Les mots du client
- « Je commence une radiothérapie pour mon cancer du sein, y a-t-il un risque que j’ai des vomissements ?
- Ma femme a été opérée hier de sa thyroïde et elle a vomi. Est-ce normal ?
- Ma fille a une gastro et elle a des nausées et des vomissements. Quels médicaments puis-je lui donner ?
- Depuis que je suis enceinte j’ai des nausées et je ne sais pas comment les réduire. »
Rappel physiopathologique
L’origine physiologique des nausées et vomissements est contrôlée par le centre du vomissement situé dans la zone réticulaire du bulbe. Le vomissement est un processus réflexe protecteur, initié principalement par des afférences sur le centre du vomissement. La seconde zone impliquée est la Chemoreceptor Trigger Zone (CTZ), une zone chémosensible située dans l’area post-rema (AP) et reliée au centre du vomissement par des synapses de certains neurones.
Le mécanisme du vomissement.
Les afférences directes (cortex, vestibulaire, tractus digestif) concernent prioritairement le centre du vomissement, alors que les afférences indirectes (stimuli chimiques et nerveux) passent plutôt par la CTZ. Les stimulations arrivant à l’AP ou la CTZ, sont intégrées au niveau du tronc cérébral dans le centre de vomissement. Ce dernier gère aussi la coordination des neurones et des muscles permettant le déclenchement du rejet. Il est en liaison avec le noyau du tractus solitaire et déclenche une réponse vagale se traduisant par une augmentation de la libération d’acétylcholine, ce qui provoque au niveau de l’estomac un ensemble de réactions entraînant l’expulsion du contenu stomacal.
Les neurotransmetteurs en cause.
Parmi les neurotransmetteurs identifiés au niveau de la CTZ, on distingue quatre chémorécepteurs particulièrement impliqués dans la survenue des symptômes : les systèmes muscariniques et ses récepteurs de type M1 ; histaminique et ses récepteurs H1, H2, H3 ; sérotoninergique et ses récepteurs 5-HT3 ; et dopaminergique et ses récepteurs D2, D3. Tous sont sensibles aux afférences sympathiques et parasympathiques du tube digestif et aux fibres véhiculant les stimuli émotionnels et psychologiques. Les traitements antiémétiques utilisés ont pour cible l’un de ces récepteurs.
Les questions à l’officine
Les vomissements correspondent à une expulsion forcée du contenu gastrique par la bouche, provoquée par la contraction soutenue des muscles abdominaux, la descente du diaphragme et l’ouverture du cardia. Les nausées annoncent souvent, mais pas obligatoirement, les vomissements. Elles consistent en une sensation subjective et désagréable accompagnant un besoin de vomir.
Pourquoi est-on nauséeux ?
Les nausées peuvent être déclenchées, soit par des stimuli provenant d’une irritation du tube digestif, soit par des impulsions provenant de la partie basse du cerveau, en relation avec le mal des transports, ou encore par des signaux provenant du cortex cérébral. Cliniquement, elles traduisent le désir de vomir sans les mouvements musculaires expulsifs. Elles deviennent sévères lorsque la sécrétion de salive augmente et que le pouls devient plus rapide avec des perturbations vasomotrices et des sueurs.
Quelle est l’étiologie des symptômes ?
Les nausées et les vomissements peuvent être, soit d’installation récente, soit chronique. Certains épisodes ont une origine évidente alors que d’autres ont des causes plus difficiles à identifier. Il peut arriver que le vomissement survienne sans sensation préalable de nausée. Les origines des nausées et des vomissements sont multiples et classées en causes périphériques et centrales.
Quelles sont les causes périphériques ?
Toutes les substances irritantes de la muqueuse gastro-intestinale sont potentiellement des vomitifs. C’est le cas des infections intestinales à virus ou à bactéries, des radiations et des chimiothérapies. Le foie est également impliqué en activant les afférences vagales. C’est en effet le nerf vague afférent qui véhicule les influx périphériques jusqu’au centre de vomissement.
Quels sont les facteurs d’origine centrale ?
L’origine des stimuli fait intervenir de nombreux centres. Au niveau de l’oreille interne et du cervelet, les stimulations entraînent des vertiges associés à des vomissements. Ce sont ces zones qui sont concernées dans le mal des transports et lors des modifications posturales de la grossesse. Au niveau des centres sensoriels, la douleur, y compris celle des migraineux, les odeurs désagréables, les lumières provoquent des nausées. Les centres d’intégration corticaux sont également à l’origine de vomissements : certains souvenirs ou une anticipation avant la prise d’une chimiothérapie ayant entraîné des nausées sont souvent liés au réflexe de vomissement.
Le vomissement peut-il devenir pathogène ?
S’il se répète sur un temps prolongé, le vomissement peut avoir des complications d’ordre métabolique avec perte d’eau et d’électrolytes provoquant une déshydratation (notamment chez le jeune enfant et le sujet âgé), un déséquilibre électrolytique et acido-basique, ainsi qu’un état de malnutrition. L’autre conséquence est d’ordre œsophago-gastrique avec l’apparition d’une lésion due au passage de l’acide chlorhydrique de l’estomac dans l’œsophage. Les autres complications sont pulmonaires ou cardiaques.
Quels sont les médicaments incriminés dans les vomissements et les nausées ?
Les vomissements font partie des effets secondaires de nombreux médicaments tels que les opioïdes, les digitaliques, les antibiotiques, les anti-inflammatoires, les antiparkinsoniens… Certains agissent directement sur la CTZ ou L’AP (analgésiques opioïdes et agonistes de la lévodopa), d’autres ont une action irritante directe sur la muqueuse gastrique. Une nausée légère au début d’une médication peut disparaître spontanément ou nécessiter une réduction de posologie ou l’interruption de la thérapie.
