Une étude parue dans « Science » (1) a montré que des bactéries spécifiques de notre microbiote réduisaient l'efficacité de la lévodopa dans le traitement de la maladie de Parkinson. Comment ? En métabolisant le médicament avant qu'il ne passe la barrière hémato-encéphalique et n'atteigne sa cible dans le cerveau.
Ce n'est pas la première fois que des interactions entre microbiote intestinal et médicaments sont mises en évidence. Pour le Pr Marc Bardou, hépato-gastroentérologue au CHU Dijon-Bourgogne et membre de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT), rien que de très prévisible. « Nous avons dans notre organisme 150 fois plus de gènes de notre microbiote que de notre propre génome, avec 400 familles de bactérie et autres levures, rappelle-t-il. C'est l'absence d'effet du microbiote sur l'efficacité médicamenteuse qui serait étonnante. »
Le rôle des enzymes bactériennes
Le premier mode d'action a lieu par le biais du métabolisme, les enzymes bactériennes favorisant le clivage d'un précurseur thérapeutique, entraînant généralement une diminution de l'effet du médicament. C'est le cas avec la lévodopa. Le rôle potentiel du microbiote avait déjà été suspecté quand des chercheurs avaient observé qu'une antibiothérapie améliorait l'efficacité de la lévodopa. L'étude parue dans « Science » a montré précisément quelles bactéries intervenaient dans le métabolisme périphérique de l'antiparkinsonien : il s'agit d'Enterococcus faecalis (qui métabolise la lévodopa en dopamine) et d'Eggerthella lenta (qui convertit la dopamine en m-tyramine).
Cet effet par métabolisation est très répandu : une étude de Nature (2) s'est ainsi penchée sur la capacité de 76 microbiotes humains différents à métaboliser 271 médicaments oraux et a montré que les deux tiers sont affectés par les enzymes de ces micro-organismes. « L'effet est plus ou moins important selon que le métabolite est lui aussi actif ou non », note le Pr Bardou.
Si le microbiote diminue généralement l'efficacité d'un médicament en le métabolisant, il peut aussi l'augmenter. « C'est le cas dans l'immunothérapie des cancers en particulier », souligne le Pr Bardou. Des modèles de souris germ-free (ou ayant subi un traitement antibiotique) ont ainsi été étudiés à plusieurs reprises, montrant que la réponse immunitaire de ces souris traitées par immunothérapie était bien inférieure que celles qui présentaient un microbiote intestinal normal. Chez des souris germ-free (ou traitées par antibiotiques) atteintes de sarcome, les tumeurs deviennent ainsi résistantes au traitement par ipilimumab (un anticorps anti-CTLA4), par rapport à des souris ne présentant pas de dysbiose (3).
Des solutions ?
Dans le cas de la lévodopa, les chercheurs ont observé que la (S)-α-fluoromethyltyrosine (AFMT) était capable d'inactiver la dégradation périphérique du médicament, ce qui permettrait de circonvenir l'inactivation microbienne de l'anti-parkinsonien. Quant aux souris germ-free atteintes de sarcome, elles redeviennent répondeuses au traitement par immunothérapie quand elles reçoivent certains bactéroïdes (B. fragilis en l'occurrence). D'autres essais sont en cours pour comprendre quelles bactéries influent sur l'efficacité de l'immunothérapie des cancers. Attention cependant, « ce qui caractérise le microbiote est sa résilience, après une antibiothérapie, il revient rapidement à son état initial », prévient le Pr Bardou. Influer sur le microbiote sera donc sans doute plus simple dans le cadre d'un traitement court que chronique.
1) Discovery and inhibition of an interspecies gut bacterial pathway for Levodopa metabolism. Rekdal et al. Science, 14 June 2019.
2) Mapping human microbiome drug metabolism by gut bacteria and their genes. Zimmermann et al. Nature volume 570, pages462–467 (2019).
3) Anticancer immunotherapy by CTLA-4 blockade relies on the gut microbiota. Vétizou et al. Science, 2015.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques