MALGRÉ UNE NOTORIÉTÉ universelle et vieille de plus d’un demi-siècle, les corticoïdes continuent de créer l’événement. Suite à la publication de deux récents essais randomisés et contrôlés, l’un suisse dans le « Lancet » (n=785) et l’autre espagnol dans le « JAMA » portant sur des formes plus graves (n=120), une place de choix pourrait être accordée à ces anti-inflammatoires, sous forme de cure courte, comme traitement adjuvant de l’antibiothérapie dans les pneumopathies bactériennes.
L’amplitude de l’effet thérapeutique dépend directement de la gravité de la maladie. « Plus la pneumonie est grave, plus les bénéfices à en espérer sont grands, explique le Pr Djillali Annane, du service d’anesthésie-réanimation de l’hôpital Raymond Poincaré, à Garches. Dans l’étude espagnole menée dans des formes graves (la plupart admises en réanimation), la corticothérapie a amélioré l’évolution avec une baisse de la mortalité. L’étude suisse, qui avait inclus des formes hospitalisées mais globalement moins graves, rapporte une diminution de la durée d’hospitalisation. La stabilité clinique était obtenue 1,4 jour plus tôt, soit à 3 jours dans le groupe traité contre 4,4 chez les témoins. Au final, ces deux études vont dans le même sens, elles sont favorable à la corticothérapie dans les pneumonies bactériennes hospitalisées -- des formes pas forcément réanimatoires, mais compliquées à un certain degré ».
La preuve de l’effet anti-inflammatoire puissant.
Comme supposé, l’effet bénéfique des glucocorticoïdes tient bien à leurs fortes propriétés anti-inflammatoires. « L’étude espagnole en apporte la preuve, souligne le Pr Karim Asehnoune, anesthésiste-réanimateur au CHU de Nantes et chercheur au Laboratoire « Thérapeutiques cliniques et expérimentales des infections ». Pour le démontrer, l’équipe dirigée par le Dr Antoni Torres a sélectionné parmi des formes graves, ceux ayant une très forte réponse inflammatoire avec une CRP›150 mg/L ». La baisse de la CRP était plus forte dans le groupe méthylprednisolone par rapport au placebo, comme celles d’autres marqueurs de l’inflammation, l’IL-6 en particulier. Un constat partagé par l’étude suisse.
L’utilisation des corticoïdes ne date pourtant pas d’hier dans les sepsis. « En réanimation, l’administration d’hydrocortisone est recommandée depuis longtemps dans les sepsis, détaille le Pr Asehnoune. L’administration de glucocorticoïdes, l’hydrocortisone, s’était révélée bénéfique dans les sepsis sans qu’il soit possible de savoir si cela passait par un effet sur l’insuffisance surrénalienne dite "de réanimation" ou par une réponse anti-inflammatoire. L’équipe espagnole fait la démonstration que dans les pneumonies bactériennes, c’est bien l’inflammation qui est en jeu ».
Des risques mesurés en milieu hospitalier.
Aussi séduisants soient les bénéfices des corticoïdes, qu’en est-il des risques ? « La crainte principale était d’entraîner une immunodépression et des infections secondaires, comme le font les traitements au long cours dans les maladies de système, explique le Pr Asehnoune. Les études montrent qu’il n’en est rien en cure courte de 5 à 7 jours. De plus, l’arrêt du médicament peut probablement se faire sans décroissance de la dose : il n’y a pas de rebond inflammatoire ni de risque majoré d’insuffisance surrénalienne ». Les risques ne sont pas nuls pourtant et existent bel et bien. « Il s’agit d’hyperglycémie et d’hypernatrémie transitoires, ajoute le Pr Annane. En contexte hospitalier, la prise en charge ne pose pas de problème particulier ».
Un impact sur les pratiques.
Les preuves en faveur de la corticothérapie existaient déjà pour les pneumopathies communautaires, en particulier un large essai publié dans « The Lancet » en 2011 et dans plusieurs métaanalyses. Où en est-on en pratique en France et quel impact peuvent avoir ces deux études pour la prise en charge des pneumonies ? « L’administration d’une corticothérapie dans les sepsis se fait déjà de façon assez large en réanimation, pas seulement en France mais partout dans le monde, précise le Pr Annane. C’est le cas pour environ 50 % de ces patients, indépendamment de l’existence d’un terrain sous-jacent pouvant justifier ce type de traitement. Il faut rester vigilant sur deux points. Premièrement, l’effet est démontré pour les infections bactériennes, pas pour les pneumonies virales, en particulier grippales. Deuxièmement, la balance bénéfices/risques semble bien favorable pour l’ensemble des formes hospitalisées, mais rien n’est démontré en ambulatoire ».
Pour le Pr Asehnoune, il n’y a pas d’hésitation à avoir en réanimation. « Ces résultats vont influer dès à présent sur notre pratique dans le service. Dans les pneumonies communautaires graves, l’hydrocortisone ne sera plus administrée au profit de la méthylprednisolone ». Le Pr Annane va plus loin. « Il n’y a pas beaucoup d’arguments aujourd’hui pour ne pas donner à l’hôpital une cure courte de ce médicament peu coûteux, et dont les modalités de surveillance sont bien connues ». Comme nous le révèle le spécialiste de Garches, qui a signé l’éditorial et dans la confidence, l’éditeur du « Lancet » était si convaincu des bénéfices de la corticothérapie dans l’indication qu’il a proposé aux auteurs une publication avancée, « fast-track », pour coïncider avec le pic hivernal et mettre l’information à disposition des médecins le plus tôt possible. « Une revue Cochrane va être publiée sur la corticothérapie en traitement adjuvant du sepsis d’ici les prochains mois, précise le Pr Annane. L’ensemble de ces arguments va faire bouger les recommandations sur la prise en charge des pneumonies communautaires bactériennes ».
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