Un peu de physiopathologie
La toux est un mécanisme déterminé par l’irritation des zones tussigènes (muqueuses, trachéale ou bronchique). Le centre de la toux est localisé dans le bulbe rachidien. Au cours de la toux se succèdent :
- Une inspiration profonde, rapide souvent inaperçue ;
- Une fermeture de l’épiglotte et de la glotte qui emmagasinent l’air et le mettent sous pression ;
- Une contraction puissante des muscles expiratoires (abdominaux et intercostaux) ;
- Une expiration forcée et explosive avec ouverture de la glotte et de l’épiglotte et projection de l’air à très grande vitesse.
Le cycle recommence avec une nouvelle inspiration. Quand les secousses se succèdent on parle de quintes.
Le mécanisme de la toux est commandé par un arc réflexe dans lequel intervient une voie afférente constituée par les récepteurs d’irritation présents dans la sphère ORL, la trachée, les grosses bronches, le diaphragme. La stimulation de l’œsophage distal et du conduit auditif externe peut aussi engendrer une toux réflexe via des afférences vagales. Le signal est transmis au centre de la toux et/ou au cortex cérébral.
Les mots du conseil
Quelles précautions doit prendre le pharmacien avant de délivrer un conseil ?
La toux a de multiples étiologies, les plus fréquentes sont bénignes mais un interrogatoire précis de la part du pharmacien permet de vérifier l’absence de signes de gravité. Il porte essentiellement sur :
- Le patient : âge, risques professionnels, traitements en cours (IEC/inhibiteurs de l’enzyme de conversion, bêtabloquants, aérosols de corticoïdes), antécédents familiaux ;
- Le terrain et les facteurs de risque (antécédents pulmonaires, allergie, tabac) ;
- La durée et l’ancienneté de la toux : moins de trois semaines (toux aiguë), entre trois et huit semaines (toux subaiguë), plus de huit semaines (toux chronique) ;
- Les caractéristiques de la toux : productivité, rythme, facteurs déclenchants ou favorisants (efforts, position allongée) ;
- Les causes de la toux : irritation, allergie, reflux gastro-œsophagien (RGO), asthme, infection, coqueluche, tuberculose ;
- Les facteurs environnementaux : épidémie, pollens, collectivité ;
- Les symptômes associés : fièvre, rhinorrhée, éternuements, maux de tête, douleurs des sinus, expectoration.
Quelles sont les limites du conseil ?
Une toux ne relève pas toujours d’un antitussif ou d’un mucolytique. D’une manière générale, l’utilisation d’un antitussif implique d’avoir identifié au préalable et sans ambiguïté l’origine de la toux. Le pharmacien va prendre en considération un contexte évocateur (épidémie, rhinopharyngite…) et se limiter à une toux débutante sans signe de gravité. Le traitement ne doit pas excéder cinq jours. Certaines circonstances sont des motifs de consultation :
- Modification de la voix ;
- Amaigrissement ;
- Fièvre supérieure à 38 °C et persistante ;
- Toux persistant plus de trois semaines ;
- Déclenchement à l’effort ;
- Douleur thoracique ;
- Expectoration purulente ou sanglante ;
- Apparition brutale.
Quelles sont les pathologies associées à une toux chronique et persistante ?
Toute toux chronique est anormale par principe et elle doit alarmer car elle peut représenter un signe d’appel de nombreuses pathologies. En fonction de la cause elle se manifeste de manière isolée, permanente, ou par crises à un moment de la journée :
- La coqueluche est caractérisée par des épisodes (quintes) de toux sèche et épuisante pouvant se prolonger plusieurs semaines ;
- Les cancers bronchopulmonaires, les tumeurs ORL du pharynx, la tuberculose sont souvent associés à une toux persistante ;
- Le reflux gastro-œsophagien provoque une toux typiquement nocturne pouvant évoquer un asthme, alors que celle de la BPCO (broncho-pneumopathie chronique obstructive) est matinale ;
- Les toux iatrogènes, le syndrome du larynx irritable et la dysfonction des cordes vocales persistent aussi dans le temps ;
- La toux provoquée par les IEC est à la fois diurne et nocturne, souvent insomniante, résistant à tout traitement antitussif ;
- Quant aux toux « psychogènes », elles disparaissent la nuit et sont volontiers aggravées par le stress, elles ne relèvent pas d’un antitussif.
