EN JUIN 2011, l’AFSSAPS publiait une mise en garde sur l’utilisation hors AMM du baclofène dans le traitement de l’alcoolodépendance. « Le bénéfice du baclofène dans l’alcoolodépendance n’est pas démontré à ce jour et les données de sécurité d’emploi dans cette indication, où les doses utilisées sont le plus souvent supérieures à celles évaluées et autorisées, sont limitées », soulignait l’Agence, alertée par l’augmentation des prescriptions de ce myorelaxant d’action centrale autorisé depuis 1975 dans le traitement des contractures musculaires involontaires. Dans le même temps, l’Agence mettait en place un suivi national de pharmacovigilance renforcé, invitant les professionnels de santé et les patients à déclarer les effets secondaires chez les patients traités par baclofène.
En dépit de cette mise en garde, l’association AUBES, créée en 2008, appelle malades et médecins à se mobiliser « pour étendre la prescription à tous les alcoolodépendants qui souhaitent en bénéficier ». L’association souhaite que les médecins prescrivent le traitement « à titre compassionnel, sans attendre le résultat des essais, ni l’AMM ».
Une arme supplémentaire.
Le Dr Bernard Joussaume, fondateur de l’association, ne décolère pas. « C’est de la non-assistance à personne en danger », soutient-il. L’alcoolisme est une maladie mortelle responsable de 120 décès, directs et indirects, par jour. « Depuis 40 ans que le baclofène existe, aucun accident mortel lié à un surdosage, volontaire ou non, n’a été rapporté dans la littérature nationale et internationale. Ce n’est pas le cas avec l’aspirine », rappelle-t-il. En regard, le bénéfice est, selon lui, indiscutable : « J’ai 35 ans de médecine générale et je n’avais guéri aucun patient. Aujourd’hui, je vois certains patients pleurer en me disant : “Docteur, vous m’avez libéré.” Ils ne boivent plus, même si leur problème n’est pas réglé pour autant. » Le Dr Bernard Joussaume avance le terme de « guérison », parce que, selon lui, les patients sous baclofène sont « guéris de leur alcoolisme » et non pas seulement « abstinents », parce qu’ils ne sont pas obligés « de se faire violence tous les matins pour ne pas boire ». Toutefois, le praticien reste prudent : « Ce n’est pas la panacée. C’est une arme supplémentaire dans la prise en charge globale et pluridisciplinaire des patients. »
C’est en 2008, à la suite de l’appel d’un ami dont le fils souffrait d’alcoolodépendance, qu’il découvre l’ouvrage d’Olivier Ameisen « le Dernier Verre ». « J’étais à la FNAC en décembre 2008 lorsque cet ami m’appelle et me recommande de lire ce livre, que j’achète immédiatement et que je lis dans la nuit », raconte-t-il. Le lendemain, il entre en contact avec l’auteur. « Tout est parti de ce type qui à eu le courage de s’administrer du baclofène à hautes doses », poursuit le médecin. L’association naîtra peu après leur rencontre. Olivier Ameisen en fera partie avant de prendre ses distances. « Il s’est retiré pour garder sa liberté. Mais depuis janvier 2010, nous avons pu organiser trois congrès, dont le dernier à Biarritz il y a 15 jours », indique le Dr Joussaume. L’association bénéficie de dons collectés par Internet et des fonds accordés « par un généreux donateur français ». Son forum consacré aux malades reçoit 3 000 visites par jour. En septembre 2011, un espace de discussion et d’information réservé aux professionnels de santé a été ouvert pour faciliter les échanges d’expérience quant à la prescription de baclofène.
Former à la prescription.
L’association souhaite aujourd’hui aller plus loin. « Au début, nous étions 3 prescripteurs en France, le Dr Renaud de Beaurepaire (chef de service en psychiatrie à l’hôpital Paul-Guiraud de Villejuif), le Dr Joussaume et moi », indique le Pr Philippe Jaury, professeur associé de médecine générale à l’université Paris-Descartes. « Nous nous sommes formés sur le tas. Avec le recul de quelques milliers de patients aujourd’hui sous baclofène, nous pouvons aujourd’hui aider les autres médecins à se former », explique-t-il. Pour cela, l’association va mettre en place un réseau national et un collège de médecins afin d’assurer des formations.
La prescription du baclofène reste complexe du fait des effets secondaires. « Les médecins doivent être formés », insiste le Pr Jaury, qui compte environ 200 patients sous baclofène. Le rapport bénéfice/ risque semble favorable au baclofène : « Cela fait 30 ans que je vois des patients qui ont des problèmes d’alcool. Là, les résultats sont exceptionnels », poursuit-il. Une étude réalisée dans le cadre d’une thèse* qu’il a dirigée montre que, chez 132 patients traités par baclofène et suivis pendant un an en ambulatoire, 80 % des patients arrivent, un an après la mise sous baclofène, soit à être abstinents, soit à consommer de l’alcool à des doses acceptables selon l’OMS. Le Pr Jaury ne parle pas de guérison : « Si on considère la guérison comme le fait de ne pas boire, alors certains patients sont guéris. Si la guérison est d’être indépendant et de ne plus avoir besoin du médicament, alors ils ne sont pas guéris. »
L’alcoolodépendance est une maladie chronique, comme le diabète ou l’hypertension artérielle. La France compte 2 millions d’alcooliques. Aujourd’hui, de 20 000 à 30 000 patients seraient sous baclofène et 100 à 200 médecins prescrivent ce produit.
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