Il a fallu dix ans de travail, dont deux d'analyse, pour fournir pour la première fois un atlas de l'horloge biologique tissu par tissu chez le primate. Howard Cooper, qui a dirigé l'étude de bout en bout (unité INSERM1208 « Institut cellule-souche et cerveau ») en collaboration avec des chercheurs américains, a de quoi de ne pas être mécontent des résultats.
« C’est un atlas pour les chercheurs du monde entier, explique Howard Cooper au « Quotidien ». On était très, très surpris de constater de telles différences avec les études précédentes chez le rongeur. Chez la souris, la moitié des gènes codant pour des protéines sont exprimés de façon cyclique. C’est beaucoup plus important chez l’homme, environ 2/3 des gènes sont rythmés au cours des 24 heures. De plus, chaque organe a sa propre signature, n’exprimant pas la même chose, ni au même moment qu’un autre. »
Cet atlas publié dans « Science » s’inscrit à point nommé dans l’idée de l’importance de l’horloge biologique en médecine. Après le prix Nobel 2017 décerné pour la découverte des mécanismes moléculaires contrôlant le rythme circadien et des travaux lillois sur le risque plus élevé le matin d’infarctus du myocarde, le rôle majeur de l’horloge biologique est mis sur le devant de la scène plus largement, reconnu jusque-là dans les dépressions saisonnières et accueilli avec circonspection pendant longtemps dans l’efficacité des chimiothérapies.
Pour extrapoler le plus possible à l’homme, il était important de dépasser les limites posées par le modèle chez le rongeur, une espèce nocturne. « Le cycle circadien est synchronisé principalement par le cycle jour/nuit, explique Howard Cooper. Il aurait été tentant d’inverser le cycle, mais les rongeurs ont un mode de vie très différent. Leur sommeil est fragmenté de jour comme de nuit, contre un sommeil plus réparateur la nuit pour les espèces diurnes. Leur alimentation est permanente, alors que les hommes prennent des repas répartis de façon régulière ». Le singe était le candidat idéal, avec ses 25 000 gènes très proches de ceux exprimés chez l’homme. « Et surtout, 80 % de gènes rythmés codant pour des protéines ciblées par des médicaments ou des cibles potentielles pour de futurs médicaments sont retrouvés chez le primate, explique Howard Cooper. C’est important pour aller plus loin chez l’homme en thérapeutique ».
Le transcriptome à la loupe
Les chercheurs ont étudié les ARN, c’est-à-dire les produits de l’expression des gènes, dans 64 organes et tissus, dont 22 intéressant le cerveau, toutes les deux heures et pendant 24 heures. Pour chacun des 768 prélèvements effectués, les chercheurs ont mesuré et quantifié les ARN présents dans les cellules, ce que l’on appelle le transcriptome.
Autre observation majeure, les chercheurs ont constaté que 80 % des gènes rythmés codent pour des fonctions essentielles de la vie des cellules, comme l’élimination de déchets, la réplication de l’ADN, le métabolisme, etc.
Les transcriptomes, c’est-à-dire l’ensemble des ARN présents dans les cellules sur 24 heures, sont très différents. Sur les 25 000 gènes, environ 16 000 (2/3) sont exprimés de façon cyclique. Le nombre de gènes rythmés varie en nombre (environ 3 000 dans la thyroïde ou le cortex préfrontal contre seulement 200 dans la moelle osseuse) et en nature.
Deux gros pics d'activité en commun
Plus de 50 % de l’ensemble des gènes détectés dans un tissu donné était aussi exprimé dans tous les 64 tissus. Cependant, même dans les tissus exprimant > 1 000 gènes rythmiques, moins de 1 % (< 10) était partagé. Même les treize gènes connus de l’horloge biologique, que les auteurs comptaient retrouver dans tous les échantillons, ne sont pas tous présents, pas dans les mêmes quantités ni au même moment.
Les seuls points communs entre ces 64 tissus sont finalement les deux pics bien définis d’expression des gènes au cours de la journée : en fin de matinée et en début de soirée. Le premier, le plus important, survient entre 6 et 8 heures après le réveil avec plus de 11 000 gènes exprimés à ce moment-là dans l’organisme. Le second moins intense voit environ 5 000 gènes en action dans les tissus. Puis les cellules sont quasiment au repos au cours de la nuit, particulièrement lors de la première partie de nuit. Pour le cerveau, il apparaît que le rythme et l’expression sont maximaux dès le réveil et en fin de journée, suivant les performances cognitives. Par rapport aux autres organes, la coordination de l’ensemble est prégnante pour un fonctionnement optimal.
Cet atlas ouvre des pistes pour optimiser le traitement, à la fois son efficacité et sa tolérance. « Nous préparons un article qui confronte nos récentes données sur plusieurs milliers de sites reconnus comme cibles thérapeutiques à ce qui est actuellement recommandé pour l’horaire de prise, annonce Howard Cooper, directeur de recherche au sein de l’équipe "Chronobiologie et Désordres affectifs" de l’unité 1208. Dans une autre étude, nous allons nous intéresser au rôle antidépresseur bien connu de la lumière. L’idée est d’aller voir de plus près quel est le mécanisme derrière le phénomène faisant que la lumière améliore l’humeur ».
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