TROIS ANS sont passés déjà, depuis que le processus de déremboursement des veinotoniques a été enclenché. C'était en février 2006. D'abord, leur vignette est passée du bleu à l'orange et la prise en charge par l'Assurance-maladie de 35 à 15 %. Une période transitoire, qui se voulait salutaire, instaurée jusqu'en 2008. Dès lors, de nombreuses mutuelles ne veulent plus assurer le remboursement de la partie complémentaire. Le marché passe de plus de 90 millions d'unités vendues en 2005 à 80 millions l'année suivante*. En 2007, il ne représente plus que 70 millions d'unités vendues. Puis le déremboursement pur et simple intervient au 1er janvier 2008. Un bilan réalisé à l'été montre que l'érosion du marché s'est accentuée (60 millions d'unités annuelles vendues).
Au bout du compte, à la fin de l'année 2008, les achats de veinotoniques en pharmacie sont passés sous la barre des 50 millions d'unités. En trois ans, ces médicaments auront donc perdu près de la moitié de leurs volumes de vente. Un recul conforme à celui communément observé pour toutes les classes déremboursées. Mais qu'il faut relativiser en considérant l'arrivée, l'an dernier, de plus grands conditionnements. Et pour ne pas céder complètement au pessimisme, des éléments extérieurs doivent être pris en compte. D'abord, on ne peut pas dire que les conditions climatiques des étés 2007 et 2008 auront été propices à la dilatation veineuse. Il y a aussi le contexte de crise économique, qui signe un ralentissement de la consommation médicamenteuse. Les veinotoniques sont davantage pris en cure, lorsque le besoin s'en fait sentir, qu'au long cours. Ce qui renforce l'effet saisonnier sur les ventes. D'autres facteurs sont prompts à rassurer les acteurs du marché. Selon ces derniers, le discrédit jeté sur la classe après son déremboursement n'a pas vraiment perduré. En dépit de prévisions alarmistes, les médecins n'ont pas tourné le dos aux veinotoniques. Le recours à l'alternative remboursée (et pas forcément judicieuse) des anti-inflammatoires n'a pas eu lieu. Et le report massif sur les articles de compression n'est pas flagrant.
Cibler sa communication.
Aujourd'hui, les deux tiers des boîtes de veinotoniques sont encore vendues sur présentation d'une ordonnance. Mais le poids de la prescription va se réduire, ces produits constituant de plus en plus un marché d'automédication. De nombreux patients, anciens et nouveaux consommateurs, achètent directement leur veinotonique, sans repasser au cabinet médical. Ce sont des personnes qui ressentent l'action bénéfique du traitement. Ceux qui le percevaient comme un confort (qu'ils ne veulent pas payer de leur poche) l'ont abandonné.
Pourtant l'insuffisance veinolymphatique est bien une pathologie, susceptible de générer des complications. Voilà pourquoi, en dépit du développement de l'automédication, certains fabricants ont choisi de poursuivre la visite médicale. C'est notamment le cas de Servier (Daflon) et de Pierre Fabre (Cyclo 3 Fort et BiCirkan). La sensibilisation des prescripteurs est maintenue, mais moins soutenue qu'autrefois, du côté de sanofi-aventis (Endotélon). Le laboratoire veut aussi miser sur l'expertise officinale. Il propose deux formations en ligne, l'une sur la pathologie veineuse, l'autre sur son veinotonique. Negma-Lerads (Veinamitol) mise, lui aussi, sur le double tableau médecins/pharmaciens, tandis que Zambon (Véliten) appuie surtout sa démarche auprès des officinaux.
Autre option, celle d'une visibilité renforcée dans les médias grand public. L'an dernier, Cyclo 3 Fort s'est ainsi affiché dans la presse et Diovenor (Innothéra), à la télévision. Communication et information ne sont pas les seules stratégies adoptées par les labos pour tenter de maintenir leur produit à flot. La politique de prix en est une autre. Sur cette question essentielle, les avis sont tranchés. Des hausses de prix substantielles ont été relevées après disparition de la vignette. Elles sont imputées aux fabricants comme aux pharmaciens. Pour les premiers, il fallait compenser les pertes en volume par une hausse des prix catalogue. Pour les seconds, il s'agissait de s'octroyer une marge plus confortable que celle qui prévalait avant déremboursement. Bien légitime, sauf que, à être trop gourmand, on prend des risques.
Le pari de la baisse de prix.
Servier, par exemple, a opté pour une hausse de 30 % environ du prix catalogue de Daflon. Conseiller en communication du laboratoire, Laurent Sourcelle estime que le produit retrouve simplement le niveau de prix qui était le sien avant les baisses tarifaires imposées par les autorités. « C'est aussi un réajustement par rapport au prix appliqué à l'international », justifie le conseiller. Servier fait valoir une stratégie mondiale. La France ne représente que 10 % environ des ventes totales de Daflon, commercialisé dans une centaine de pays. Le médicament reste leader du marché hexagonal, avec plus de 4 millions de traitements théoriques mensuels** (TTM) fournis aux officines (sur un total de 18,2 millions). Mais ce chiffre a baissé de 25 % en 2008, par rapport à l'année précédente.
Qu'en est-il alors de ceux, plus rares, qui ont opté pour une baisse du prix catalogue ? « Elle a été de 26 % pour Veinamitol, de sorte que le pharmacien puisse le proposer à un prix public de 4 euros », avance Delphine Menestret, en charge du marketing de Negma-Lerads. Bien vu. Si ses performances restent modestes (575 000 TTM en 2008), le médicament présenté en sachets de poudre ou en ampoules est le seul à ne pas fléchir (+16 % entre 2007 et 2008). Pierre Fabre Médicament a adopté la même stratégie. « Cyclo 3 Fort perd 20 % en volume sur l'année 2008. Nous avions baissé le prix pharmacien de 16 % pour que le patient retrouve à peu près le prix d'avant déremboursement », précise le responsable marketing, Xavier Azaïs. La marque, qui flirtait l'an dernier avec le million de TTM, offre encore une réponse veinotonique en ampoules. Mais elle réalise 90 % de ses ventes sur les gélules. C'est le mécanisme d'action direct du ruscus aculeatus sur la plaque motrice veineuse qui garantit sa rapidité d'action, souligne le laboratoire. Autre veinotonique de Pierre Fabre, BiCirkan va peut-être bénéficier du report des achats de Cirkan, dont la commercialisation a cessé en 2008. Les deux références représentaient l'an dernier un total de 530 000 TTM.
Trois marques, la moitié des ventes.
Il faudra aussi compter avec une nouvelle donne du marché, le lancement de grands conditionnements. Comprenant des quantités plus adaptées à un traitement mensuel, ils deviennent incontournables. Cyclo 3 Fort va emboîter le pas de Daflon (60 comprimés), Ginkor Fort (60 gélules) et Endotélon (40 comprimés). Des veinotoniques qui constituent le trio de tête du marché et concentrent la moitié des ventes. Ginkor Fort, acquis par Tonipharm à IPSEN, dépasse 3 millions de TTM l'an dernier (-15 %). Quant à Endotélon, il se situe aux alentours de 2 millions de TTM (-18 %). Suit Esberiven, ex-médicament d'Abbott racheté par Amdipharm, avec 1,3 million de TTM en 2008 (-35 %). Avec des volumes de vente moindres (inférieurs à 500 000 TTM), nous avons Etioven (sanofi-aventis), Veinobiase (Solvay Pharma) et Véliten (Zambon). Cette dernière spécialité comprend un flavonoïde et des antioxydants (vitamines C et E), qui participent à l'effet vasculoprotecteur, rappelle Catherine Vaillant, chef de gamme chez Zambon. Il y a quelques mois, ce laboratoire a réalisé une enquête auprès d'une centaine de pharmaciens. Elle montre qu'ils référencent en moyenne 7 marques de veinotoniques. Leur notoriété, assise par des décennies de prescription, entre en ligne de compte. Mais elle ne suffit pas à assurer l'achat. Pour preuve, la diosmine proposée en DCI s'est hissée à un très haut niveau. Elle draine 3,7 millions de TTM, tous laboratoires confondus. Bien moins nombreux, les génériques de la troxérutine ont un succès moindre (588 000 TTM) et marquent une baisse importante.
Rien ne semble donc jamais vraiment acquis sur ce marché phare de la médication familiale. La course de fond, entamée il y a trois ans, va se poursuivre cette année. À chacun de s'efforcer de tenir le coup. La prochaine étape, très attendue, pourrait être l'arrivée de veinotoniques dans le rayon du libre accès.
** Cette unité intègre les différents conditionnements et présentations d'une même spécialité. Elle permet la comparaison des performances commerciales des marques entre elles.
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