POURQUOI le risque d’allergie à l’arachide est-il dix fois plus important chez les enfants juifs vivant au Royaume-Uni que chez ceux de même origine ethnique vivant en Israël ? C’est ce constat troublant tiré quelques années auparavant qui a poussé l’équipe de George Du Toit et Gideon Lack, du King’s College London, à tester une hypothèse audacieuse dans un essai contrôlé chez 640 enfants atopiques (essai LEAP), avec le soutien des National Institutes of Health (NIH) américains. Les résultats, que le Pr Jocelyne Just, responsable du Centre de l’asthme et des allergies à l’hôpital Trousseau (Paris) n’a pas hésité à qualifier de « majeurs », pourraient révolutionner l’allergologie en pédiatrie.
Loin d’être un contresens chez des enfants atopiques, l’introduction de l’arachide dans l’alimentation, et ce de façon très précoce, comme c’est de pratique courante vers l’âge de 7 mois en Israël, serait protectrice contre le développement de l’une des allergies les plus redoutées. Dans l’étude LEAP, la prévention était à la fois primaire et secondaire, puisqu’étaient inclus des bébés atopiques considérés à risque, avec un eczéma sévère, une allergie à l’œuf ou les deux, et dont le prick-test cutané était négatif (n = 530) et ou modérément positif (diamètre ‹ 4 mm, n = 98), les plus réactifs n’étant pas éligibles.
Un petit en-cas à base de cacahuète.
Chez ces nourrissons âgés de moins de 11 mois à l’inclusion, la consommation régulière de cacahuète a réduit d’au moins 80 % le risque d’allergie à l’âge de 5 ans par rapport à l’éviction totale. Le protocole consistait à donner au moins 6 g de protéine d’arachide/semaine répartis sur au moins 3 prises, jusqu’à l’âge de 5 ans, sous forme d’un snack commercialisé sous le nom « Bamba » (marque Osem). Si cet en-cas n’était pas du goût des enfants, il est précisé que les parents pouvaient se tourner vers du beurre de cacahuète sucré (marque Sunpat ou Duerr’s).
Du côté de la tolérance, il n’y a pas eu davantage d’effets graves dans le groupe cacahuète. Aucun décès n’est survenu au cours de l’étude. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne s’est rien passé. Près de 99 % des participants de chaque groupe ont rapporté au moins un événement, sans surprise avec davantage d’événements dans le groupe consommation que celui éviction (4 527 versus 4 287). Les événements les plus fréquents dans le groupe cacahuète étaient à type d’infections respiratoires hautes, d’infection cutanée virale, de gastro-entérites, d’urticaires et de conjonctivites, sans qu’ils soient de gravité plus importante.
Un petit essai de désensibilisation réussie.
L’allergie à la cacahuète est un problème préoccupant dans les pays occidentaux, puisque la prévalence chez les enfants a doublé au cours de la dernière décennie. Et pas seulement, puisque la pathologie commence à être observée en Afrique et en Asie. Et face à cette épidémie galopante, les parents et les médecins restent désarmés. Comme le rappelle le Pr Antoine Magnan, pneumologue au CHU de Nantes et président de la Société française d’Allergologie : « En cas d’allergie confirmée, le seul traitement est l’éviction totale. Il n’existe pas encore de traitement validé pour la désensibilisation ». Pour les sujets à risque élevé d’allergie, c’est-à-dire s’il existe un terrain familial et/ou personnel d’atopie mais sans allergie à l’arachide avérée, le débat sur l’éviction alimentaire n’est pas totalement clos. « L’éviction n’a plus cours en France, l’idée est plutôt d’introduire l’aliment de manière prudente et tardive », commente le Pr Magnan.
Ces résultats ont donc de quoi faire réfléchir. Ils font d’ailleurs écho à une autre publication récente, un essai de désensibilisation efficace paru fin janvier dans « The Lancet ». À l’aide d’une immunothérapie orale, les Britanniques Katherine Anagnostou et Andrew Clark, de Cambridge, ont réussi à guérir des enfants allergiques ayant une sensibilité modérée à l’arachide, mais plus âgés (7 à 16 ans).
Pour autant, comme le soulignent des éditorialistes dans le « New England Journal of Medicine », l’ensemble de ces nouvelles données laisse de nombreuses questions en suspens : la persistance de la réponse sur le long terme, le protocole à adopter et sa durée, les enfants cibles (qu’en est-il pour ceux à très haut risque ?) et la transposition à d’autres aliments allergènes (œuf, lait). Ce qui ne les empêche néanmoins pas de conclure : « parce que les résultats de cet essai sont si convaincants et le problème de la prévalence grandissante de l’allergie à la cacahuète si alarmant, de nouvelles recommandations devraient arriver très vite ».
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