1 • Quelles sont les règles de base de la prescription des antibiotiques ?
Les deux objectifs visés concernent la guérison du patient et la minimisation du risque de survenue de résistances. La prescription d’une antibiothérapie lors d’une suspicion ou d’une infection avérée doit tenir compte du site de l’infection, du germe supposé et de sa sensibilité présumée, des signes de gravité, du mode d’administration et des contre-indications. On peut y ajouter l’âge physiologique du patient.
Bien entendu, cela inclut également une posologie adaptée (attention au sous-dosage) et le respect de la durée d’administration, en évitant tout arrêt prématuré non motivé.
2 • Quelle est la place de l’antibiothérapie dans les infections bronchopulmonaires de l’adulte ?
Ces pathologies regroupent essentiellement les bronchites (atteintes infectieuses des bronches, de la trachée, voire des bronchioles), les pneumopathies aiguës (atteintes des alvéoles pulmonaires, le plus souvent localisées), les suppurations pulmonaires et les autres infections respiratoires basses (pleurésies purulentes…). Parmi les bronchites, il est habituel de distinguer entre les bronchites aiguës survenant sur des bronches indemnes de maladie chronique (cas extrêmement fréquent, le plus souvent virales et d’évolution bénigne) et les exacerbations de bronchopathies chroniques (BPCO).
Le choix d’une antibiothérapie, ou non, dépend en premier lieu du type d’infection.
Dans les bronchites aiguës, une cause virale signe une évolution presque toujours bénigne et une antibiothérapie n’est pas justifiée. Seule la décompensation d’une comorbidité associée ou la persistance d’une expectoration purulente au-delà du 7e jour peut faire discuter un traitement antibiotique.
Dans les exacerbations aiguës de BPCO, le risque évolutif est variable, la cause pouvant être virale, bactérienne ou non infectieuse.
En cas d’exacerbation de bronchite chronique simple, l’antibiothérapie n’est pas recommandée en 1re intention (même en présence de fièvre) ; elle n’est recommandée qu’en cas de persistance de la fièvre au-delà du 3e jour. En cas d’exacerbation de BPCO (dyspnée d’effort et/ou VEMS entre 35 et 80 % hors épisode d’exacerbation), en 1re intention, l’antibiothérapie n’est recommandée qu’en présence d’une augmentation de la purulence de l’expectoration et/ou de l’apparition ou de l’augmentation d’une dyspnée.
3•Et des infections respiratoires hautes de l’adulte et de l’enfant ?
Il s’agit des angines, sinusites aiguës, rhinopharyngites aiguës et otites moyennes purulentes.
Angines à streptocoque du groupe A : la plupart des angines sont d’origine virale. Le streptocoque bêtahémolytique du groupe A (SGA), est la 1re bactérie en cause : 10 à 25 % des angines de l’adulte et 25 à 40 % des angines de l’enfant (pic maximal d’incidence entre 4 et 15 ans). Un test de diagnostic rapide (TDR) ne demande que 5 minutes. Chez l’adulte, l’indication de l’antibiothérapie peut être guidée par la détermination du score clinique de Mac-Isaac. L’évolution d’une angine à SGA est le plus souvent favorable en 3 – 4 jours (même en l’absence d’un traitement antibiotique), mais une antibiothérapie (amoxicilline pendant 6 jours en 1re intention) prévient les complications potentielles : rhumatisme articulaire aigu, glomérulonéphrite aiguë, complications septiques loco-régionales.
Otites moyennes aiguës purulentes : les germes le plus souvent impliqués sont Haemophilus influenza et Streptococcus pneumoniae. L’antibiothérapie d’emblée (amoxicilline, amoxicilline – acide clavulanique, cefpodoxime, céfuroxime axétil, céfotiam, pristinamycine, triméthoprime-sulfaméthoxazole, lévofloxacine…) est recommandée chez l’enfant en-dessous de 2 ans ou au-delà de 2 ans ainsi que chez l’adulte en cas de symptômes intenses.
Rhinopharyngites aiguës : elles sont le plus souvent d’origine virale. L’aspect purulent ou mucopurulent des sécrétions nasales n’est pas un signe absolu de surinfection bactérienne et ne justifie pas à lui seul une antibiothérapie. Il faut savoir qu’en cas de rhinopharyngite infantile, l’antibiothérapie ne prévient pas la survenue éventuelle d’une sinusite ultérieure.
Sinusites aiguës : un diagnostic incertain n’indique pas une antibiothérapie d’emblée ; indiquée en revanche en cas de persistance/aggravation des signes en dépit d’un traitement symptomatique. Les sinusites aiguës maxillaires purulentes (les formes non purulentes, très fréquentes sont généralement d’origine virale et guérissent en quelques jours) sont une indication d’une antibiothérapie. Il en est de même des sinusites frontales et d’une manière générale des sinusites dites compliquées (syndrome méningé, exophtalmie, œdème palpébral, troubles de la motilité oculaire, douleurs insomniantes). Chez l’enfant, une antibiothérapie d’emblée est indiquée dans les formes aiguës sévères de sinusite maxillaire ou frontale évoquant une sinusite purulente ou un tableau de rhinopharyngite se prolongeant au-delà de 10 jours sans signe d’amélioration ou se réaggravant secondairement. Pour les enfants sans facteurs de risque (asthme, cardiopathie, drépanocytose), deux attitudes sont possibles : antibiothérapie d’emblée ou surveillance sous traitement symptomatique et réévaluation à 3 – 4 jours.
4 • Quand l’antibiothérapie est-elle indiquée au cours d’une grippe ?
Les surinfections bactériennes sont essentiellement causées par le pneumocoque, les staphylocoques dorés et Haemophilus spp, à l’origine de pneumonies, sinusites aiguës ou otites moyennes aiguës.
Seules ces complications justifient une antibiothérapie. Elles doivent être évoquées si la fièvre se prolonge au-delà de 4 jours (ou réapparaît après une amélioration), si le patient appartient à un groupe à risque ou en cas de signes de gravité.
5 • L’antibiothérapie présente-elle des particularités chez les personnes âgées ?
Il faut d’abord rappeler que les infections sont plus fréquentes et plus graves chez les patients âgés, non seulement en raison de leur âge, du vieillissement des organes et de l’immunosénescence, mais aussi des fragilités comme les troubles nutritionnels, les comorbidités, la polymédication et la vie en institution.
La prescription d’une antibiothérapie chez de tels sujets dépend non seulement de critères classiques, mais aussi de critères plus spécifiques, comme les comorbidités, le risque d’interactions médicamenteuses, de modifications pharmacocinétiques (insuffisance rénale, dénutrition) et pharmacodynamiques liées au vieillissement, le lieu de vie et l’observance.
En pratique, l’élimination des antibiotiques étant majoritairement rénale - la diminution du métabolisme hépatique interfèrant peu -, il convient donc de calculer la clairance à la créatinine à fin d’adaptation posologique.
À noter également que la forte prévalence de la dénutrition en gériatrie entraîne une modification de la fixation protéique, ce qui peut, le cas échéant, augmenter la fraction libre de certains antibiotiques ; la modification de la répartition masse maigre/masse grasse avec l’âge exposant, quant à elle, à un risque de toxicité de certains produits.
Attention aussi aux interactions médicamenteuses, notamment vis-à-vis des anti-vitamine K ; la quasi-totalité des antibiotiques peuvent induire une variation de l’INR, souvent à la hausse, ce qui implique une surveillance accrue.
Enfin, la vigilance s’impose également au regard des effets indésirables : chez les personnes âgées, on observe davantage de manifestations allergiques aux sulfamides et bêtalactamines, un risque accru d’ototoxicité et de néphrotoxicité sous aminosides et glycopeptides, de syndromes confusionnels sous fluoroquinolones à forte dose et de troubles digestifs (surtout à type de diarrhée) sous bêtalactamines.
6 • Que faut-il penser devant une diarrhée survenant au cours d’une antibiothérapie ?
Lors d’un traitement antibiotique d’au moins 3 à 5 jours, la flore intestinale est modifiée et amputée très notablement, avec un retour à la composition antérieure pouvant demander plusieurs mois.
La diarrhée présumée « fonctionnelle » de l’antibiothérapie consiste en troubles mineurs allant de la simple modification de consistance des selles (plus molles que d’habitude) à une diarrhée modérée (3 à 4 selles très molles à liquides par jour). Elle peut être prévenue par la prise d’Ultra-levure (Saccharomyces boulardii).
Il en va tout autrement de l’implantation de Clostridium difficile, une bactérie à Gram positif anaérobie (très répandue dans l’environnement), dont certaines souches secrètent des toxines (et sont donc pathogènes) à l’origine de conséquences graves sur le fonctionnement des entérocytes. Le spectre clinique des infections symptomatiques à C. difficile va de la diarrhée bénigne sans colite aux colites fulminantes mortelles. La diarrhée dite « simple », consiste en une diarrhée fécale modérée, sans fièvre ou avec une fièvre modérée, régressive en 24 à 48 heures à l’arrêt de l’antibiothérapie, ou si ce n’est pas le cas après 24 à 48 heures de métronidazole. La colite pseudo-membraneuse se traduit par une diarrhée abondante (plus de 5 selles par jour), non hémorragique, associée à une fièvre et des douleurs abdominales. Le métronidazole est habituellement efficace en 24 à 48 heures. Enfin, les formes sévères de colite se traduisent par un ou plusieurs des éléments suivants : ascite (conséquence d’une hypo-albuminémie majeure), ulcères profonds, dilatation colique (mégacôlon), perforation colique. La prise en charge comprend : métronidazole, vancomycine, immunoglobulines, voire colectomie subtotale.
Attention aux diarrhées « retardées » survenant 6 à 8 semaines après l’arrêt de l’antibiothérapie.
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