« Les repas mixés sont une source de privation sensorielle ». Mickael Le Bohellec en est convaincu : des repas plus appétissants peuvent améliorer la qualité de vie (et donc la santé) des résidents en Ehpad. Directeur « stratégie marketing et innovation » de la branche « santé et médico-social » de Sodexo, il est responsable du programme « Harmonie », lancé par l’entreprise il y a vingt mois.
Un projet mis en œuvre dans quatre établissements pilote, qui servent désormais des repas contenant davantage de morceaux. Non sans rencontrer quelques résistances culturelles. Les repas mixés sont en effet souvent distribués sur prescription médicale. « Le personnel soignant croit souvent que si on donne aux résidents du mixé, il ne peut pas y avoir de fausse route obstructive », remarque Yann Tannou, orthophoniste libéral qui a participé au projet. Mais d’après lui, cette idée est fausse. « Il faut savoir que 60 % des fausses routes ont lieu en consommant des repas mixés », indique-t-il. Comme bon nombre de croyances infondées, la peur de la fausse route a des conséquences importantes. La plupart des résidents en Ehpad ont en effet une alimentation dont la texture est trop transformée par rapport à leurs capacités, indique Yann Tannou. En leur servant des repas plus adaptés, on peut les stimuler davantage, et donc améliorer leur autonomie. Bien sûr, les plats servis doivent respecter certains critères : morceaux de taille cohérente, structure cohésive, texture glissante…
Un chef étoilé à la rescousse
Pour parvenir à respecter ce cahier des charges tout en proposant des repas susceptibles de faire monter l’eau à la bouche des résidents, Sodexo a travaillé avec Michel Bras, chef aveyronnais dont le restaurant à Laguiole affiche trois étoiles au Michelin. « Ce n'était pas facile, il a fallu souvent revoir la copie, avoue le cuisinier. Nous avons tenté de réécrire des recettes qui parlent à la mémoire des personnes âgées. » Résultat des courses : dans les établissements qui ont bénéficié du programme Harmonie, seulement 9 % des résidents ont désormais des repas mixés, contre 30 à 40 % dans les autres établissements. Et surtout, ajoute Yann Tannou, durant l’année qu’a duré l’expérience, aucune fausse route due aux morceaux n’a été constatée. Le programme Harmonie s’est accompagné d’un essai clinique, dont les conclusions seront publiées prochainement. Les résultats préliminaires semblent encourageants : les établissements pilote semblent observer moins de cas de dénutrition et on y utilise moins de compléments nutritionnels.
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Reste le problème du coût. Sodexo affirme que le programme Harmonie a constitué un investissement important, notamment en termes de formation. « Par ailleurs, un pot gourmand, cela coûte plus cher qu’une blédine », reconnaît Mickael Le Bohellec. Mais celui-ci pointe aussi les sources d’économies potentielles, comme la réduction des compléments nutritionnels. « Ce n’est pas quelque chose qui va révolutionner le coût économique des repas », tranche le cadre de Sodexo. Mais l’essentiel des bénéfices semble être ailleurs. « Le programme Harmonie a contribué à redynamiser le plaisir de manger des résidents », témoigne Christian Roch, directeur d’un EHPAD participant. Celui-ci estime que le projet a contribué à « freiner une perte d’autonomie chez certains d’entre eux », et à favoriser « une prise de poids chez certaines personnes dénutries ». Que ta nourriture soit ton premier médicament, disait déjà Hippocrate.
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