« CETTE ÉTUDE est un formidable exemple de la manière dont l’élucidation du mécanisme moléculaire d’une phytothérapie traditionnelle peut conduire à la fois à de nouveaux éclairages sur la régulation physiologique et à de nouvelles approches pour le traitement des maladies », souligne dans un communiqué le Dr Tracy Keller (Harvard School of Dental Medicine, Boston), première signataire de l’étude.
« L’halofuginone prévient la réponse auto-immune sans affaiblir l’immunité globale. Ce composé pourrait conduire à de nouvelles approches thérapeutiques concernant une variété de maladies auto-immunes », ajoute le Pr Malcolm Whitman (Harvard School of Dental Medicine, Boston), qui a dirigé ce travail.
Les Th17, de « mauvais acteurs ».
Durant les deux mille ans d’utilisation thérapeutique de la fébrifugine, son mécanisme d’action moléculaire était resté inconnu. L’halofuginone, un dérivé de la fébrifugine synthétisé il y a plus de quarante ans et mieux toléré, a reçu récemment une certaine attention pour son potentiel thérapeutique dans le cancer, la fibrose et des maladies auto-immunes inflammatoires.
En 2009, l’équipe du Pr Whitman rapportait que l’halofuginone (HF) inhibe la différenciation des cellules Th17 pro-inflammatoires, à travers l’activation d’une voie récemment découverte, la voie de réponse à une carence en acide aminé (AAR).
Les cellules Th17, reconnues seulement depuis 2006, sont de mauvais « acteurs » qui ont été impliqués dans de nombreuses maladies auto-immunes comme la maladie inflammatoire intestinale, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques et le psoriasis.
L’équipe avait découvert qu’une faible dose d’halofuginone réduisait la sclérose en plaques dans un modèle murin, offrant ainsi un nouveau médicament inhibant sélectivement la pathologie auto-immune sans déprimer globalement le système immunitaire. L’analyse montrait que l’halofuginone active des gènes de la voie de réponse aux acides aminés (AAR). Cette voie AAR, qui détecte une carence en acide aminé, joue un rôle dans la régulation immune et le signal métabolique. Elle allonge également la durée de vie et retarde les maladies inflammatoires liées à l’âge, selon les études animales de restriction calorique.
La voie de la réponse aux acides aminés.
La voie AAR est une forme de mécanisme protecteur, signalant aux cellules qu’elles ont besoin de préserver leurs ressources lorsqu’il existe une carence en acide aminé pour fabriquer les protéines ; cette voie bloque ainsi les signaux favorisant l’inflammation car les tissus enflammés requièrent de grandes quantités de protéines.
Il restait à savoir comment l’halofuginone et les autres dérivés de la fébrifugine activent la voie AAR.
Keller, Whitman et coll. ont maintenant découvert que l’halofuginone active la voie AAR en inhibant l’activité prolyl-ARNt synthétase d’une enzyme (glutamyl-prolyl-ARNt synthétase ou EPRS), qui est responsable de l’incorporation de la proline dans les protéines.
Un apport exogène en proline dans les cellules in vitro inverse les effets biologiques de l’halofuginone (sur l’activation de la voie AAR, l’inhibition de la différenciation des cellules Th17, les effets antifibrotiques, et l’inhibition de la croissance de P. falciparum dans les globules rouges), ce qui montre que l’inhibition de l’EPRS sous-tend les activités biologiques de cette famille de dérivés de la fébrifugine.
En revanche, une supplémentation en un autre acide aminé dans les cellules ne modifie pas l’activité de l’halofuginone (HF).
Ainsi, selon les chercheurs, le traitement par halofuginone simule une privation cellulaire en proline, ce qui active la voie AAR et déclenche une régulation immune.
« Notre nouvelle compréhension du mécanisme d’action moléculaire de la fébrifugine et de ses dérivés, combinée à la capacité de ces composés d’inhiber la différenciation des cellules Th17 in vivo, ouvre la voie à la conception d’une nouvelle famille de composés thérapeutiques aux propriétés pharmacologiques améliorées, afin de traiter une variété de maladies, comme la SEP, la sclérodermie et la polyarthrite rhumatoïde », concluent les chercheurs.
Keller et coll. Nature Chemical Biology, 12 février 2012.
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