La tonalité de la toux peut aussi donner des indications sur son origine :
- Rauque en cas de laryngite ;
- Sifflante en cas de bronchite ;
- Sèche en cas de bronchite, laryngite, rhinopharyngite, trachéite.
Quelles attitudes adopter ?
« J’ai eu une rhinopharyngite et je tousse depuis quinze jours, cette toux persistante et irritante me fatigue beaucoup ».
La durée d’une toux après un épisode infectieux est variable : de cinq à dix jours jusqu’à deux à trois semaines. On peut conseiller un antitussif type opiacé ou antihistaminique. Parallèlement, on peut agir sur les symptômes associés : mouchage, gouttes nasales, inhalations et pastilles adoucissantes pour calmer l’irritation. La reprise de la toux après une infection peut signer une surinfection et nécessiter une consultation.
« J’ai des quintes de toux qui m’empêchent de m’endormir ».
Quand la toux perturbe le sommeil, on peut donner en dépannage et uniquement au coucher, un antitussif type antihistaminique anti-irritant, doté en plus de propriétés sédatives. Dans la journée, des pastilles antiseptiques et anesthésiques calmeront le mal de gorge. L’association d’un mucomodificateur et d’un antitussif est illogique, néanmoins il est possible, pour une très courte période, de continuer le mucomodificateur dans la journée et de prendre un antitussif le soir pour passer une nuit correcte. Si la toux persiste plus de cinq jours, il faut consulter.
« Je suis enceinte de deux mois et je voudrais un sirop qui stoppe ma toux sèche. »
Le premier trimestre de la grossesse n’autorise pas la consommation aveugle d’antitussifs et de nombreux traitements allopathiques sont contre-indiqués tout au long de la grossesse. L’homéopathie apparaît alors comme un recours à ne pas négliger. Outre les spécialités (sirops Stodal, Drosetux, gouttes Pertudoron, comprimés Homéogène 12…), des souches spécifiques sont à conseiller : granules de Bryonia 9CH, de Droséra 15CH. Si une fièvre est associée il faut consulter.
« Je suis enrhumé et je tousse sec. »
Il est probable que l’écoulement causé par le rhume soit à l’origine de la toux. Conseiller un lavage nasal avec un soluté adapté et des pastilles au miel adoucissantes. Choisir un sirop antitussif contenant un seul principe actif pour ne pas additionner les effets indésirables avec ceux du traitement du rhume.
« Je n’ai plus de glaires, mais maintenant j’ai une toux d’irritation. »
Une toux sèche peut succéder à une toux grasse. Cette évolution entre les deux types de toux définit un état intermédiaire qualifié de toux mixte dont la prise en charge est plus délicate. En premier lieu, il convient d’arrêter le fluidifiant ou le mucolytique et de prendre le relais avec un sirop pour toux sèche.
« Mon père âgé de 83 ans a des quintes de toux, il prend beaucoup de médicaments et je ne sais pas quel sirop lui donner. »
Les personnes âgées étant souvent polymédiquées, beaucoup de molécules sont déconseillées car leurs effets secondaires se surajoutent à ceux des autres médicaments : les dérivés opiacés entraînent sédation et constipation, les antitussifs antihistaminiques anticholinergiques occasionnent vertige, hypotension, sécheresse buccale, confusion. L’avis du médecin traitant est préférable.
« Je suis asthmatique. »
Cette pathologie se caractérise par une hyperréactivité bronchique associée à un spasme de la musculature lisse qui entraîne une bronchoconstriction. Les opiacés, excepté le dextrométhorphane, provoquent une dépression des centres respiratoires (surtout la codéine) et sont contre-indiqués dans l’asthme. En cas de toux, l’asthmatique ne doit pas se soigner lui-même mais prendre l’avis de son médecin.
