SI, AUPARAVANT, on ne concevait pas de guérir les maladies génétiques par une autre voie que par thérapie génique, consistant à insérer le gène manquant avec un vecteur adéquat, en espérant qu’il se place au bon endroit et qu’il soit fonctionnel, sans abandonner cette idée, les chercheurs ont découvert que bien d’autres voies pouvaient être mises à profit pour influer sur les machineries génétiques.
Actuellement une trentaine d’essais cliniques sont en cours avec le soutien de l’Association française contre les myopathies (AFM) concernant pas moins d’une vingtaine de pathologies différentes. Ainsi que le précise Serge Braun, l’AFM focalise son activité de recherche sur les maladies rares, prioritairement, mais pas uniquement neuromusculaires?; et, comme nous le verrons, certaines applications sont même envisagées pour des maladies loin d’être rares. Une retombée assez inattendue de l’étude de mécanismes fondamentaux qui ne sont pas seulement à l’œuvre dans des pathologies peu répandues, mais aussi dans des maladies fréquentes et familières.
L’exemple de la progeria.
Un exemple démonstratif peut être fourni par la progeria. Une maladie extrêmement rare qui correspond à un vieillissement accéléré de l’organisme, les patients décédant de vieillesse vers l’âge de 13 – 14 ans, avec tous les signes cliniques habituels de la vieillesse naturelle, comme l’hypertension artérielle, l’ostéoporose, des hémorragies cérébrales… Le gène responsable de cette maladie a été identifié en 2003 par une équipe marseillaise grâce à un financement de l’AFM. On sait maintenant que la progeria est due à une mutation du gène de la lamine A, entraînant une modification de cette dernière, celle-ci n’étant plus défarnésylée (le groupement farnésyl est une chaîne de 15 atomes de carbone) lors de son processus de maturation, ce qui en altère le rôle biologique, conduisant à la perturbation de l’expression de nombreux gènes. Or, le doigt mis sur la lamine A a permis de montrer que le vieillissement physiologique s’accompagne aussi de l’accumulation au sein du noyau cellulaire de lamine A farnésylée. De là à penser que nous pourrions développer sur cette base, dans l’avenir, des traitements pour ralentir l’un des mécanismes du vieillissement, il n’y a qu’un pas. À une échéance plus rapprochée, un espoir pour les malades souffrant de progeria est né avec la démonstration d’un doublement de l’espérance de vie d’un modèle animal de progeria avec une combinaison de pravastatine et d’un bisphosphonate, l’acide zolédronique*. « Un essai clinique mené par l’équipe marseillaise a démarré l’année dernière », indique Serge Braun.
D’autres « maladies modèles » rares, permettront peut-être de mieux traiter la DMLA, la cécité liée au diabète, les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer.
Maîtriser le « saut d’exon ».
L’une des technologies développées par l’AFM concerne ce que les spécialistes dénomment le saut d’exon.
Pour simplifier, rappelons que l’ADN renferme alternativement des séquences codantes (les exons) et non codantes (les introns) et que la machinerie cellulaire doit normalement réunir les exons entre eux afin de générer un ARN messager qui va être ensuite traduit en protéine. Mais, dans le cas par exemple de la myopathie de Duchenne, la maladie neuromusculaire la plus fréquente chez l’enfant (une forme de dystrophie musculaire progressive généralisée et héréditaire à transmission récessive liée au chromosome X), la mutation d’un ou de plusieurs exons dans le gène de la dystrophine (une importante protéine présente sous la membrane cellulaire de diverses cellules, notamment musculaires) va perturber la constitution de l’ARN messager et aboutir à une protéine tronquée qui sera rapidement dégradée. « Or il a été montré qu’en utilisant un ARN antisens, il est possible d’inciter le mécanisme à ignorer les exons mutés, à les « sauter » au sens propre, ce qui permet d’obtenir une dystrophine de plus petite taille, mais tout de même fonctionnelle », précise Serge Braun. Ce candidat médicament, qui a montré sa capacité à induire une synthèse protéique par injections sous-cutanées, va entrer en phase III fin 2009-début 2010, avec l’objectif d’aboutir dans les deux ans. Cette approche, consistant à modifier la synthèse protéique, pourrait ouvrir des perspectives considérables, en permettant, selon le cas, soit de stimuler une synthèse déficiente de protéines, soit, au contraire, d’inhiber la production de protéines inefficaces ou nocives, comme celles qui sont indispensables à la réplication virale ou à la prolifération tumorale.
« La chimie des antisens (qui sont préparés par des procédés de synthèses classiques) arrive aujourd’hui à maturité et on sait synthétiser des antisens très stables, se distribuant très bien au sein de l’organisme, dont certains pourraient même être administrés par voie orale et être délivrés un jour en officine », souligne Serge Braun.
Forcer le « stop ».
Une autre stratégie qui connaît des développements très positifs est désignée par l’expression un peu absconse de « translecture du codon stop ». Encore un petit rappel pour comprendre la suite : tout gène comporte un codon (formé de 3 bases) de début et un codon de fin (dit « stop »). Quand le ribosome (l’usine à protéines) lit l’ARN messager, il assemble les acides aminés dans l’ordre indiqué pour fabriquer la protéine correspondante et s’arrête dès qu’il rencontre un codon « stop ». Or certaines maladies génétiques sont dues à la présence d’un codon stop supplémentaire à un mauvais endroit au sein du gène, ce qui conduit à générer une protéine anormale, non fonctionnelle, voire nocive. Cette anomalie est loin d’être exceptionnelle : environ 10 % des maladies génétiques sont en relation avec un codon stop, notamment certains cas de maladie de Duchenne.
L’observation, fortuite, que les patients atteints de mucoviscidose traités par la gentamycine pour une infection bronchopulmonaire voyaient leur état s’améliorer nettement a conduit à découvrir que cet antibiotique est capable, en interférant avec le fonctionnement du ribosome, de forcer la lecture d’un codon stop prématuré jusqu’au premier codon stop normal.
L’AFM a d’ailleurs contribué aux avancées de recherches fondamentales concernant cette observation et participe au développement de nouvelles molécules, dénuées des effets secondaires des antibiotiques, actuellement en phase III, mettant à profit cette approche dans la maladie de Duchenne, et d’autres sont en essai dans la mucoviscidose.
Le compte à rebours est enclenché et peu de temps devrait maintenant s’écouler avant que de nouveaux outils thérapeutiques doués d’un potentiel considérable ne fassent leur apparition. Qui nous concernent tous?!
Pour en savoir plus : www.afm-telethon.fr.
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