UN RAPPORT « orienté » et « non probant », selon Michel Caillaud, président de l’UNPF*, « irritant » pour Philippe Gaertner (FSPF**) et « une déclaration de guerre », pour Gilles Bonnefond (USPO***). Le nouveau rapport de l’IGAS sur le « financement des soins dispensés dans les établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) », provoque une levée de boucliers des syndicats d’officinaux. En cause : les préconisations de l’IGAS de poursuivre le déploiement du tarif global, qui intègre les dépenses de médicaments dans un forfait, et de faciliter le développement des pharmacies à usage intérieur (PUI) dans les EHPAD. Pour les syndicats, cela risque de déstabiliser les officines qui travaillent pour ces établissements. « Cela retirerait entre 700 et 800 millions d’euros aux pharmacies qui fournissent les maisons de retraite », chiffre Philippe Gaertner.
L’IGAS estime pour sa part que la « PUI constitue un levier d’action très utile pour la maîtrise coût/qualité des soins ». « Ce qui me choque, c’est que l’on compare des choses qui ne sont pas comparables », commente le président de la FSPF. Il estime en effet que le coût des locaux et des frais généraux (secrétariat, fourniture, etc.) de la PUI n’a pas été intégré aux calculs pour déterminer son intérêt économique. « De plus, le temps de présence des personnels dans les PUI est généralement assez faible, de l’ordre d’une journée par semaine. Que fait-on les autres jours ? On met les traitements à disposition du patient sans le pharmacien ? On attend son retour la semaine suivante ? » s’interroge Philippe Gaertner. Michel Caillaud dénonce également ces comparaisons hasardeuses. « On est dans l’absurde complet », s’insurge-t-il. Pour lui, « on est en train d’écraser l’officine, sans lui donner les moyens de réagir, puisque les coûts pris en compte ne sont pas identiques ».
Le pharmacien référent aux oubliettes.
Les syndicats pointent également l’absence de prise en compte du pharmacien référent dans le rapport. Il n’est cité qu’une seule fois, et pas vraiment dans des termes flatteurs. L’IGAS indique ainsi que « l’effort de maîtrise des prescriptions pharmaceutique dans les EHPAD repose [notamment] sur : l’intervention du pharmacien de PUI sous de multiples formes. […] En comparaison, le rôle effectif que l’on pourrait attendre d’un pharmacien de ville référent est incertain ». Pourtant, le premier rapport de l’IGAS sur l’expérimentation de la réintégration du budget médicament dans les forfaits de soin des EHPAD, publié en septembre 2010, reconnaissait l’utilité du pharmacien correspondant.
« C’est de la mauvaise foi ! » s’indigne Gilles Bonnefond, président de l’USPO. « Le pharmacien référent n’est pas encore véritablement en place, la comparaison ne tient pas. Ce rapport a dérapé complètement. » Pour lui, le document était destiné à « apporter une justification au forfait global, en démontrant qu’il a été source d’économie pour l’assurance-maladie ». Or les auteurs admettent qu’il a en réalité entraîné un surcoût. « Il a provoqué un effet d’aubaine qui a généré des gaspillages. Quand on globalise un budget, on ne cherche pas à faire des économies, remarque-t-il. La création de PUI serait destinée à compenser cette gabegie. Et les mesures préconisées par l’IGAS ne concernent pas uniquement les pharmaciens. Tous les libéraux sont concernés. Le rapport parle de salarier des médecins gériatre, des kinésithérapeutes, etc. On essaie de faire payer le médico-social pour le sanitaire », dénonce Gilles Bonnefond, qui espère que « l’assurance-maladie ne se laissera pas faire ».
Risques de sélection.
Michel Caillaud s’étonne d’ailleurs des conclusions du rapport. « Les auteurs reconnaissent que le forfait global est moins bien que le tarif partiel, mais ils préconisent malgré tout de l’étendre, en soulignant que, à l’avenir, il sera certainement source d’économies ! » Outre cette incohérence, le rapport admet un risque de différence de traitement entre une personne soignée en maison de retraite et une autre, soignée en ville. « Il y a un vrai risque de sélection des patients et de discrimination en fonction de leur traitement médicamenteux », note Philippe Gaertner. C’est également ce que pointait le précédent rapport de 2010. Et, contrairement au nouveau rapport, il doutait de la pertinence de la création de PUI. Selon les auteurs, cela risquait de menacer la viabilité d’officines, notamment en milieu rural. « Leur éventuel dépôt de bilan pourrait, en particulier dans certaines zones de désertification sanitaire, constituer un réel problème de santé publique », indiquaient-ils.
Forts de ces arguments, les syndicats montent au créneau. Michel Caillaud réclame « une évaluation correcte » du financement des soins en EHPAD. De son côté, Gilles Bonnefond attend « une prise de position de la part des candidats à la présidentielle. Ils doivent nous dire s’ils veulent ou non tuer les pharmacies en milieu rural ». Enfin, Philippe Gaertner, « demande aux pouvoirs publics de ne pas permettre l’installation de PUI en EHPAD, pour ne pas déstabiliser l’officine de ville ».
**FSPF : Fédération des syndicats pharmaceutiques de France
***USPO : Union des syndicats de pharmaciens d’officine
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