nutrition, ou encore l’esthétique. Elles peuvent l’aider à gérer la toxicité des chimiothérapies et lui permettre de poursuivre l’intégralité de son traitement. Il est possible de trouver en pharmacie des soins de support pour atténuer les désordres cutanés et cutanéo-muqueux
Les apports nutritionnels
Retrouver le plaisir d’apprécier les saveurs des aliments c’est aussi retrouver l’appétit. Le patient a besoin d’être aidé pour réajuster son alimentation à ses nouveaux goûts. Une alimentation tiède et non épicée est recommandée en évitant si possible les mets gras et odorants qui favorisent les nausées. Néanmoins, le patient peut manger ce qu’il veut quand il veut, l’hydratation est également importante. La complémentation nutritionnelle orale (CNO) disponible en pharmacie est remboursée sur prescription. Elle accompagne parfois systématiquement les traitements pour anticiper la perte de poids et la fatigue physique (gammes Clinutren, Fortimel, Fresubin, Renutryl booster…).
Les cures thermales réparatrices
Le patient atteint d’un cancer habite un « corps étranger » dont les transformations lui échappent, tant par l’évolution de la maladie que par les répercussions physiques des traitements. Son corps ne l’abrite plus, ne le protège plus et cette relation peut conduire à un laisser-aller physique, une dépression et une démission. Rétablir le contact physique avec soi-même avec l’aide de spécialistes des soins corporels (massages, drainages lymphatiques et soins esthétiques) est essentiel pour réintégrer son corps et le remettre en mouvement. Le protocole dermatologie post-cancer peut inclure une cure thermale spécifique qui améliore l’état cutané comme le moral (La Roche-Posay La Bourboule, Le Mont-Dore…). Pour la première fois, une étude multicentrique randomisée, menée à la station thermale Avène, a montré l’efficacité et les bénéfices très significatifs de la cure thermale Avène sur les effets indésirables (notamment prurit, sécheresse cutanée) et l’image corporelle liés au cancer du sein.
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Françoise Amouroux
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