Les chimiothérapies sont-elles toutes émétisantes ?
Leur pouvoir émétisant est lié à plusieurs paramètres, il varie selon le type de chimiothérapie : le cisplatine étant l’agent le plus émétisant ; la dose : les hautes doses étant plus émétisantes ; le mode d’administration : une perfusion continue est moins émétisante qu’une injection en bolus ; le patient : les femmes et les adultes de moins de 40 ans sont plus sensibles ; le type de cancer : des localisations digestives (en particulier hépatique ou péritonéale) ou cérébrales provoquent plus d’intolérance au traitement.
Comment se manifestent les vomissements chimio-induits ?
Ils sont de trois types et on distingue ceux par anticipation déclenchés quelques heures avant une injection (réaction anxieuse conditionnée), ceux qui surviennent pendant ou en fin d’administration du médicament antinéoplasique, et ceux qui sont retardés et prolongés survenant plusieurs heures après le début de l’injection.
Et ceux provoqués par la radiothérapie ?
La fréquence et l’intensité des nausées et des vomissements sous radiothérapie dépendent de la localisation, de la taille du champ irradié et de la dose. Les symptômes sont plus prononcés en cas d’irradiation de l’abdomen supérieur.
Quels diagnostics et dans quel cas ?
- Les vomissements chroniques sont évoqués s’ils persistent plus d’une semaine ou plus d’un mois. Il peut s’agir de vomissements quotidiens associés ou non à une altération de l’état général, ou de vomissements récidivants après une période asymptomatique. Il convient d’éliminer les urgences chirurgicales, médicales et toxiques et de rechercher une étiologie digestive, neurologique ou psychologique.
- L’occlusion intestinale est le premier diagnostic à évoquer devant les vomissements aigus, et il est évident lorsqu’on peut lui associer une douleur abdominale et un météorisme. Les symptomatologies peuvent être une péritonite, une appendicite, et l’ensemble des affections hépatobiliaires.
- Le vomissement d’origine neurologique ou cérébrale survient sans effort, spontanément ou lors d’un changement de position, et le symptôme le plus souvent associé est une céphalée. Les nausées et les vomissements font partie des critères diagnostiques de la crise de migraine avec l’hémicrânie pulsatile. Dans l’hypertension intracrânienne d’installation progressive, le caractère matinal du vomissement, en jet, sans effort et sans nausée, est évocateur.
- Certains désordres métaboliques ou endocriniens peuvent s’accompagner de nausées et de vomissements associés à des diarrhées et des douleurs abdominales. Les situations cliniques observées sont l’insuffisance surrénalienne aiguë, une hypercalcémie, une hyperthyroïdie.
- Les nausées et vomissements post-opératoires (NVPO) observés en salle de réveil ou dans les 24 heures suivant l’acte chirurgical, sont déclenchés par de nombreux facteurs dont le type d’anesthésique et d’antalgique, le genre d’intervention réalisée, les fluctuations de pression et de volume sanguins. Leur apparition peut être à l’origine de nombreuses complications en chirurgie. Il n’existe pas de consensus sur leur prise en charge et l’efficacité de certains traitements reste discutée.
- Les vomissements de causes diverses.
Les causes uronéphrologiques sont fréquemment décrites (colite néphrétique, pyélonéphrite, insuffisance rénale aiguë). Dans l’infarctus du myocarde, les vomissements peuvent être révélateurs et précéder la douleur thoracique. Ils font aussi partie des manifestations du glaucome aigu, des gastro-entérites infectieuses et des intoxications alimentaires ou alcooliques. Retrouvés dans le syndrome méningé, ils constituent avec les céphalées et la constipation le trépied méningitique.
- Les vomissements et nausées durant la grossesse ont pour origine un retard de la vidange gastrique dû à des anomalies de la pression intra-abdominale et des anomalies métaboliques et hormonales. De simples mesures diététiques suffisent la plupart du temps et évitent le recours à des antiémétiques.
Les traitements antiémétiques
Les antiémétiques utilisables en prévention ou en traitement appartiennent à diverses classes pharmacologiques. La CTZ est la cible majeure d’un antivomitif puisqu’au croisement de tous les stimuli.
- Les antagonistes de la dopamine n’agissent que sur les récepteurs D2 de la CTZ avec une absence d’effets secondaires. Les principaux représentants sont : le métoclopramide (Primpéran et Anausin), la dompéridone (Motilium, Motilyo, Péridys, Bipéridys), les dérivés des phénothiazines représentés par la métopimazine (Vogalène et Vogalib).
- Les antispasmodiques atropiniques, représentés par le dispositif Scopoderm TTS, antagonisent les récepteurs muscariniques M1 et histaminiques H1.
- Les antagonistes des récepteurs 5HT3 de la sérotonine, ou sétrons, réalisent un progrès majeur dans la prise en charge des vomissements chimio-induits.
- Les antagonistes des récepteurs de neurokinine 1 substance P : l’aprépitant (Emend) est le premier représentant de cette nouvelle classe. Il n’est pas utilisé seul mais au sein d’un protocole thérapeutique standardisé.
Les traitements à l’officine
- Les antihistaminiques H1 (Dramamine, Mercalm, Nausicalm, Nautamine) sont adaptés au conseil officinal. Ils ont des propriétés anticholinergiques et sont indiqués dans la prévention du mal des transports (cinétose) et des nausées, mais ils sont responsables de somnolences gênantes et parfois d’allergies.
- Les antagonistes dopaminergiques occupent une place privilégiée dans le traitement symptomatique des nausées et vomissements. La métopimazine disponible en conseil (Vogalib) agit de façon rapide et efficace. Elle présente une bonne tolérance et une grande sécurité d’emploi, y compris chez le jeune enfant et la femme enceinte.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques