Aujourd’hui, l’Institut Pasteur c’est 10 prix Nobel de physiologie et de médecine, 130 unités de recherche à Paris, 15 centres nationaux de référence sur des maladies infectieuses graves et 33 instituts répartis sur les 5 continents. Que de chemin parcouru depuis sa création il y a 130 ans…
Louis Pasteur reconnaîtrait-il son legs scientifique ? Sans doute, car son injonction de transcender les frontières a été suivie à la lettre. L’Institut Pasteur transcende assurément les frontières scientifiques puisqu’il demeure un exemple de multidisciplinarité et qu’aux disciplines historiques (biochimie, microbiologie, médecine puis chimie thérapeutique et immunologie) se sont associées de nouvelles comme la génétique humaine, les neurosciences, la biologie du développement et des cellules-souches. Il transcende aussi les frontières géographiques comme il avait commencé de le faire dès 1891 en fondant l’Institut Pasteur de Saïgon. Les agents pathogènes n’ayant pas de frontières, on a ainsi pu mesurer le rôle de l’Institut Pasteur dans le contrôle des pathologies endémiques et épidémiques des dernières décennies : Sida, SRAS, Ebola, Zika, chikungunya…
D’où viendra la prochaine maladie nouvelle ? À quoi sera-t-elle due ? Pour répondre rationnellement à ces interrogations, il fallait franchir un pas et remplacer le concept flou de maladie nouvelle par celui de maladie émergente. Arnaud Fontanel, responsable de l’unité Épidémiologie des maladies émergentes de l’Institut, en donne la définition : c’est « l’irruption au sein d’une population humaine d’un agent pathogène nouveau, à partir d’un réservoir animal ou environnemental, ou à la suite d’une modification génétique d’un agent pathogène existant ». La maladie peut aussi s’être déplacée géographiquement ou resurgir du passé : on parle alors de maladie réémergente.
Du Sida à Zika
Si les maladies non transmissibles telles que le diabète et les maladies neurodégénératives augmentent partout dans le monde de manière inquiétante, « les maladies émergentes sont redoutables car elles surviennent de manière incroyablement brutale et peuvent se répandre très vite, aussi exigent-elles des réponses rapides… Pour Ebola, apparu en Guinée en 2013, il a fallu 4 mois pour faire le rapprochement avec des cas jusqu’ici cantonnés à l’Afrique de l’Ouest, et pour le SRAS, virus encore inconnu, il a fallu 2 mois pour identifier le coronavirus en cause. Espérons qu’aujourd’hui les délais seront plus courts et la réaction plus prompte », explique Arnaud Fontanet, directeur du Center for global health à l’Institut Pasteur. Une force d’intervention d’urgence contre les épidémies (l’Outbreak investigation task force), s’appuyant sur le réseau international des instituts Pasteur impliqué dans la surveillance et l’intervention contre les maladies émergentes, a en effet été créée en 2015. Au-delà de l’urgence immédiate, elle engage des recherches sur des tests diagnostiques, des traitements, des vaccins et des études épidémiologiques. Elle est déjà intervenue sur différentes épidémies alarmantes (Ebola en Sierra Leone, grippe aviaire au Cameroun…).
Les défis sont de taille mais les recherches progressent et les partenariats mis en place seront bénéfiques. Ainsi, selon le Dr Trevor Mundel, de la Fondation Bill et Melinda Gates, « la perspective d’un vaccin quadrivalent contre la bactérie shigella flexneri, responsable de dysenteries catastrophiques, d’ici à 2025, est réaliste. Mis au point dans un institut de Boston, il devrait être déployé en Afrique subsaharienne grâce au réseau international Pasteur ».
Communication indispensable
Mais les progrès médicaux ne suffisent pas, il faut encore convaincre les populations de leur bien-fondé. « C’est l’un des plus grands défis auxquels nous devons faire face, dit le Dr Amadou Sall, directeur de l’Institut Pasteur de Dakar (Sénégal). Les exemples d’incompréhension et de réactions irrationnelles violentes à l’égard de personnes venues les sauver sont nombreux. Nous l’avons vu, entre autres, pendant l’épidémie d’Ebola. Les médecins n’y pensent pas… Dès lors que nous avons travaillé avec des anthropologues, ça s’est bien mieux passé. Il est capital de former les soignants aux processus d’approche des populations. » Mais, « en matière de vaccination, on constate aussi des rejets de la part de populations éduquées et chez nous, c’est incroyable !, fait remarquer le Pr Wilson Savino, de la fondation de recherche brésilienne Fiocruz. Jusqu’ici, nous ne sommes pas bons pour la communication. C’est vrai qu’il faut souvent faire vite mais les sciences sociales sont absolument essentielles et d’une grande aide pour faire accepter conseils, traitements et vaccins. »
* D’après un débat organisé à l’occasion de la cérémonie des 130 ans de l’Institut Pasteur.
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