« Mon enfant de deux ans a du mal à respirer, il tousse et perd l’appétit mais il n’a pas de fièvre. »
En hiver, les causes de toux aiguë les plus fréquentes chez le jeune enfant sont les infections virales des voies respiratoires : rhinopharyngite, bronchite, bronchiolite… N’administrer aucun antitussif avant l’âge de 30 mois semble l’option la plus raisonnable. Seule une toux sèche et fatigante engendrant des troubles du comportement peut justifier leur utilisation sur prescription médicale. Penser à hydrater l’enfant pour compenser la perte d’appétit, et laver son nez régulièrement avec du sérum physiologique ou de l’eau de mer.
Les produits conseils
Les sirops antitussifs : lequel choisir et quelles précautions prendre ?
Si la toux productive doit absolument être respectée, la toux sèche, fatigante et gênante, peut être traitée de façon symptomatique par des antitussifs. Des précautions d’emploi s’imposent et les conseils du pharmacien sont indispensables.
- Les antitussifs opiacés morphiniques, dépresseurs respiratoires type codéine, codéthyline, pholcodine, ont des effets indésirables non seulement sur les centres respiratoires mais aussi sur le plan digestif (nausées, constipation). Ils ne sont pas conseillés en cas de problèmes respiratoires, de grossesse et d’allaitement, et ils sont contre-indiqués en dessous de 30 mois. Attention aux associations (autres morphiniques et dépresseurs du système nerveux central). En cas d’inefficacité, il est inutile d’augmenter les doses.
- Les antitussifs opiacés type dextrométhorphane (Dexir, Nodex, Tussidane…) ont, par rapport à la classe précédente, moins d’effets dépresseurs respiratoires et digestifs aux doses habituelles, et ils ne provoquent pas d’accoutumance mais les précautions d’emploi sont identiques.
- Les antitussifs antihistaminiques (pimétixène prométhazine, chlorphénamine, alimémazine, oxomémazine) présentent également des propriétés sédatives à type de somnolence, et anticholinergiques (risque de glaucome et de rétention urinaire, troubles de l’accommodation, constipation, sécheresse buccale et épaississement des sécrétions). Attention aux associations (substances morphiniques, alcool, autres dépresseurs du système nerveux central).
La prudence s’impose chez la personne âgée et le nourrisson.
- Les antitussifs non opiacés non antihistaminiques (pentoxyvérine et oxéladine) ont des propriétés anesthésiques et spasmolytiques locales mais ils ont des contre-indications et des précautions d’emploi similaires à celles des antitussifs opiacés.
Les solutions naturelles : des plantes et du miel.
Absorbées sous formes liquides (tisanes, sirops ou extraits fluides en gouttes) ou d’extraits secs ou poudres micronisées (gélules, capsules), les plantes sont une bonne alternative pour calmer l’inflammation et les irritations des voies respiratoires.
- Les plantes à mucilages, émollientes, ont une action apaisante (mauve, guimauve, bouillon-blanc, coquelicot, lierre commun, plantain).
- Les plantes balsamiques ont une action protectrice (pin sylvestre, thym, eucalyptus ou lavande).
- Les plantes antispasmodiques (thym, serpolet, origan) sont particulièrement indiquées dans les toux quinteuses.
- Les plantes à tanins sont antiseptiques (noisetier, ronce).
- Mention spéciale pour le miel : grâce à ses propriétés bactéricides et antibiotiques, il est approprié pour certaines affections ORL (laryngites, toux) sous forme de sirops, de pastilles ou de bonbons à sucer. On peut le diluer dans une tisane juste bonne à boire (chauffé au-delà de 40 °C, il perd ses propriétés thérapeutiques : les enzymes et les vitamines sont détruites). Le miel de tilleul de saveur spéciale favorise le sommeil et prévient les spasmes, il est idéal avec une infusion le soir.
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Françoise Amouroux
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