SUR LES QUELQUE 2 millions de Français alcoolo-dépendants (chiffre INSERM), actuellement seulement 8 % sont pris en charge et traités. Beaucoup sont conscients d’avoir perdu le contrôle de leur consommation et d’être exposés à différentes maladies et à une mortalité prématurée, mais ne souhaitent pas s’arrêter totalement. Parce que leur état et leur comportement ne nécessitent pas un sevrage immédiat et parce que le traitement est lourd, contraignant et l’abstinence difficile à atteindre et à maintenir. Après traitement, seulement un tiers des patients reste abstinent à un an et 10 à 20 % au bout de quatre ans.
Pour les personnes dépendantes dont la consommation est à risque élevé ou très élevé, mais qui ne seraient pas rentrées dans le parcours de soins, le nalmefène représente une alternative intéressante : il ne vise pas l’abstinence mais une réduction de la consommation. Ce faisant, explique le Pr Henri-Jean Aubin, chef du département de psychiatrie et d’addictologie de l’hôpital Paul-Brousse (Villejuif) et président de la Société française d’alcoologie, il réduira la morbi-mortalité. « Ce n’est pas comme la cigarette dont les risques sont très liés au nombre d’années de tabagisme. Toute réduction de la consommation d’alcool, surtout chez les personnes buvant beaucoup ou dépendantes, a un impact sur le risque de cirrhose, de maladie coronarienne, de cancer et sur la mortalité. ». Dans son avis rendu en décembre 2013, la Commission de la transparence a d’ailleurs considéré que Selincro présentait un intérêt de santé publique et estimé à 280 000 le nombre de patients qui pourraient en bénéficier.
En première intention.
Dans les années 1970, des études avaient montré que même les personnes dépendantes à l’alcool pouvaient revenir à une consommation moindre et en tiraient bénéfice, mais l’abstinence était le dogme. Le nalmefène, remboursé depuis septembre 2014, est ainsi le premier traitement indiqué dans la dépendance à l’alcool par le biais de cette nouvelle stratégie thérapeutique de réduction de la consommation. Son mécanisme d’action est différent de celui des autres molécules, y compris le baclofène, prescrit en 2e intention : il agit directement sur le système opioïde endogène qui régule le circuit de la récompense, dérégulé en cas de consommation abusive d’alcool. Les études cliniques menées en Europe sur près de 2 000 patients font état d’une réduction de 50 % de la consommation d’alcool dès le premier mois, de 60 % à 6 mois et de 70 % à 1 an. Mais, nuance le Pr Aubin, le résultat est fonction de l’observance et tout le monde ne répond pas au traitement.
En pratique, la personne dépendante à l’alcool (plus de 6 verres standard/jour pour l’homme et plus de 4 pour la femme) doit être réévaluée par son médecin deux semaines après la première consultation avant de se voir proposer Selincro avec les consignes de prise : avaler le médicament dès qu’il ressent le besoin de boire ou, mieux, anticiper le moment auquel il risque de boire car l’effet se fait sentir 1 à 2 heures après. Il est aussi invité à remplir un agenda de consommation (nombre de verres par jour et prise du médicament ou pas) et à revoir son médecin tous les mois pour faire le point. Le pharmacien, qui connaît souvent les problèmes d’alcoolisme de ses patients, a également un rôle d’accompagnement à jouer, notamment dans la poursuite du traitement.
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