La problématique des perturbateurs endocriniens (PE) est plus complexe qu'il n'y paraît. Ces substances issues de l'industrie chimique mettent la communauté scientifique face à un nouveau défi : celui de penser différemment le concept de toxicité.
« En général, plus on est exposé à une substance, plus le risque toxique augmente. C'est le cas des polluants en général. Or, avec les PE, cette relation ne s'applique pas. Elle suit plutôt une courbe en U, d'où la difficulté à définir un seuil de toxicité », commente le Pr Virginie Migeot, chef du service de santé publique au CHU de Poitiers et directrice d'un projet de recherche INSERM sur les PE. Autre particularité troublante, l'impact des PE varie en fonction de la période d'exposition au cours de la vie. « Il existe une période pour laquelle l'impact sur la santé est le plus important. Cette fenêtre de vulnérabilité correspond aux mille premiers jours de vie, de la conception jusqu'à environ 2 ans. » Les PE sont également caractérisés par un possible effet différé et transgénérationnel, comme on l'a observé avec le médicament Distilbène. « Nous sommes arrivés à une crise scientifique ; les PE nous obligent à remettre en question le paradigme effet-dose croissante », explique le Pr Sylvie Rabouan, professeur de chimie analytique à la faculté de pharmacie de Poitiers et membre de l'équipe HEDEX. « L'objectif est de trouver une solution, un consensus sur lequel appuyer les décisions et la législation en matière de PE. »
Réapprendre à vivre dans un environnement plus sain.
En attendant la résolution de cette crise, comment prendre en compte des dangers associés aux PE ? Plus de 800 substances sont identifiées comme tels, dont les plus connus sont le bisphénol A, les parabens ou des insecticides. Pour Virginie Migeot, il s'agit avant tout de penser la santé de façon plus globale et positive. Elle préconise la sobriété dans la vie quotidienne : « A-t-on besoin de disposer de 6 produits d'entretien différents ou de 10 crèmes ou produits cosmétiques ? Limiter le besoin permet de limiter la production. »
L'objectif n'est pas de tomber dans une obsession de la toxicité, mais d'adopter une stratégie simple, de rester raisonnable en éliminant le surplus. Cela se traduit par un engagement à tous les niveaux, politique, sanitaire et individuel. En pharmacie, cela peut se traduire par une sensibilisation aux formulations des produits susceptibles de contenir des PE.
Sensibiliser les professionnels de santé à la santé environnementale.
À l'officine ou au cabinet médical, cela implique d'intégrer la notion de santé environnementale. Pour faire évoluer le discours des professionnels de santé dans ce sens, les étudiants en première année d'études médicales de Poitiers apprennent à prendre en compte les déterminants environnementaux dans la santé et la maladie. « Les futures générations de professionnels de santé doivent comprendre l'importance d'interroger les patients sur leur environnement de vie, qu'il s'agisse de l'habitat, de l'environnement professionnel ou social », commente Virginie Migeot. Et si la santé environnementale reste optionnelle en troisième année de pharmacie, on assiste à une prise de conscience dont se réjouit Sylvie Rabouan : « Le ministère de l'Enseignement a demandé d'intégrer l'enseignement de santé environnementale. »
Pour les professionnels de santé en exercice, un DU (diplôme universitaire) pourrait voir le jour à la rentrée prochaine (2018) en région Nouvelle-Aquitaine. C'est en tout cas une demande de l'ARS. « Les médecins généralistes et les pharmaciens sont de plus en plus nombreux à s'intéresser à la santé environnementale. Cette formation pourra les aider à répondre avec discernement à leurs patients », conclut Virginie Migeot.
D'après une conférence organisée par le Comité 79 de la Ligue contre le cancer à Niort.
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